Kinopoivre, les films critiqués par Jean-Pierre Marquet - Vite !

Vite !

Les critiques et notules de ce site peuvent sembler longues aux lecteurs pressés. Pour eux, ces aperçus en peu de mots. Ils sont classés par pages, en suivant l’ordre alphabétique. Au sommaire de celle-ci, La chambre du fils, La confusion des genres, L’adversaire, La graine et le mulet, La guerre des mondes, La langue des papillons.

Chiffres A1 A2 A3 B C D E F G H I J K L1 L2 L3 L4 L5 L6 L7 L8 M1 M2 N O P Q R S T U V W

 

Barême :

Classique 4 étoiles

À voir absolument 3 étoiles

À voir 2 étoiles

À voir à la rigueur 1 étoile

Inutile de se déranger 0 étoile

À fuir À fuir

L1

La chambre du fils2 étoiles
de Nanni Moretti
avec Nanni Moretti, Laura Morante, Jasmine Trinca, Giuseppe Sanfelice, Silvio Orlando, Claudia Della Seta, Stefano Accorsi

Excellent film italien, qui a reçu la Palme d’Or au Festival de Cannes de 2001. Son auteur, Nanni Moretti, produit en général des histoires autobiographiques, ce que La chambre du fils n’est pas : ici, le personnage central, jamais nommé, est un psychanalyste, marié à une femme belle et intelligente. Le ménage a deux enfants lycéens, un garçon et une fille, équilibrés et sportifs. Ils vivent heureux. Mais le garçon se noie accidentellement. La suite décrit le deuil vécu par la famille, filmé de près, à hauteur d’homme. Et on n’a jamais mieux montré une période de cette intensité dramatique. Comment ils vont, tous les trois, reprendre le dessus, les deux femmes plus rapidement que le père, c’est ce qui nous est relaté. À cela s’ajoute le bouleversement de cet homme dont le métier est de soigner les gens, et qui ne peut plus exercer sa profession, parce qu’il a perdu l’équilibre nécessaire, et parce qu’il rend l’un de ses patients responsable de la mort de son fils.

Il est bon de préciser que ce sujet rien moins que follichon n’engendre cependant pas la sinistrose : le réalisateur ne tente jamais de nous apitoyer. Si donc vous versez quelques larmes au début, vous serez pris ensuite par le cahotique cheminement moral de notre psy. Pudeur, délicatesse, sensibilité, humour discret, on n’avait pas vu cela depuis assez longtemps.

Pourtant, une réserve sur l’épisode final, un peu plaqué sur l’histoire : une lettre arrive après la mort du garçon, écrite par une jeune fille apparemment fort amoureuse, qu’il avait rencontrée l’espace d’une journée. La famille désire la connaître, la fille refuse au début, puis se pointe... accompagnée d’un autre garçon. Par chance, ce dernier est sympathique, et tout le monde, reculant inconsciemment le moment de se séparer sans doute à jamais, fait une petite virée jusqu’à la frontière française. Un quart d’heure de trop !

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La confusion des genres3 étoiles
de Ilan Duran Cohen
avec Pascal Greggory, Cyrille Thouvenin, Bulle Ogier, Alain Bashung, Nathalie Richard, Julie Gayet, Vincent Martinez, Nelly Borgeaud, Valérie Stroh

Film original et spirituel, dans le traitement du scénario plutôt que dans son thème de base, alors que c’est souvent l’inverse dans le cinéma français.

Alain est un avocat quadragénaire un peu ringard et d’une rare indécision, voué aux affaires minables, aux ordres d’une associée majoritaire qui l’épouserait volontiers si elle conservait la moindre illusion sur l’individu et son sens des relations humaines. Bel homme pourtant, il plaît autant aux femmes qu’aux hommes, en attire dans son lit un nombre respectable, mais ne parvient pas à se décider. Incapable de rompre, il conserve tout le monde : son associée, ses anciennes petites amies, le jeune frère de l’une d’elles, Christophe, très amoureux, un de ses clients condamné à la prison perpétuelle pour un double crime, la petite amie de celui-ci. Son dernier acte dans le film sera de draguer l’infirmier homo chargé de la toilette du bébé qu’il vient d’avoir avec sa nouvelle femme légitime, enfin épousée après maintes hésitations, infirmier dont on devine qu’il va s’intégrer sans mal à l’étrange tribu.

L’histoire ne se confond pas avec le récit qui en est fait : le meilleur n’est pas dans la situation, qui a été traitée fréquemment, mais dans l’interprétation, et aussi dans les dialogues, co-écrits par le réalisateur, d’une qualité éblouissante, et qui font de cette histoire pas drôle une comédie étincelante digne de Marivaux.

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L’adversaire1 étoile
de Nicole Garcia
avec Daniel Auteuil, François Cluzet, Emmanuelle Devos, Géraldine Pailhas

Deuxième film tourné à partir de ce curieux fait divers que fut l’affaire Romand – dont un livre a déjà été tiré. Jean-Claude Romand prétendait être médecin et employé par l’Organisation Mondiale de la Santé ; en fait, il n’était rien et ne travaillait pas. Après avoir menti pendant quinze ans, et sur le point d’être démasqué, il préfère tuer sa femme, ses deux enfants et ses parents. Romand est aujourd’hui en prison.

Nicole Garcia a choisi d’adapter le livre en forme d’enquête d’Emmanuel Carrère, et son film n’explique rien, pas même comment tout cela a commencé ; ni comment Romand se procurait l’argent nécessaire pour faire vivre une famille de quatre personnes, avoir une maison, une maîtresse et une belle voiture, et passer son existence dans les hôtels ; ni pourquoi cet homme capable et qui aurait pu devenir un vrai médecin, ne l’a pas été. Pourtant, ce n’eût pas été un obstacle insurmontable que de réunir ces précisions, puisque les faits sont connus et que le protagoniste vit toujours.

En général, les films qui n’expliquent rien sont très appréciés de la critique. Mais enfin, le refus de toute explication, psychologique ou factuelle, ne serait-il pas, aussi et parfois, de la paresse ? Au bout du compte, en tout cas, c’est le spectateur qui reste sur sa faim. Et Daniel Auteuil aggrave la situation. Je ne prétends pas que c’est un mauvais acteur, au contraire ; mais enfin, les réalisateurs se complaisent à le distribuer dans ce type de rôle où il n’a rien d’autre à faire que d’être présent.

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La graine et le mulet0 étoile
d’Abdellatif Kechiche
avec Mohamed Benabdeslem, Farida Benkhetache, Habib Boufares, Leila D’Issernio, Cyril Favre, Carole Franck, Hafsia Herzi, Alice Houri, Bruno Lochet, Olivier Loustau, Bouraouïa Marzouk, Gilles Matheron, Sabrina Ouazani, Sami Zitouni

Le plus mauvais film français de l’année.

Un sujet pour Ken Loach, que le Britannique aurait traité, lui, avec justesse et intelligence : un immigré maghrébin, employé depuis trente-cinq ans dans un chantier naval de Sète, est victime d’un licenciement économique alors qu’il approche de la retraite. Il utilise ses indemnités pour ouvrir un restaurant de couscous sur un vieux rafiot qu’il rafistole avec sa famille. Mais la soirée inaugurale est gâchée, parce que son fils est reparti en voiture en oubliant de décharger la marmite, d’ailleurs ridiculement trop petite, contenant la semoule du couscous, préparée chez sa mère (l’ex-femme du père). Heureusement, la maîtresse du restaurateur amateur viendra à la rescousse avec une autre marmite, encore plus petite, contenant un couscous de secours préparé en hâte.

Le pire n’est pas dans ce scénario bancal, il est dans la réalisation proprement dite : les personnages discutent (ou se disputent) interminablement, et on est accablés par une demi-douzaine d’intermèdes sur la difficulté du travail dans un chantier, sur les qualités de cordon-bleu d’une mère de famille, sur une petite fille de deux ans qui a pissé dans sa culotte plutôt que dans le pot (!), sur l’enchérissement du prix des couches de bébé, et sur une foule d’autres sujets capitaux, pour terminer par une diatribe de dix minutes prononcée par une épouse que son mari trompe tous azimuts. Le pire, en ce qui concerne cette dernière tirade, est qu’elle interrompt le récit et le suspense dont je parlais plus haut, qui vient de commencer avec le constat de la disparition du couscoussier, et dont le spectateur attend la résolution, qui en sera retardée d’autant. Pour en rien arranger, on fait « patienter » les invités du restaurant – et le spectateur – avec une exhibition de danse du ventre, dont le moins qu’on puisse dire, c’est qu’elle est pénible : la fille, trop grasse, manque d’attrait, et de toute façon, ce type de danse est d’une vulgarité qui dépasse l’imagination.

Au bilan, une heure de trop, que le public passe à bailler ou à regarder sa montre, et qui entraîne le film à dépasser les deux heures et demie !

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La guerre des mondes0 étoile
de Steven Spielberg
avec Tom Cruise, Dakota Fanning, Justin Chatwin, Mariann Mayberry, David Alan Basche, Tim Robbins, David Harbour, Morgan Freeman

Déjà, les interviews de Spielberg précédant la sortie du film laissaient craindre le pire : n’avait-il pas déclaré, comme pour s’excuser de ne filmer que le chaos et l’extermination des Terriens par les Martiens, et de tourner ainsi le dos à tous les bons sentiments exprimés dans E.T. et dans Rencontres du troisième type, qu’il ne pouvait plus observer le ciel et l’espace comme auparavant, depuis les attentats du 11 septembre 2001 ? On croyait Spielberg de gauche, mais il parle aujourd’hui comme George Bush.

La guerre des mondes est sans surprise. Rien n’arrive sur l’écran qui ne soit prévisible, et les catastrophes se succèdent avec une régularité d’horloge. Si encore le scénario était bien conçu et observait une certaine progression dramatique ! Mais non, même pas, la plupart des scènes chocs se placent au début du film, de sorte qu’ensuite, et par comparaison, le spectateur s’ennuie.

Et puis, tout est y laid, la photo, les décors, les personnages. Voire répulsif (la petite fille, qui, d’un bout à l’autre du récit, ne cesse de pousser des cris stridents ; son frère de dix-sept ans, qui n’est pas moins crétin).

Cette laideur et ces côtés désagréables sont voulus et veulent exprimer le pessimisme des auteurs, Wells d’abord, Spielberg et ses deux scénaristes ensuite ? Mais, sans enjoliver la réalité de ce qu’on filme, on peut parfois faire preuve de goût. En fait, la seule scène regardable, et aussi la plus spectaculaire, est une séquence complètement statique, qui décrit un quartier de banlieue sur lequel un avion s’est écrasé : toute la beauté – relative – de la scène est dans le décor de la catastrophe aérienne, avec ses débris éparpillés. Rien ne bouge, mais c’est plus impressionnant que ces ridicules monstres sur pattes filiformes qui arpentent la campagne et volatilisent au laser tout ce qui bouge.

Reste enfin le cliché récurrent et qui fait tiquer tout le monde. Au vu de ses films, on imagine assez bien Spielberg comme l’étatsunien-type, passant ses week-ends à visionner à la télé des matches de base-ball en sifflant des bières en boîte, évidemment idolâtre de la Famille, et en prime, digérant mal le divorce de ses parents (il nous en parle dans tous ses films). De sorte qu’ici, une fois de plus, nous avons le père divorcé que ses gosses tiennent pour un minable, mais qui regagnera leur affection à la dernière bobine. Marre !

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La langue des papillons2 étoiles
de José Luis Cuerda
avec Fernando Fernan Gomez, Manuel Lozano Obispo, Uxia Blanco, Martin Uriarte, Alexis de Los Santos, Guillermo Toledo

L’action se déroule en 1936, alors que s’affrontent en Espagne les Républicains et les fascistes. Moncho est un petit garçon timide. Atteint d’asthme, il découvre l’école pour la première fois, et a la chance de tomber sur un vieux maître qui ne bat pas les gosses, les respecte et leur apprend la vie. De conviction républicaine, cet homme n’a pas que des amis dans le village, et la victoire des fascistes en fera un proscrit peu après son départ à la retraite. Le film nous conduit lentement à la scène cruciale de l’histoire, où l’on voit les vaincus, partisans de la République, forcés de conspuer, afin de sauver leur peau, leurs amis de la veille. Comble d’horreur, Moncho insulte son vieux maître et lui lance une pierre, alors que le vieillard prisonnier est emmené, en camion, Dieu sait où, avec les partisans de l’ancienne légalité.

On est loin de la mièvrerie que faisait craindre le côté « monde vu par les yeux d’un enfant » qui sévit si fréquemment au cinéma. Et pour une fois qu’un film espagnol de qualité sort dans un grand circuit plutôt que dans une petite salle confidentielle, profitez-en.

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