Les critiques et notules de ce site peuvent sembler longues aux lecteurs pressés. Pour eux, ces aperçus en peu de mots. Ils sont classés par pages, en suivant l’ordre alphabétique. Au sommaire de celle-ci, Basic, Battle royale, Bella ciao, Blair witch 2, Bowling for Columbine, Bug et Buried.
Barême :
Classique
À voir absolument
À voir
À voir à la rigueur
Inutile de se déranger
À fuir
Enquête sur un crime commis dans l’Armée des États-Unis basée à Panama : un sergent instructeur noir, renommé pour son sadisme, aurait été assassiné par un de ses hommes. En fait, du sergent et des six recrues, seuls deux sont revenus à la base, un blessé grave, et le meurtrier « présumé ». En outre, un ouragan a très opportunément dispersé les corps des victimes, qui n’ont pas été retrouvés : ne demeure que le témoignage du blessé, car le soldat qu’on accuse du meurtre refuse de parler à tout autre qu’à un ranger. De sorte qu’un ancien de ce corps, Hardy, naguère chassé de l’Armée pour avoir été soupçonné de corruption passive au profit de trafiquants de drogue, est prié de prêter son renfort à l’enquêtrice officielle, sur la demande d’un ancien camarade, aujourd’hui colonel et qui commande la base d’où venaient les victimes et l’assassin présumé.
Or rien n’est vrai dans cette histoire : les victimes ne sont pas mortes, le colonel qui a demandé l’enquête est en fait l’organisateur du trafic de drogue au centre de tout cela, et l’enquêteur prétendument corrompu jouait en réalité un double jeu, et n’avait pour but que de démasquer son ex-copain... avec l’aide du « mort » et de ses compagnons de commando, lesquels collaborent secrètement avec lui dans la lutte contre la drogue. Bref, difficile d’inventer une histoire plus tordue, et un dénouement aussi opposé aux données de départ.
L’ennui, c’est que tous ces coups de théâtre n’avancent que par les multiples révélations que fournit le dialogue, abondant mais souvent inaudible, et par les nombreux flashbacks illustrant les dépositions des protagonistes du drame... qui n’a pas eu lieu. Autre raison d’incompréhension, on y évoque constamment des personnages qui ne sont pas à l’écran et qu’on distingue mal, car le réalisateur n’a pas pris la peine d’associer assez solidement leur nom à leur visage, et parce que tout se déroule de nuit et sous la pluie. Enfin, les flashbacks, très nombreux, sont tous mensongers ! C’est ainsi qu’on est témoin, entre autres, de meurtres qui n’ont pas eu lieu. Le procédé donne par conséquent au spectateur le sentiment qu’on l’a mené en bateau avec un scénario qui n’est pas honnête.
Ce film recense un bon nombre de manières propres à expédier son prochain dans un monde meilleur, mais ne tombe jamais dans le gore, le détail repoussant, le sadisme complaisant. Il bénéficie d’un scénario, riche, ingénieux, travaillé, pas très politiquement correct : dans un futur proche, les adultes ont déclaré la guerre aux jeunes, estimés trop violents, et, chaque année, une classe de lycéens est « invitée » à s’exterminer sur une île bien gardée par l’armée. Des quarante-deux lycéens, un seul doit survivre. Bien sûr, la mécanique va s’enrayer, vu qu’il y aura... deux survivants, mutés en fuyards perpétuels, puisque, un comble, ils sont alors recherchés pour meurtre, bien que n’ayant tué personne !
Tout cela est d’un humour très noir. Même la musique s’en mêle ironiquement, car elle est du genre élégiaque : Johann Strauss, Bach... Mais vous apprécierez aussi les perles du dialogue. Deux exemples : au rapport du matin, très militaire, le meneur de jeu énumère tous les morts de la nuit, puis conclut son petit discours d’encouragement par la formule « Et surtout, ne vous laissez pas abattre ! ». Et cette scène magnifique : un jeune homme enfonce une hache dans le crâne d’un camarade. Immédiatement, affolé par ce qu’il vient de faire, il lui demande à peu près : « Ça va ? Dis, ça va aller ? ».
Le récit s’étale sur quatre générations : celle du grand-père Mancini, communiste italien, qui finira en 1932, exécuté par les fascistes ; celle de son fils Orfeo, qui va émigrer avec femme et enfants ; celle de ses propres enfants, Oreste et Bianca ; et pour terminer, celle de Jean, surnommé Gianni, qui s’intégrera enfin dans son pays d’adoption, la France, en y faisant ses études de médecine. Nous est contée l’histoire d’une famille qui veut émigrer aux États-Unis pour fuir l’oppression et la misère, et qui par erreur va échouer à Marseille. Comme c’est une œuvre anti-fasciste, et que c’est toujours d’actualité, on va voir cela avec sympathie, et on aimerait n’être pas déçu. Malheureusement, ce n’est pas le cas : trop de clichés, trop de maladresses, de fausses bonnes idées (écouter la voix des morts, l’oreille collée au sol ; faire manger à sa famille de la terre apportée du pays natal), des scènes ringardes (Isabelle Carré en statue de la Liberté, un must dans le genre grotesque) ou plaquées sur le scénario puis abandonnées (Oreste noyant l’ennemi de la famille dans les chiottes à la turque, épisode qui n’a aucun conséquence et n’est même plus évoqué ensuite).
On ne retiendra de tout cela que la beauté des paysages (mais en Toscane, impossible de rater la photo) ainsi que la présence d’excellents acteurs, tout particulièrement Yaël Abecassis, belle et digne, et bien sûr Jalil Lespert, l’un des acteurs les plus doués de sa génération.
Pourquoi faut-il que des millions de gogos se croient tenus de se chercher de nouvelles idoles – comme si les anciennes n’avaient pas fait la preuve de leur malfaisance – via la mode gonflante des « cultes » : romans-cultes, chansons-cultes, films-cultes, etc. ? Ce numéro 2 reprend les ingrédients du numéro 1, en beaucoup plus friqué : même intrigue et même ambiance que dans le numéro 1. Avec, en supplément, une avalanche d’images gore et de plans hallucinatoires à défaut d’être hallucinants, et le procédé malhonnête consistant à truffer de caméras vidéo tous les lieux de l’action, caméras qui enregistrent, miracle de la technique, des événements ne s’étant pas produits. Le résultat n’est ni drôle ni terrifiant, mais au contraire parfaitement soporifique.
En 1999, au lycée Columbine, à Littleton (Colorado), deux élèves ont massacré treize de leurs camarades, sans la moindre raison. Pourquoi le bowling ? Parce que, dans le même lycée, existe un cours de bowling, dont les lycéens reconnaissent volontiers qu’il n’a aucune valeur pédagogique, et que fréquentaient les deux meurtriers. Mais enseigner le bowling au lycée, n’est-ce pas digne de ce pays où, pour « réussir » des études supérieures et décrocher une bourse, mieux vaut exceller au football ou au basket que d’être intellectuellement apte ?
Heureusement, quelques artistes, quelques intellectuels s’insurgent encore. Michael Moore est de ceux-là. Ici, sa cible, c’est l’omniprésence des armes à feu, et surtout l’usage qu’en font ses compatriotes. Car la possession d’une arme n’entraîne pas obligatoirement le meurtre aveugle : Moore est allé voir comment cela se passait au Canada. Les Canadiens sont presque aussi bien armés que leurs voisins étatsuniens, avec sept millions d’armes à feu personnelles pour dix millions de foyers ! C’est énorme. Or, le taux de mort violente dû à cet arsenal est insignifiant. C’est l’occasion d’apprendre que le Canada connaît moins de 300 meurtres par an, la France, 255, le Japon, 38, et les États-Unis... 11 127 ! Pendant que les Yankees tremblent en permanence et se calfeutrent chez eux, les Canadiens se marrent, profitent de la vie et ne ferment jamais leurs portes. Résultat : chez eux, une délinquance quasi-nulle ! Qu’est-ce qui fait, des États-Unis, cet enfer, ce foyer de l’insécurité permanente ? Selon Moore, c’est la peur, entretenue par les médias et les hommes politiques du style de George Bush le va-t-en guerre. Peur de l’inconnu, peur des étrangers, peur des jeunes et de leur musique, peur des Noirs surtout. Faut-il rappeler que la majorité des personnes incarcérées aux États-Unis sont noires, que la Justice américaine frappe les Noirs en priorité ?
Allez voir ce film, quand bien même vous seriez allergique au militantisme. Vous frémirez, vous serez horrifiés, mais vous rirez aussi de ce pays inquiétant qui collectionne les ridicules, car Moore manie un humour pince-sans-rire qui lui est propre, et qui se révèle diablement efficace. C’est de l’entartage à la puissance 10. Bowling for Columbine est un film sain, il devrait être subventionné, montré partout, et on devrait en imposer la vision à Bush et à ses sbires.
Puisqu’on ne peut pas éradiquer la drogue, éradiquons les drogués, telle est la théorie tenue secrète du gouvernement des États-Unis ; c’est du moins ce que croit Peter Evans, le personnage central de Bug. Complètement zinzin, il a fait quatre ans dans un hôpital psychiatrique, dont il s’est échappé, et, persuadé que tous les services secrets du pays sont à ses trousses puisqu’il détient ce terrible secret, il se réfugie chez Agnes, une pauvre femme dont le fils a naguère disparu, et à qui son taulard de mari, récemment libéré, jaloux comme un tigre, flanque des torgnoles au moindre prétexte. Il faut croire que la folie est contagieuse, car la voilà bientôt convaincue qu’elle et Peter sont harcelés par des insectes microscopiques, qui ont trouvé refuge sous leur peau, et qui seraient porteurs d’une puce électronique capable d’influencer les pensées de l’humain qu’ils parasitent ! Au point qu’elle en vient à expliquer par ce complot gouvernemental tous les événements marquants de son existence et de celle de ses proches. De son côté, la folie de Peter va jusqu’à l’automutilation, puis au meurtre – celui du docteur qui voulait le soigner, et dont il croit que c’est un robot envoyé par les services secrets ! À la fin, les deux dingues, à poil dans un appartement dont ils ont recouvert les murs par du papier alu (!), s’immolent par le feu, mais le film, lui, s’est noyé entretemps sous les excès.
Ce film se rapproche de L’exorciste, du même réalisateur, parce que le principe est le même : un personnage central se croit (ou est cru) possédé par une force quasi-surnaturelle, et se persuade qu’il ne s’en débarrassera que dans une séquence finale paroxystique et meurtrière, à laquelle tend tout le film. C’est aussi ridicule et outrancier que L’exorciste.
Le scénario se veut lourd de symboles, mais, par la même occasion, il entend dénoncer de très réelles expériences sur l’être humain dont le gouvernement des États-Unis s’est naguère rendu coupable. L’ennui est que la très courte dénonciation à laquelle se livre Friedkin sert partiellement de prétexte au film, n’est pas approfondie, et qu’on a préféré filmer du Grand Guignol : l’auto-extraction par Peter d’une de ses molaires qui cachait, croyait-il, une réserve d’insectes comploteurs. Le film est donc, non seulement répulsif, mais inutile.
Paul Conroy, simple camionneur au service d’une entreprise privée travaillant en Irak pour le ravitaillement, mais indépendamment de l’armée, est pris en otage et enterré vivant. On lui a laissé de l’éclairage et un téléphone portable, dont la batterie va tenir un peu plus de deux heures, et son oxygène est rare, bien que la caisse ne soit pas vraiment étanche, puisque du sable s’y infiltre et qu’un serpent a pu s’y introduire. Le représentant de ses ravisseurs l’appelle pour exiger une rançon en billets de banque avant 21 heures, sinon, on le laissera dans sa caisse et il mourra. Évidemment, Paul cherche par tous les moyens à obtenir du secours de la part de ses compatriotes, mais, peu à peu, le sable envahit son cercueil. Pendant tout ce temps, ses compatriotes le cherchent, mais les ravisseurs les ont aiguillés sur une fausse piste – l’endroit où gît un précédent otage, qui a connu son sort et en est mort. Et la dernière voix qu’il entendra de son interlocuteur qui, aux États-Unis, tente de le retrouver, lui soufflera « Je regrette, Paul, je regrette énormément ». Fin du film.
Notons ce détail : l’entreprise pour laquelle Paul travaille utilise une argutie juridique pour le déclarer licencié avant l’heure de sa capture, et ainsi, se désintéresser de son sort et ne pas indemniser sa famille après sa mort ! Vivent les États-Unis et l’ultralibéralisme.