Les critiques et notules de ce site peuvent sembler longues aux lecteurs pressés. Pour eux, ces aperçus en peu de mots. Ils sont classés par pages, en suivant l’ordre alphabétique. Au sommaire de celle-ci, Ressources humaines.
Barême :
Classique
À voir absolument
À voir
À voir à la rigueur
Inutile de se déranger
À fuir
Ressources humaines s’impose comme une œuvre adulte, d’une importance majeure – et captivante, ce qui n’est pas négligeable. Pourtant, les cinq premières minutes ne sont pas encourageantes : on croit être tombé sur un film à la gloire des « 35 heures » chères à Martine Aubry, et cela, par le biais d’une vision faussement naïve, celle d’un étudiant de 23 ans, Franck.
Ce personnage, horripilant de sottise (il sort d’une « grande » école de commerce), fait un stage de cadre dans l’usine où son propre père travaille depuis trois décennies comme simple ouvrier. On l’affecte aux « ressources humaines », expression désarmante d’hypocrisie qui ne désigne rien d’autre que la direction du personnel. Le grotesque de la situation, Franck, ébloui par ses belles études, ne le voit pas d’emblée ; ayant gobé sans réfléchir toutes les sottises qu’on lui a enseignées, il veut si bien faire qu’il ne comprend pas l’évidence : le patron de l’usine, qui lui fait si bon visage, n’est en fait qu’une belle ordure se préparant, au nom de la sacro-sainte rentabilité, à laisser sur le carreau une partie de son personnel. Avec sa collaboration active à lui, Franck, puisqu’on le charge du premier épisode d’un plan de « restructuration » de l’entreprise, épisode que, flatté de la confiance dont il se croit honoré, il va fignoler en toute innocence.
Le parcours du petit con mal déniaisé politiquement, qui va se muer peu à peu en adulte conscient de la dégueulasserie du monde où il a choisi de s’intégrer, tel est l’objet du film. Mais ce ne serait jamais qu’un film de plus sur l’initiation, si ne se mêlait à ce récit la propre histoire du père, qui sert de pion dans la partie : si tu marches avec nous dans l’élaboration du « plan social », on épargne ton père en le mettant à la retraite au lieu de le virer purement et simplement. Lorsque Franck aura enfin compris les règles du jeu et pris partie contre la direction et pour les syndicats, c’est le père, pauvre type abruti par le travail, qui aura honte de ce revirement... et le fils qui criera son dégoût face à la passivité de son géniteur. C’est à la fois terriblement réel et pitoyable.
Jalil Lespert, dans le rôle de Franck, est excellent.