Les critiques et notules de ce site peuvent sembler longues aux lecteurs pressés. Pour eux, ces aperçus en peu de mots. Ils sont classés par pages, en suivant l’ordre alphabétique. Au sommaire de celle-ci, La mauvaise éducation, La mémoire du tueur, Land of the dead, L’anniversaire, La passion du Christ.
Barême :
Classique
À voir absolument
À voir
À voir à la rigueur
Inutile de se déranger
À fuir
Le personnage principal, Ignacio, dont il est sans cesse question tout au long du récit, n’arrive que vingt minutes avant la fin. Celui qui occupe le devant de la scène, c’est son frère Juan.
Pedro Almodóvar est un bon cinéaste au style classique, auteur de scénarios d’une rare complication. Mais il a laissé dire que La mauvaise éducation traitait de la pédophilie chez les prêtres catholiques, et concocté une bande-annonce qui avançait cet aspect, très mineur, de son film. Imposture ! En fait, nous avons un film dans le film, La visite, basé sur une nouvelle écrite par Ignacio, le frère de Juan, texte que celui-ci a retrouvé après sa mort. Cet Ignacio, qui fut le premier amour du réalisateur de cinéma Enrique au temps lointain de leurs dix ans, et que le spectateur croit connaître parce que Juan s’est fait passer pour lui, mais qui en fait est mort depuis quatre ans et qu’on ne verra qu’en flashback à la fin du récit, cet Ignacio a mal tourné : voyou, voleur, drogué, travesti, transexuel, il est aussi maître-chanteur, et a tenté de soutirer une somme d’argent à Berenguer, un de ses anciens professeurs, prêtre défroqué devenu éditeur – chantage exercé par le biais de la nouvelle en question, qu’il a menacé de publier. Mais le faible montant de la somme exigée, un million de pesetas (9000 ou 10 000 euros), suffit à le désigner comme un minable.
Or c’est dans cette nouvelle seulement, et dans le film qu’en fera Enrique, que se trouve l’histoire de pédophilie visée plus haut : dans un collège catholique des années soixante, deux jeunes garçons s’aiment. Lorsqu’ils sont surpris par le père Manolo, directeur du collège, le plus jeune, Ignacio, offre de « se sacrifier » pour éviter le renvoi de son camarade Enrique ; mais celui-ci est néanmoins mis à la porte. Devenu adulte, homosexuel et travesti, Ignacio veut se venger, exerce un chantage sur le prêtre, et, a posteriori, l’accuse de viol. De sorte que celui-ci, auquel prête main-forte un comparse également ensoutané, l’assassine et fait disparaître le corps « avec l’aide de Dieu, qui est de notre côté ».
On le voit, ce texte de quelques pages, et qui va être porté à l’écran par Enrique, est grotesque, et aucun détail n’indique que cette histoire a réellement eu lieu, ni que Berenguer possède le passé chargé du père Manolo. D’autant moins que l’auteur de la nouvelle est précisément l’Ignacio censé assassiné par les deux prêtres dans sa propre nouvelle ! La personnalité trouble de l’accusateur et son esprit tortueux inciteraient plutôt à croire qu’il a tout inventé ; aucun viol croustillant dans cette ténébreuse affaire. Voilà pour le traitement de la pédophilie chez les ecclésiastiques.
Dans l’histoire réelle, Berenguer, la cible du chantage d’Ignacio, ne prend pas la menace au sérieux. Tout aurait pu s’arrêter là, et il n’y aurait pas de film, ni fictif, celui d’Enrique, ni réel, celui d’Almodóvar, si Berenguer n’était tombé par hasard sur Juan, le jeune frère du maître-chanteur, et devenu fou d’amour pour lui. Ignacio finit par devenir gênant pour les deux amants, qui l’assassinent. Quatre ans plus tard, Juan, qui a rompu avec Berenguer, ressort la nouvelle à scandales écrite par Ignacio, persuade Enrique d’en faire un film, et accepte de coucher avec lui pour obtenir ce qu’il veut par-dessus tout : incarner un travesti, Zahara, qui personnifie dans le scénario son frère Ignacio devenu transexuel – une transformation qui n’a pas eu lieu dans la réalité. Le tournage achevé, Juan se fait virer par Enrique lorsque Berenguer réapparaît pour lui raconter tout. Il faut dire qu’Enrique n’a jamais cru que Juan était l’Ignacio qu’il avait aimé.
On le voit, l’histoire est plutôt sordide, et aucun personnage n’inspire la sympathie. Mais Almodóvar traite le tout avec une maîtrise qui impose la considération, et une obstination à labourer son sillon thématique (homosexualité, famille, relations entre frères, travestisme, mensonges, drogue, transexualité, milieu du spectacle, nostalgie du vieux cinéma et des chansons anciennes) qui en fait un véritable auteur, ce dont nul ne doute. Néanmoins, ce film sans amour ne contient pas un atome d’émotion.
Les films belges ont une façon de voir le monde que le cinéma français semble avoir oubliée. En France, on ne verrait jamais un tel jeu de massacre à l’encontre des institutions ! Le film semble faire l’apologie de la justice personnelle, puisqu’on ne cesse de répéter, par la bouche du personnage principal, que la police officielle est trop lente, et qu’il importe donc de faire le travail à sa place. Mais cette histoire, qui tire à boulets rouges sur la « haute » société, se révèle surtout le véhicule de toute la rage, tout le dégoût, tout le mépris que les Belges éprouvent envers leur police, leur justice et leur gendarmerie pour le comportement qu’elles ont eu dans l’affaire Marc Dutroux, jamais nommée, constamment évoquée néanmoins au travers d’un récit qui en utilise tous les éléments.
Un tueur à gages, dans la soixantaine, et qui a toujours servi ses commanditaires de ladite haute société, reçoit un jour l’ordre d’éliminer un témoin gênant, une victime d’une affaire de prostitution juvénile : une très jeune fille, de douze ans seulement, prostituée par son père, lequel vient d’être abattu par la police. Le tueur refuse, et donc se met à dos ses employeurs, qui lancent un contrat contre lui. En vain, car il se débarrasse de son exécuteur et décide de nettoyer les écuries d’Augias en renseignant la police, trop lente donc, ce qui vient encore de se vérifier, puisqu’elle n’a pu empêcher l’assassinat de la gosse, abattue par un confrère. Il possède d’ailleurs des preuves qui impliquent un ancien ministre, le baron de Haeck, mais refuse de les produire aux policiers : garantie de sa liberté. Cependant, le marché passé avec le commissaire Vincke n’est pas sans ratés, si bien qu’à la suite d’un incident de parcours, il se fait arrêter. Ceux qui veulent sa peau commettent alors l’imprudence de lui envoyer un second tueur... le psychiatre des prisons en personne ! Là encore plus malin, il s’évade en emmenant le psy comme otage, et ne communique plus désormais que par téléphone avec les policiers.
Après bien des péripéties, qui sont l’occasion de dénoncer, en vrac, les bisbilles entre police et gendarmerie, la corruption des magistrats, les lenteurs administratives, le manque de moyens matériels des enquêteurs, l’absence complète de scrupules chez les puissants, etc., on aura la satisfaction toute théorique de voir l’arrestation du principal criminel, le fameux baron-ministre, tandis que le procureur corrompu verra simplement sa voiture compissée par l’un des inspecteurs chargé de l’enquête. Bref, on ne fait pas dans la dentelle, mais cette vigueur est saine.
Ce film d’action apparaît aux antipodes de ce que l’on fait trop souvent chez nous. Aucun acteur connu, un scénario extrêmement solide, un découpage impeccable, un point de vue, une morale, et une musique pas trop lourdingue. Malgré quelques imperfections, il faut le voir.
Avec un quatrième film sur le même thème, ce roublard de George Romero suit son filon, entamé en 1968, le truc des morts qui reviennent à la vie, et dont la morsure suffit à faire de la victime un autre mort-vivant cannibale, processus répété à l’infini, et qu’il a réussi à faire passer pour une parabole sur la société de consommation, sur l’oppression, et sur un tas de thèmes dits « de gauche », propres à faire de lui un auteur respectable.
Land of the dead emploie pour la première fois des acteurs connus, quoique pas de premier plan. Dennis Hopper joue l’un des deux méchants, Kaufman, l’homme le plus riche de la ville où cette fois se déroule l’action, et où se sont réfugiés les êtres normaux, assiégés par les zombies, de l’autre côté du fleuve qu’ils ne savent pas traverser – mais on devine qu’ils vont en trouver le moyen, sinon il n’y aurait pas de film ! La fortune de Kaufman lui permet de faire tout ce qu’il veut. À son service, une petite troupe de mercenaires, commandée par Riley, et le principal de ses hommes de main, le personnage le plus intéressant de l’histoire, Cholo, autre méchant, interprété par John Leguizamo, excellent acteur. Asia Argento joue une prostituée, personnage totalement inutile et qui n’est guère que la nana de service.
Le scénario est un peu plus travaillé que lors des films précédents, et prend soin de laisser la porte ouverte à un cinquième épisode. Le principal méchant, Kaufman, est évidemment tué ; l’autre méchant, Cholo, est mordu par un zombie, donc il ne finit pas mieux ; et la troupe de mercenaires émigre à la fin vers le Canada, qui apparemment n’est pas épargné par les envahisseurs.
Les trucages sont plus élaborés, les atrocités moins nombreuses, les dialogues abondants, et le comportement des personnages fait montre d’un peu plus de cohérence que dans une banale série B. Donc Romero n’a pas perdu la main.
Chef-d’œuvre de comique involontaire. En 1981, Raphaël, son frère Alberto et quelques copains idéalistes ont monté une radio dite « libre ». Puis Raphaël a découvert que Mitterrand s’apprêtait à autoriser la publicité sur la bande FM. Sans leur en parler, Raphaël a racheté à ses amis et à son frère, pour l’équivalent de deux cornets de frites, leurs parts de la station de radio, laquelle, dans les mois et les années suivants, a pris une plus-value gigantesque. Aujourd’hui, Raphaël, devenu un grossium, fait dans la télé-réalité, vient de conclure un accord avec un groupe hollandais, et, sous prétexte de commissions à verser, a mis de côté la modique somme de vingt millions d’euros, que le fisc ne connaîtra pas. Son frère Alberto, qui désormais le hait, vient d’écrire un livre saignant sur lui, ses relations et ses magouilles. Raphaël va-t-il faire jouer lesdites relations pour empêcher la publication ? Au contraire, il la favorise secrètement ! Puis il invite le frère et les copains jadis roulés dans la farine à fêter avec lui son anniversaire dans sa somptueuse villa de Marrakech, et leur annonce qu’il va leur donner, à tous les cinq, quatre millions d’euros à chacun, les fameux vingt millions détournés. Car le livre de son frangin l’a ému et lui a rappelé que « ce qui compte, c’est l’amour ». Sic. On sent bien que la réalisatrice et son scénariste entendent montrer que tout le monde est susceptible d’aller à la soupe, sur le thème toujours mitterrandien de l’argent qui corrompt tout, puisqu’aucun des anciens gauchos ne refuse le cadeau ! L’ennui est que cet aspect, au demeurant pas très original, n’est pas du tout développé.
Après quoi, Alberto se découvre un cancer du pancréas, et ses amis se demandent s’ils ne devraient pas, toujours mus par cet amour dont je parlais plus haut... l’euthanasier : à Paris, ce serait un peu délicat, mais à Marrakech, n’est-ce pas... Pourtant, quoique agonisant, Alberto va très bien, semble se rétablir, cas fréquent avec le cancer du pancréas, si bien que tout le monde est content et finit par danser au son d’un vieil enregistrement de leur première émission de radio.
Dernier scandale cinématographico-religieux. Avec cette différence que, cette fois, ce sont les intégristes catholiques qui soutiennent le film, et la gauche qui le condamne, arguant de visées antijuives, et sous le prétexte que le père du réalisateur, qui écrit des livres, est un révisionniste notoire.
Bof, le film est tout simplement mauvais : lourd, indigeste, stupide, sadique et complaisant, La passion du Christ saisit tous les prétextes pour nous infliger la vision de scènes de tortures qui n’ont plus rien à voir avec le personnage, fictif ou pas, de Jésus, ni surtout avec son enseignement présumé. Des quarante coups de nerf de bœuf qu’on lui applique, on verra et on entendra l’intégralité (et une voix de légionnaire romain les compte, en latin). La manutention de la croix, épisode invraisemblable, est suivie pas à pas. L’enfoncement des clous et la consolidation du clouage, croix retournée face au sol, sont vus tout comme si on y était. Et on ne nous épargne seulement pas le détail grotesque du corbeau qui vient picorer le visage du mauvais larron encore vivant. Ne disons rien des ridicules retours en arrière qui ponctuent le récit pour tenter, en rompant sa linéarité, de l’animer un peu – car toute cette soupe est fort ennuyeuse.
Histoire tout de même de rire un brin, signalons aux féministes que le Satan du film est une femme !