Œuvres citées (en italiques, autres que des films) : Nino (une adolescence imaginaire de Nino Ferrer) – Ten – 10 + 4 (Dah be alaveh chahar) – From Tehran to London – Women do not have breasts – Men do have breasts – Querelles – Soog – Woody Allen: A documentary – Melinda et Melinda – Le serment de Tobrouk – Mélodie pour un tueur – Fingers – De battre mon cœur s’est arrêté – Une seconde femme – Kuma – Le grand soir – Le boucher – – Entre ses mains – Cape fear (1962) – Cape fear (1991) – The departed – Infernal affairs – The artist – Suite Vertigo – Vertigo – Jeux interdits – Dynasty – The right stuff – L’étoffe des héros – Concerto n° 1 en si bémol majeur pour piano – Des saumons dans le désert – Salmon fishing in the Yemen – Les nouveaux chiens de garde – Les chiens de garde – Off – The dictator – Journal de France – L’assassin – Il assassino – Cosmopolis – Un drôle de paroissien – Trishna – Tess d’Urberville – Quand je serai petit – Jitters – Órói
Personnes citées : Thomas Bardinet – Nino Ferrer – Amin Maher – Abbas Kiarostami – Mania Akbari – Mir Hossein Moussavi – Mahmoud Ahmadinejad – Morteza Farshbaf – Abbas Kiarostami – Robert B. Weide – Woody Allen – Claude Lelouch – Bernard-Henri Lévy – Bernard Guetta – Mouammar Kadhafi – André Malraux – James Toback – Jacques Audiard – Romain Duris – Harvey Keitel – Jean-Sébastien Bach – Umut Dağ – Atif Yilmaz – Petra Ladinigg – Benoît Delépine – Gustave Kervern – Albert Dupontel – Benoît Poolvoerde – Anne Fontaine – Claude Chabrol – Martin Scorsese – Jack Lee Thompson – Bernard Herrmann – Fernando Sor – Bill Conti – Philip Kaufman – Piotr Ilitch Tchaïkovski – Lasse Hallström – Gilles Balbastre – Yannick Kergoat – Serge Halimi – Paul Nizan – Philippe Val – Michel Field – Guillaume Durand – Patrick Poivre d’Arvor – Christine Ockrent – David Pujadas – Isabelle Giordano – Jérôme Bonaldi – Larry Charles – Sacha Baron Cohen – Raymond Depardon – Claudine Nougaret – Françoise Claustre – Valéry Giscard d’Estaing – Elio Petri – Charles De Gaulle – David Cronenberg – Marguerite Duras – Mathieu Amalric – Fidel Castro – Pierre Murat – Jean-Pierre Mocky – Bourvil – Francis Blanche – Jean Poiret – Jean Tissier – Michael Winterbottom – Thomas Hardy – Jean-Paul Rouve – Baldvin Zophoníasson
Réalisé par Thomas Bardinet
Sorti en France (Festival d’Alès) le 31 mars 2011
Sorti en France le 25 avril 2012
Thomas Bardinet s’est inspiré de quelques chansons du chanteur suicidé Nino Ferrer, pour imaginer un été du garçon lorsqu’il avait seize ans et qu’il balançait entre deux filles – sur un mode très chaste. Le vrai Nino écrivait des chansons tantôt cocasses, tantôt nostalgiques et très belles, et la fiction vue ici, tout à fait charmante, est digne du personnage.
Circonstance exceptionnelle, le réalisateur a fait son film sans aucune équipe technique. Il est donc à la fois scénariste, producteur, monteur, directeur de la photo, compositeur et ingénieur du son, et a tout conçu et réalisé en six mois, sans argent, avec des amis et des acteurs amateurs.
Ce film est une bouffée d’air pur.
Vous vous souvenez du petit garçon qui jouait dans Ten, l’extraordinaire film d’Abbas Kiarostami ? Il s’appelle Amin Maher, et je l’avais qualifié de « chieur authentique » – ce qui, de ma part, est un grand compliment. Eh bien, après être apparu en 2007 dans un documentaire sur le cancer d’une femme, 10 + 4 (Dah be alaveh chahar), il est devenu cette année directeur de production et assistant-réalisateur pour From Tehran to London, film de sa mère Mania Akbari, qui jouait justement sa mère dans Ten. Elle avait d’abord intitulé son film Women do not have breasts, et avait été la réalisatrice du documentaire cité plus haut. En raison de l’oppression qui sévit en Iran, elle a dû, effectivement, aller terminer son film à Londres, où elle vit maintenant, puis a fait cette année un court métrage de trois minutes, Men do have breasts.
En 2009, à dix-sept ans, Amin a été arrêté par la police et incarcéré au commissariat de Pasdaran, un quartier au nord de Téhéran. La raison ? Il portait un bandeau vert pour montrer qu’il soutenait Mir Hossein Moussavi – ancien Premier ministre en 1981 et 1989, candidat à l’élection présidentielle de 2009 –, et parce qu’il participait activement à sa campagne. Moussavi a été battu par Ahmadinejad, élu avec 62,63 % des voix contre 33,75 % à Moussavi.
Après avoir été battu et soumis à diverses « perturbations émotionnelles », selon le mot de sa mère, Amin a été relâché après intervention de quelques amis, artistes et autorités de la police.
Réalisé par Morteza Farshbaf
Titre original : Soog
Sorti en Corée du Sud (Festival de Pusan) le 9 octobre 2001
Sorti en France le 25 avril 2012
Si, plus haut dans cette page, j’ai cité plusieurs films iraniens, le hasard a fait que j’ai vu ensuite cet autre film venu d’Iran, et qui se trouve être un peu plus intéressant que les blockbusters qu’on déverse actuellement sur les écrans ! Hélas, il reste largement ignoré du public français.
Au début, on est dans l’obscurité presque totale, au propre comme au figuré : l’écran est noir, avec de vagues taches lumineuses ; mais on entend un couple qui se dispute violemment, puis l’on comprend qu’ils partent en voyage. Quand la lumière revient, on découvre un enfant qui était couché là, et qui a tout entendu.
Plus tard, une voiture, filmée de loin, roule en pleine campagne. À son bord, un autre couple, qu’on ne voit pas, discute. On n’entend rien non plus, mais leur dialogue nous parvient par des sous-titres. Pourquoi ce procédé, qui dure plusieurs minutes ? Parce que les deux époux, qui ne sont pas ceux qu’on a entendu se disputer, sont sourds-muets (pas sourds ET muets : ces deux personnes sont muettes parce qu’elles n’ont pas appris à parler, à cause de leur surdité, mais elles peuvent parler un peu, quoique maladroitement, et la femme, mieux que son mari). Leur conversation nous révèle ceci : l’enfant est le neveu de la femme, ce sont ses parents qui se disputaient et sont partis en le laissant, puis ils ont eu un accident mortel. Les trois passagers se rendent donc à Téhéran, au prix de cinq ou six heures de voyage, et l’enfant ne sait rien de la mort de ses parents. Or son oncle et sa tante ignorent qu’il sait lire sur les lèvres (tiens ! Pourquoi ?), c’est-à-dire que, tant qu’il est assis à l’arrière de la voiture, il ne peut suivre leur conversation, mais lors des arrêts, si ! De sorte qu’à la fin du film, l’enfant, qui peut parler mais ne dit presque rien, au début parce qu’il ne sait rien, à la fin parce qu’il a tout compris – au contraire des deux adultes, qui ne le peuvent pas mais discutent sans arrêt –, se sauve et va cacher son chagrin dans un tunnel de chemin de fer. L’histoire s’arrête là, mais les circonstances ne sont plus les mêmes qu’au début, sans qu’aucun évènement apparent ait semblé bouleverser la situation.
Ce premier long métrage, après un court réalisé en 2004, est l’œuvre d’un cinéaste iranien de vingt-six ans, disciple d’Abbas Kiarostami, auquel son œuvre fait constamment penser. En effet, via plusieurs conversations que peu d’évènements viennent interrompre (hormis un accident de la circulation et deux pannes), c’est un tableau de la société iranienne et surtout d’un couple de personnes handicapées qui s’offre ici. Et le sort futur de l’enfant désormais orphelin est au premier plan : que va-t-on faire de lui ? L’homme aimerait l’élever, la femme voudrait vivre pour elle-même sans se mettre le gamin sur les bras. Bref, les deux époux s’aiment (les deux acteurs sont mariés ensemble, dans la vie réelle), mais ne sont pas d’accord et règlent quelques comptes familiaux.
La pointilleuse censure iranienne a trouvé à redire à cette histoire, qui lui a semblé trop pessimiste et susceptible de ne pas intéresser le public local, et n’a pas autorisé la sortie du film dans son pays.
Réalisé par Robert B. Weide
Sorti en France le 30 mai 2012
Le film n’est pas sorti aux États-Unis, où l’on n’aime guère Woody Allen – preuve que les citoyens de ce pays ont du goût et se réfugient sur les sommets de la culture...
En dépit du fait que certains ont regretté que ce documentaire s’attache à la vie de Woody plus qu’à ses films, je dois dire que c’est complètement faux, puisque la plupart de ses films (pas tous : aucune trace de Melinda et Melinda) sont abordés dans l’ordre chronologique et qu’ils sont aussi bien analysés que critiqués, y compris par leur auteur en personne, avec pas mal de lucidité.
Quelques révélations capitales. Par exemple, que si les acteurs se battent pour tourner avec Woody, c’est parce qu’il les dirige très peu, comme Lelouch en France : libres de jouer à leur manière, sans consignes strictes, ils ont à cœur de faire du mieux possible, et, du coup, sont meilleurs qu’avec un autre metteur en scène du genre tyran. Et puis ceci, surprenant : Woody avoue n’être pas un perfectionniste, il affirme surtout être pressé de rentrer chez lui à la fin de sa journée. On lui avait certes proposé de ne faire qu’un film tous les deux ans plutôt qu’un par an, afin de lui permettre de fignoler, mais il a refusé, pour cette raison que, plus il en fera, plus il aura une chance qu’on en trouve un bon, dans le tas ! (Vous n’êtes pas forcé de le croire, la plupart des réalisateurs sont de fieffés menteurs)
Jusqu’ici, la méthode ne lui a pas trop mal réussi.
Réalisé par Bernard-Henri Lévy
Sorti en France (Festival de Cannes) le 25 mai 2012
Sorti en France le 6 juin 2012
Bernard-Henri Lévy serait-il un clone de Bernard Guetta ? Du chroniqueur de France Inter, il a en effet la diction ampoulée, l’articulation caricaturalement accentuée, et la même prononciation défectueuse du mot immanquablement (tous deux disent « I-manquablement »), entendu deux fois dans le film.
À part cela, si BHL est bien un clown pompeux jouant les faux modestes contre toute évidence, et si sa fortune – héritée de son père – lui permet d’avoir de nombreux amis totalement désintéressés, l’influence que son argent lui vaut ne sert pas uniquement à soutenir la carrière de sa femme, elle lui permet aussi de faire, parfois, des choses utiles. Et il serait ridicule de nier son rôle politique dans la chute de Kadhafi en Libye.
Le film retrace donc, dans un ordre strictement chronologique, cette guerre de libération, l’année dernière, et l’on en apprend beaucoup. Alors, certes, il s’alourdit de considérations philosophiques donnant au réalisateur l’occasion de se comparer à Malraux durant la guerre d’Espagne – on l’aurait parié d’avance –, mais cela ne mange pas de pain : les faits filmés, eux, demeurent.
Et il apparaît très vite que ses nombreux détracteurs, qui se sont efforcés de le ridiculiser, à la radio, à la télévision, sur Internet, n’avaient en réalité pas vu le film, et s’étaient contentés de visionner la bande-annonce ! Parce que, merde quoi, on ne va tout de même pas aller en salle voir cette daube...
Bravo, messieurs, vous êtes encore plus ridicules que votre cible.
Réalisé par James Toback
Titre original : Fingers
Sorti aux États-Unis le 2 mars 1978
Sorti en France le 23 août 1978
Ce premier film d’un scénariste ne serait probablement pas ressorti de l’oubli si Jacques Audiard n’en avait pas fait un remake avec De battre mon cœur s’est arrêté. Pour dire la vérité, le scénario des deux films est plutôt médiocre, et l’histoire est psychologiquement dépourvue de toute crédibilité. Audiard s’est contenté de prolonger son récit de dix-sept minutes en ajoutant à l’histoire originelle un dénouement en forme de pirouette (on croit que le personnage central est devenu pianiste de concert comme il en avait l’ambition, alors qu’il n’est que l’agent de sa femme), et de faire reprendre le rôle par un acteur, Romain Duris, qui est loin de valoir Harvey Keitel. Reste qu’il est impossible de croire à cet horrible voyou, admirateur de la musique de Bach, qui se promène partout avec un radio-cassettes où il ne passe que des chansonnettes à la mode du moment, et casse la figure des types qui doivent de l’argent à son père (à la fin, après le meurtre dudit père, il devient lui-même un assassin).
Un seul plan intrigue le spectateur : Jimmy, derrière son piano, est vu de face, « jouant » du Bach. Puis il élève les mains au-dessus de sa tête... et le piano continue de jouer ! L’interprète, lui, n’est jamais vu en train de jouer réellement du piano, sauf quelques secondes, au début. Alors, cette histoire, filmée très réalistement, c’était un fantasme ?
Réalisé par Umut Dağ
Titre original : Kuma
Sorti en Allemagne (Festival de Berlin) le 9 février 2012
Sorti en France le 6 juin 2012
D’abord, nul ne semble avoir signalé que ce film est un remake d’un autre portant le même titre original, écrit et réalisé par Atif Yilmaz, et sorti – seulement en France – en 1975 : l’histoire en était très voisine, à ce détail près que la première épouse était jeune et la seconde, aveugle. Le titre, lui, signifie sable en turc, allez donc savoir pourquoi on l’a choisi. Je note aussi que la scénariste autrichienne Petra Ladinigg s’est montrée un peu négligente, car on ne sait jamais où se passe cette histoire ! Pas en Turquie, puisqu’il est question de « renvoyer en Turquie » la jeune seconde épouse après son adultère ; pas en Allemagne, puisque, par deux fois, on cite un personnage qui « arrive d’Allemagne ». Il faut donc lire le dossier de presse pour comprendre que nous sommes à Vienne, en Autriche...
Bref, Fatma, quinquagénaire et atteinte d’un cancer, craint de mourir en laissant à eux-mêmes son mari Mustafa et ses enfants, presque tous adultes. Elle décide alors de choisir en Turquie une jeune fille, Ayse (prononcez « Aïcha »), et d’organiser un faux mariage, en faisant croire que celle-ci est destinée à son fils Hassan ; en fait, elle servira en secret de seconde épouse à Mustafa ! Parvenus sur place, tout le monde est très gentil avec Ayse, qui semble heureuse et ne tarde pas à être enceinte. Mais si Fatma, opérée, guérit de son cancer, c’est Mustafa qui meurt subitement ! Ayse, qui espérait séduire son mari officiel, doit déchanter quand il lui avoue qu’il est homosexuel et s’est prêté au faux mariage pour détourner les soupçons de sa famille et avoir la paix. Elle ne tarde pas à se laisser séduire par Osman, un collègue du supermarché où elle a pris un emploi, or, bien entendu, les deux tourtereaux se font surprendre. Fatma rosse Ayse et veut la chasser, mais le reste de la famille intervient, et Ayse restera, passera pour la veuve de Mustafa et elle élèvera leur fille dans cette chaude ambiance.
Le récit intéresse, la réalisation est correcte, et les acteurs, tous inconnus, sont excellents.
Réalisé par Benoît Delépine et Gustave Kervern
Sorti en France (Festival de Cannes) le 22 mai 2012
Sorti en France le 6 juin 2012
Sixième film portant ce titre. Maladroit.
Des deux cinéastes grolandais, on sait qu’ils ratent un film sur deux. On espérait donc, avec ce cinquième film, tomber sur un bon. Raté ! On se fatigue assez vite des numéros cabotins de Dupontel et surtout Poolvoerde, et de l’absence de nouveauté du côté du scénario.
Cela dit, les deux compères savent placer leur caméra, et inventent parfois un gag qui fait rire, comme celui du paysan qui se pend à un manège, mais ils se font surtout plaisir à eux-mêmes.
Le chien joue bien.
Nul n’ignore qu’on recycle beaucoup, dans l’industrie cinématographique, surtout à Hollywood. En France, on se contente de plagier, en toute impunité : voir Anne Fontaine et son plagiat du scénario de Chabrol (Le boucher, devenu Entre ses mains). En toute impunité, car ce genre de délit n’est jamais dénoncé – sauf ici.
Bref, à Hollywood, on reprend souvent les scénarios d’autres films pour les refaire, en plus long généralement. Scorsese s’en est fait une spécialité, avec ses remakes de Cape fear (film de 1962, dû à Jack Lee Thompson et qu’il a refait en 1991), ou The departed (film de 2006, d’après une trilogie hong-kongaise de 2002 et 2003, sortie chez nous sous le titre Infernal affairs). Passons, la liste serait interminable.
Ce qui est moins connu, c’est le recyclage de la musique. Et là, il y a deux cas.
Le premier cas est celui concernant les « emprunts » à d’autres compositeurs. Quand le véritable auteur est mort depuis trop peu de temps, il est obligatoire d’avoir l’autorisation (qu’on achète) de ses ayants-droits. Ainsi, The artist inclut dans sa bande sonore la totalité de la Suite Vertigo, que Bernard Herrmann avait composée pour Vertigo, et personne ne peut imaginer que cet emprunt a été consenti gratuitement : le morceau dure six minutes et demie, et il est trop connu ! Du reste, Herrmann a été beaucoup repris, car la musique de ce génie était exceptionnelle. Mais lorsque l’auteur, totalement obscur, composait au début du dix-neuvième siècle, non seulement on ne se gêne plus, mais on ne mentionne même pas son nom aux génériques des films qui l’exploitent. Ce fut le cas de cet air de guitare qui a fortement contribué au succès de Jeux interdits, et dont l’auteur était probablement un certain Fernando Sor, qui n’est cité nulle part, quand sa musique a servi au moins deux fois dans des films. Voir cet article.
Et puis, il y a les auto-citations. Herrmann réutilisait assez souvent sa propre musique, mais j’ai trouvé hier un autre cas, celui de Bill Conti. Conti avait composé en 1981 la musique de ce feuilleton à succès, Dynasty, or, en revoyant hier le film de Philip Kaufman The right stuff (en français, L’étoffe des héros), dont Conti a fait la musique et qui date de 1983, non seulement on y trouve des réminiscences du Concerto n° 1 en si bémol majeur pour piano de Tchaïkovski, mais aussi du générique de Dynasty, écrit deux ans auparavant. Mais là, évidemment, il n’a pas eu à se rétribuer lui-même !
Réalisé par Lasse Hallström
Titre original : Salmon fishing in the Yemen
Sorti au Canada (Festival de Toronto) le 10 septembre 2011
Sorti en France le 6 juin 2012
Assez sottement, le site Allociné classe ce film parmi les drames, alors que l’affiche dit le contraire. Il s’agit en réalité d’une comédie, de style très britannique, avec un dialogue incisif et plutôt drôle, issue d’un roman à succès, et dont on a amputé le titre du mot Yemen, parce que personne ne sait où ça se trouve ! (Et les scènes yéménites ont été prises au Maroc, comme d’habitude avec les films se passant dans un pays arabe)
Le film est totalement britannique, plutôt moins politique que le livre, et fait la part belle à la satire du gouvernement de Sa Majesté, comme il est de règle au cinéma de cet heureux pays où l’on ne respecte rien, sauf la cérémonie du thé à cinq heures. Il conte la lubie apparente d’un prince yéménite richissime, qui s’est mis en tête de développer la pêche au saumon dans son pays. Projet pas si absurde, puisque l’eau ne manque pas (un barrage est déjà construit), et qu’il peut faire froid dans le désert, ce que les gens qui y ont vécu savent très bien. D’ailleurs, l’équipe de tournage a dû affronter des pluies diluviennes et une inondation, quoique au mauvais moment...
On s’amuse beaucoup, et sans honte comme ce serait le cas avec un film français.
Réalisé par Gilles Balbastre et Yannick Kergoat
Sorti en France (Paris cinéma) le 10 juillet 2011
Sorti en France le 11 janvier 2012
Vise le monde journalistico-politique, d’après un livre de Serge Halimi publié en... 1997, mais réactualisé, ce qui offre aux spectateurs l’avantage de constater qu’en quinze ans, la situation des médias ne s’est pas améliorée. Pourtant la dénonciation remontait plus haut, en 1932, sous la plume de Paul Nizan, qui visait Les chiens de garde de son époque, véritables gardiens de l’ordre établi.
Un contre-pouvoir, la presse ? Aux États-Unis, peut-être. Pas chez nous ! Non seulement règne partout la connivence, souvent dénoncée mais jamais menacée (les exceptions sont rarissimes, et ce n’est pas un bouquin comme Off qui démontre le contraire), mais les journaux, radios et chaînes de télé appartiennent presque toujours à des groupes industriels ou financiers, desquels dépend le pouvoir, puisqu’il lui faut de l’argent pour se hisser à la tête de l’État.
Alors, bien sûr, on rit face à un fait comme celui-ci : un incident survient sur la construction de la centrale nucléaire de Flamanville, chantier confié au groupe Bouygues ; mais la chaîne de télé appartenant à Bouygues n’en soufflera pas un mot dans ses journaux télévisés de PPD ou de Claire Chazal. On s’esclaffe devant le ridicule de ces « journalistes » qui, tel Philippe Val autrefois, voulaient tout casser, et deviennent aujourd’hui des notables courbés devant le Pouvoir et attentifs à couper les têtes qui dépassent ; ou de Michel Field, hilarant lorsque le résumé de sa carrière le montre débutant par une apologie de la lutte armée, et finissant par animer un congrès de l’UMP. Et puis, ces « ménages » (prohibés par la déontologie de la profession) qui alimentent le compte en banque des journalistes, presque tous cités : Guillaume Durand, PPD, Christine Ockrent, David Pujadas, Isabelle Giordano, Jérôme Bonaldi...
Pince sans-rire, les deux auteurs du film insèrent sur le générique de fin une dizaine de critiques du livre d’Halimi, énoncées par ses cibles, et toutes négatives. What did you expect?
Réalisé par Larry Charles
Sorti en Australie, Islande, Irlande, Lettonie, Belgique, Nouvelle-Zélande, Norvège, Suède, au Canada, Danemark, Royaume-Uni, aux Pays-Bas et aux États-Unis le 16 mai 2012
Sorti en France le 20 juin 2012
D’emblée, on annonce la couleur, avec cette dédicace : In loving memory of Kim Jong-il.
Larry Charles et Sacha Baron Cohen travaillent en tandem, et c’est leur troisième film ensemble, bien que le premier ait réalisé aussi d’autres films. Comme toujours, l’auteur-acteur se permet tout, et abondent dans ce dernier opus les scènes scatologiques (le sosie du dictateur boit sa propre urine à la tribune des Nations-Unies), scabreuses (une fille enferme le dictateur dans un réduit et lui enseigne à travers la porte comment se masturber, ce qu’il n’avait jamais fait) et d’extrême mauvais goût (il est amené à accoucher une femme, et, constatant que le bébé est une fille, demande où se trouve la poubelle).
Ce dictateur est l’amiral général Aladeen, il règne en monarque absolu sur un pays du Moyen-Orient, et pense que la démocratie est un régime infernal dont il doit protéger son pays. D’ailleurs, peu avant la fin, son éloge de la dictature en présence de tous les diplomates en poste à New York est un modèle du genre et fustige en douce le régime politique des États-Unis ! Mais lorsque paraît la fille dont il est tombé amoureux, il change complètement le sens de son discours. On a néanmoins des raisons de croire que ce n’est qu’un mauvais moment à passer...
Tout audacieux qu’il est (sa projection a été interdite dans ces grands pays démocratiques que sont le Tadjikistan, le Turkménistan et la Biélorussie), le film l’est un peu moins que les deux précédents, en ce sens que l’acteur, cette fois, n’a couru le risque, ni de se faire coffrer par la police, ni d’être lynché lors du tournage. Alors, Sacha, on s’assagit ? Ce film n’aura pas le succès des deux précédents. Mais on le voit comme les dernières nouvelles reçues de la part d’un bon copain marrant.
Réalisé par Raymond Depardon et Claudine Nougaret
Sorti en France (Festival de Cannes) le 22 mai 2012
Sorti en France le 13 juin 2012
Depuis leur rencontre en 1986 (elle avait 28 ans), Claudine Nougaret se charge du son pour les films de Raymond Depardon, qui photographie et filme. Et justement, alors qu’il parcourt la France en camionnette afin de prendre des photos du pays profond, elle recherche dans ses archives les chutes de films inutilisées. C’est un montage alterné de ces bribes et de ce parcours au présent qui constitue ce Journal de France, dont on ne dira pas qu’il est du plus haut intérêt !
C’est que, sans scénario, sans ordre ni logique, à peine commentés, ces extraits plutôt mal filmés font penser aux bonus qui alourdissent les DVDs, les fameux « plans coupés » qui, le plus souvent, ne l’ont pas été sans raison.
Reste l’interview de madame Claustre, prisonnière des rebelles toubous dans le désert du Tibesti, et qui, diffusée sur TF1, a valu au cinéaste d’être jeté en prison par un Giscard qui n’appréciait pas qu’on le critique. Si-si !
Réalisé par Elio Petri
Titre original : Il assassino
Sorti en Italie le 27 mars 1961
Sorti en France le 13 juin 2012
Premier long métrage d’un scénariste qui avait débuté douze ans plus tôt, le film raconte, avec de multiples retours en arrière, l’existence d’un antiquaire cynique, soupçonné d’avoir tué son ancienne maîtresse, qu’il avait associée à ses affaires. Le réalisateur, qui devait plus tard faire des films politiques très orientés à gauche, prétend avoir voulu faire une féroce critique de l’autorité dans les années 60 : « En Italie, et partout dans le monde, du moment que vous êtes face à l’autorité, vous êtes coupable », avait-il déclaré. Il dut, paraît-il, faire quatre-vingt-dix modifications à son scénario, à cause de la censure italienne. En France, nous n’étions d’ailleurs pas mieux lotis, avec notre De Gaulle toujours intouchable plus de quarante ans après sa mort !
Néanmoins, il faut avouer que tout cela est assez vieillot, et qu’on baille un peu. Le film a été remis à neuf via la numérisation à partir du négatif et d’une copie positive, car deux bobines avaient été perdues. Mais en valait-il vraiment la peine ?
Réalisé par David Cronenberg
Sorti en France (Festival de Cannes et en salles) le 25 mai 2012
Comme je n’ai jamais vibré aux films de Cronenberg, cinéaste à la technique impeccable mais dont les thèmes me laissent indifférent, je n’allais voir son petit dernier que par curiosité. Or cette fable, car c’en est une sur la fin du capitalisme (sic), brille surtout par le vide de son dialogue, qui semble avoir été écrit par Marguerite Duras, et l’incohérence de ses péripéties : dans sa somptueuse limousine qui traverse New York parce qu’il veut aller se faire couper les cheveux chez son coiffeur habituel, Eric Packer, financier milliardaire de 28 ans qui spécule sur les monnaies et ne craint pas de ruiner les autres, fait diverses rencontres, saute plusieurs filles, et se fait faire par son médecin un toucher rectal qui dure plusieurs minutes. Également, une scène le montre fondant en larmes dans les bras d’un gros Noir parce que son rappeur préféré est mort « de mort naturelle » (déchéance !) ; une autre, déjeuner avec une blonde de 22 ans qu’il semble avoir épousée mais qui ne vit pas avec lui ; un autre, se faire entarter par un Mathieu Amalric se vantant d’avoir « crémé » Fidel Castro « trois fois en six jours » ; une autre, abattre son propre garde du corps en lui tirant dans la gorge avec un taser ; et une dernière, tenir une conversation absconse de vingt minutes avec un type qui lui a tiré dessus, se tirer lui-même une balle dans la main pour voir ce que ça fait, et accepter enfin que son agresseur l’abatte – ce qu’on ne verra pas puisque le film s’arrête abruptement à cet instant.
Je ne prétends pas que le spectateur s’ennuie, il suit tout cela en se demandant quelle invention saugrenue va encore surgir, mais il ne comprend goutte à ce que l’auteur a voulu lui dire. Peut-être faudrait-il lire le livre dont ce fatras a été tiré, mais la vie est trop courte...
Entendu en différé Le masque et la plume d’hier soir. Trois des quatre critiques salivent d’admiration à propos du film de Raymond Depardon, à l’exception de Pierre Murat, qui estime que ce truc pas vraiment captivant évoque surtout les bonus de DVD.
Comme j’ai écrit exactement la même chose le 20 juin (regardez un peu plus haut), je suis content qu’un professionnel pense aussi bien qu’un gars comme moi, qui ne suis pas payé.
Réalisé par Jean-Pierre Mocky
Sorti en Allemagne (Festival de Berlin) en juin 1963
Sorti en France le 28 août 1963
Les Lachesnaye sont une famille aristocratique qui se trouve dans la dèche, parce que leur morale leur interdit de travailler. Sur le point d’être expulsée, la famille est tirée d’affaire par le fils, Georges, qui apprend à piller les troncs des églises... et à justifier son geste par une logique on ne peut plus jésuitique, ce qui n’est pas étonnant puisqu’il s’agit d’un catholique fervent. Plus étonnante est l’absence d’anticléricalisme de la part de Mocky.
Cette histoire est surtout le prétexte à une série de numéros d’acteurs, ce qu’on accepte d’autant plus volontiers qu’il s’agit de Bourvil, Francis Blanche, Jean Poiret, Jean Tissier et une poignée d’autres, dont il n’existe plus d’équivalent.
Réalisé par Michael Winterbottom
Sorti au Canada (Festival de Toronto) le 9 septembre 2011
Sorti en France le 13 juin 2012
Jay est le fils d’un homme riche, aveugle et propriétaire de plusieurs hôtels en Inde. Il rencontre Trishna, jeune paysanne pauvre, et lui offre une place dans un des hôtels de son père. Puis il réussit à la séduire et à devenir son amant, mais elle s’enfuit et retourne dans sa famille. Se découvrant enceinte, elle avorte. Jay parvient à la retrouver, renoue avec elle et l’emmène à Bombay où il vit. Mais lorsqu’elle lui apprend sa grossesse et son avortement, son comportement change, et il la traite désormais comme une servante et un simple objet sexuel. Elle le poignarde, prend la fuite et se suicide avec le même couteau de cuisine !
Cette adaptation du roman de Thomas Hardy Tess d’Urberville est supportable, surtout grâce à la beauté de l’interprète de Trishna et de quelques édifices traditionnels indiens, mais n’offre rien de très attrayant hormis cela. Et la fin traîne vraiment en longueur.
Une petite curiosité : tous les personnages, pourtant indiens, parlent de « Bombay ». Ils ignorent que la ville, qui a changé de nom, s’appelle aujourd’hui Mumbai ?
Réalisé par Jean-Paul Rouve
Sorti en Islande le 27 août 2010
Sorti en France le 13 juin 2012
C’est du fantastique quotidien, si l’on peut dire : un quadragénaire croise un enfant de dix ans et s’imagine que c’est lui-même trente ans plus tôt. Bien que rien ne cloche dans sa vie personnelle ni dans sa vie professionnelle, il en devient obsédé, fait la connaissance du père, puis de l’enfant, et trouve un tas d’analogies entre son passé et le présent de cette nouvelle famille. Si bien que, lorsque le père tombe gravement malade et va probablement mourir, il veut éviter à cet enfant ce qu’il a connu : qu’on le prive de la mort de son père. Et il le conduit à l’hôpital.
C’est le seul passage émouvant du film, encore a-t-on du mal à croire que la mère du petit tolère cet épisode ! Pour le reste, cette histoire retient médiocrement l’attention.
Réalisé par Baldvin Zophoníasson
Titre original : Órói
Sorti en Islande le 27 août 2010
Sorti en France le 20 juin 2012
Le titre islandais signifie tourmente, mais il a été remplacé, pour l’exploitation en France, par un terme... anglais signifiant frousse. Classique !
Gabriel et Markus sont deux lycéens islandais qui font à Manchester un stage d’on ne sait trop quoi, et ce n’est pas important. Les deux garçons, aussi différents que possible, deviennent deux bons copains, mais, un soir qu’ils ont bu un peu trop de bière, ils s’embrassent.
Rentrés en Islande, ils se revoient peu, alors qu’ils vivent dans la même ville, et leurs relations restent très superficielles. Mais Gabriel surprend Markus en train de sauter une fille, et ne veut plus lui parler. Il prend alors conscience qu’il est vraiment gay. Mais les deux copains vont renouer, conviennent qu’ils doivent apprendre à « mieux se connaître » (traduisez : s’aimer) , et Gabriel présente enfin Markus à sa famille.
Cette histoire, qui commence de manière très charmante, est ensuite passablement gâchée par le fait que le réalisateur et sa co-scénariste ont pensé l’étoffer un peu, et ont multiplié les anecdotes sur l’entourage de Gabriel, sur les scènes de beuveries et de coucheries de ses copains et copines, sur sa mère envahissante, sur une fille qui va finir par se suicider, sur la grand-mère abusive de la fille qui va se suicider, et ainsi de suite ; si bien que Markus disparaît de l’écran et ne revient qu’à la fin, alors qu’il eût été plus avisé de développer son personnage pour le rendre aussi intéressant que celui de son partenaire.
On pardonne, parce que cela se termine bien et que les deux garçons s’avèrent charmants. On n’a qu’une envie, c’est de les voir s’embrasser de nouveau, comme ils le font à la fin dans le dos des parents qui ne voient rien.
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Dernière mise à jour de cette page le jeudi 1er janvier 1970.