JPM - Films vus - Notules -  Mars 2014

Notules - Mars 2014

 

Plus courtes que les critiques, les notules traitent d’un ou plusieurs films, ou de sujets d’actualité en rapport avec le cinéma. Jusqu’en septembre 2004, elles provenaient de divers forums aujourd’hui disparus. Par la suite, elles s’en affranchissent et sont rédigées directement ici.

Œuvres citées (en italiques, autres que des films de cinéma) : My man Godfrey – Six feet underBreaking badDownton AbbeyCeuta, douce prisonNon-stop – Gravity – La maison de cire – Esther – Sans identité – Diplomatie – Paris brûle-t-il ? – Der junge Törless – Les désarrois de l’élève Törless – Apocalypse now – Le tambour – Les vacances de M. Hulot – The grand Budapest hotel – Moonrise kingdom – AlamarUn week-end à ParisLe week-end – My beautiful laundrette – Wrong cops – Réalité – Wrong – Les bruits de RecifeO som ao redorLe grand cahierA nagy FüzetLeçons d’harmonieUroki garmoniiRealRiaru: Kanzen naru kubinagaryû no hi – Avatar – Inception – The cure – Kairo – Tôkyô sonata – Shokuzai – Closed circuit – Boy A

Personnes citées : Guillaume Gallienne – Michel Ciment – Abdellâtif Kechiche – Roman Polanski – Jonathan Millet – Loïc H. Rechi – Francisco Franco – Hassan II – Jaume Collet-Serra – Michael Haneke – Michelle Dockery – Volkler Schlöndorff – Cyril Gély – René Clément – Dietrich von Choltitz – Raoul Nordling – Francis Coppola – Françoise Sagan – Jacques Tati – Wes Anderson – Peter Greenaway – Pedro Gonzalez-Rubio – Roger Michell – Hanif Kureishi – Quentin Dupieux – Éric Judor – Marilyn Manson – Brian Hugh Warner – Kleber Mendonça Filho – Janos Szasz – Emir Baigazin – Kiyoshi Kurosawa – John Crowley – Édouard-Jean Empain

Baffe aux Césars

Samedi 1er mars 2014

Je ne regarde jamais ces grands-messes où le cinéma s’autocongratule. Aussi, hier soir, ai-je fait autre chose, et de plus intéressant : découvrir une excellente et méconnue comédie, My man Godfrey, sur Ciné+ Classic. Tout plutôt que regarder la remise des Césars sur Canal Plus ! Mais il est impossible, le lendemain matin, de ne pas apprendre par la radio quels en ont été les résultats.

Donc, je me réjouis que le film de Guillaume Gallienne ait reçu cinq récompenses, en dépit de ce qu’en a dit Michel Ciment ce matin sur France Inter, qui n’y a vu qu’une gentille petite comédie sans grande importance : Ciment est sans doute l’un des meilleurs critiques de cinéma en France, le plus intelligent, le plus cultivé, mais ce n’est pas la première fois que je suis en total désaccord avec lui. N’a-t-il pas prétendu, ce matin, qu’aucune série télévisée n’a jamais atteint le niveau des grands films ? Il n’a donc pas vu Six feet under, Breaking bad ou Downton Abbey ?

Également, je me réjouis que Kechiche ait pris en pleine poire sa deuxième baffe consécutive, après être reparti bredouille d’Hollywood il y a quelques mois. Donner le prix du meilleur espoir féminin à l’une de ses actrices, une débutante, et ignorer celui que tant d’excités ont mis au rang des génies alors qu’il est l’un des plus mauvais réalisateurs de France (on ressasse qu’il a eu la Palme d’Or à Cannes, mais je me suis laissé dire que Spielberg, contrairement à la légende, ne voulait pas la lui attribuer), voilà qui console – à demi – que le César du meilleur réalisateur ait été décerné à un violeur de gamines que la justice n’a pu sanctionner. Je n’en démordrai jamais, Polanski n’a fait que de mauvais films.

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Ceuta, douce prison

Mercredi 5 mars 2014

Réalisé par Jonathan Millet et Loïc H. Rechi

Sorti en Estonie le 17 novembre 2013

Sorti en France le 29 janvier 2014

À propos de ce film au demeurant pas très bon, on n’a cessé de radoter le mot immersion, popularisé par une émission de télévision – comme quoi le panurgisme et les clichés ont encore de beaux jours devant eux...

Ceuta est une ville moyenne (environ 85 000 habitants) assez moche, insérée dans un territoire deux fois plus étendu, au sein d’un paysage plutôt morne, au bord de la Méditerranée, un comble dans le paradoxe. Incluse sur le territoire marocain, elle appartient toujours à l’Espagne, qui refuse de lâcher cette enclave et celle de Melilla, plus à l’est, alors qu’elle a accepté d’abandonner au Maroc le vaste territoire du Sahara occidental, annexé par son voisin du sud lors de l’agonie du général Franco en 1975 – le roi Hassan II avait su sauter sur l’occasion, tout en promettant un référendum d’autodétermination qui n’a évidemment jamais eu lieu, ni de son vivant, ni pendant le règne de son fils et successeur.

De par cette situation, la ville est le but de tous les miséreux qui abondent en Afrique, y compris au Maroc, et qui cherchent à passer en Europe, havre de liberté et de prospérité, comme on sait. Le film montre même... deux Indiens qui ont fait le voyage en bateau et traversé l’Afrique avant d’échouer à cet endroit ! Car le fait qu’il n’existe aucune frontière légale entre ce territoire espagnol et l’Espagne proprement dite, de l’autre côté du détroit de Gibraltar, n’empêche pas la police locale, qui connaît la musique, de tout contrôler pour endiguer l’émigration massive. Mais comment condamner les Espagnols, sur lesquels repose à présent le fardeau, économique, culturel, de santé et de sécurité ?

Le film commence par un carton disant qu’ils ont construit autour de la ville un « mur », lequel serait « le dernier en Europe ». En fait, rien à voir avec celui de Berlin, car c’est tout au plus une double et parfois triple palissade, qui peut être aisément contournée en passant par la mer ! Mais le problème demeure, car, une fois parvenus à Ceuta, les candidats à l’émigration se retrouvent sans ressources : ni argent, ni travail, ni papiers le plus souvent. Hébergés dans un centre qui a été créé pour eux, le CETI (Centro de Estancia Temporal de Inmigrantes), ils survivent par les moyens du bord, où la solidarité entre miséreux tient une grande place. Mais il est faux et injurieux de prétendre que les Espagnols les maltraitent ou ne font rien pour eux. Simplement, ils sont débordés, comme les Italiens à Lampedusa.

En fait, le film ne donne la parole ni aux Espagnols, ni aux Marocains, mais seulement aux cinq émigrants que nous suivons pas à pas, et qui racontent leurs malheurs, survenus principalement dans la traversée de l’Afrique, notamment au Sénégal, où ils sont, disent-ils, très maltraités. Seul espoir, obtenir un visa pour passer de l’autre côté, mais son obtention est subordonnée à une exigence que peu satisfont : être un réfugié politique. Pour les réfugiés économiques – la majorité –, les chances sont minces.

Le film est réalisé avec un parti-pris un peu agaçant : une caméra portée suit longuement un personnage qui marche, vu de dos uniquement, et un commentaire off dit par lui (donc PAS pendant la prise de vue, contrairement à ce qu’affirme la publicité) évoque ses épreuves ou ses espoirs. C’est vite lassant, car rien ne justifie cette méthode bizarre. Il est vrai que les deux réalisateurs, pétris de bonne volonté, sont des débutants, et qu’ils ont droit à quelques maladresses. Néanmoins, le principal grief qu’on peut leur adresser consiste en ce qu’on n’apprend rien qu’on ne sache déjà.

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Non-stop

Vendredi 7 mars 2014

Réalisé par Jaume Collet-Serra

Première en France le 27 janvier 2013

Sorti en France, en Belgique et aux Philippines le 26 février 2014

Le personnage central est un policier, qui a évidemment des problèmes avec l’alcool, et dont la petite fille est morte de leucémie prématurément : ce soit être un effet de contagion, via Gravity. On attend toujours de voir au cinéma un policier heureux en ménage, équilibré, sobre, et qui ne tabasse pas les gens...

Cela étant, le film est un huis-clos en temps réel, ce qui le rend au moins intéressant sur ce plan-là : nous sommes dans un avion, nous savons en permanence l’heure qu’il est, et le policier reçoit un SMS d’un expéditeur caché, qui lui révèle que, toutes les vingt minutes, un passager mourra si on ne verse pas cent cinquante millions de dollars sur un compte suisse. Mais comme il faut suffisamment de rebondissements, on découvrira : que ce compte a été ouvert... au nom du policier lui-même ; que son adjoint trafique de la drogue et a emporté en bagages à mains une mallette bourrée d’héroïne ; que son coéquipier va le tuer dans les toilettes parce qu’il l’a pris pour le terroriste ; qu’un passager, puis le pilote, vont mourir à l’heure prévue ; que l’avion est bourré de suspects évidemment innocents, quoique pas tous ; et ainsi de suite.

Finalement, une bombe éclate : elle était cachée... sous l’héroïne, dans la mallette du policier trafiquant. S’ensuit un accident spectaculaire, mais tous les innocents s’en tirent, car nous sommes aux États-Unis, pas chez Michael Haneke.

C’est très distrayant, absolument invraisemblable, et l’on est comme à Guignol, surtout avec une telle explication finale : les deux coupables, car ils étaient deux, voulaient protester contre le fait qu’après les attentats du 11 septembre 2001, le gouvernement ne veillait pas assez sur la sécurité des citoyens !

Le réalisateur est inégal, puisqu’il avait réalisé un bon film d’horreur, La maison de cire, puis ces navets qu’étaient Esther et Sans identité. On remarque aussi, dans le rôle d’une hôtesse de l’air, Michelle Dockery, qui joue Lady Mary dans Downton Abbey.

Bien entendu, on n’a pas tourné dans un avion ; de toute évidence, certaines séquences sont filmées avec une louma, engin qui n’entrerait jamais dans une carlingue. Hélas, à d’autres moments et sans trop de raison, on filme longuement à la caméra portée. La louma était en panne ?

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Diplomatie

Lundi 10 mars 2014

Réalisé par Volkler Schlöndorff

Sorti en Allemagne (Festival de Berlin) le 12 février 2014

Sorti en France le 5 mars 2014

Adaptation d’une pièce à succès de Cyril Gély, sur un sujet qui a déjà donné lieu à un film beaucoup plus spectaculaire de René Clément, Paris brûle-t-il ?, tourné en 1964, sorti en 1966. Il s’agit de montrer comment le général Dietrich von Choltitz, gouverneur de Paris alors que les armées alliées, débarquées en Normandie, s’avançaient vers Paris, n’obéit pas à l’ordre d’Hitler de détruire Paris. Tout se passe dans la nuit du 24 au 25 août 1944, juste avant la libération de la capitale par les troupes du général Leclerc, qui arriveront au matin. Et celui qui va persuader Choltitz de désobéir au tyran fou qui ne voulait détruire Paris que par rancune (il n’y avait aucun intérêt stratégique à sa destruction, laquelle aurait causé des centaines de milliers de morts), c’est le consul de Norvège, Raoul Nordling, un humaniste rompu à la diplomatie. Choltitz ne connaît que l’obéissance aux ordres, mais il existe une faille : Hitler a pris un décret qui menace la vie de la famille du général. Nordling va ainsi le convaincre que lui-même va pouvoir sauver cette famille en la faisant passer en Suisse – promesse dont la scène finale laisse entendre qu’il ne fera rien pour la tenir !

Inutile de dire que cette conversation n’ayant jamais eu lieu (voir plus loin), tout ce qu’on voit et ce qu’on entend a été imaginé. Dans la réalité, Nordling avait vu Choltitz à cinq reprises depuis le 7 août, et a raconté dans ses mémoires qu’il a négocié bien des points avec lui : une trêve entre la Résistance et les Allemands, la libération des prisonniers politiques, et la distribution de nourriture aux Parisiens, mais qu’il n’a jamais été question de cet ordre donné par Hitler. En outre, le 23 août, Choltitz avait été victime d’une crise cardiaque et n’était plus en service ! Quant à l’escalier dérobé donnant accès à sa suite de l’Hôtel Meurice via une porte à l’angle des rues de Castiglione et du Mont-Thabor, son existence relève de la plus haute fantaisie, car il se trouverait, sur le pla, à quatre-vingt mètres au moins de l’aplomb de la façade sur la rue de Rivoli, où donnait l’appartement de Choltitz. Le film n’est donc pas une œuvre historique, mais uniquement dramatique.

La réalisation de l’Allemand et francophone Volker Schlöndorff est très bonne. Schlöndorff est surtout connu pour Der junge Törless (en français, Les désarrois de l’élève Törless), mais aussi pour avoir chipé la moitié de la Palme d’Or, à Cannes en 1979, à ce pauvre Coppola : sous la pression de Françoise Sagan qui présidait le jury et n’aimait pas Apocalypse now, on coupa la poire en deux ! Résultat : le film de Coppola triomphe toujours et a été réédité dans une version plus longue, alors que Le tambour de Schlöndorff, très bizarre, est tombé dans l’oubli. Pas de chance...

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Les vacances de M. Hulot : durée du film ?

Vendredi 14 mars 2014

Il est impossible de connaître la durée du chef-d’œuvre de Tati Les vacances de M. Hulot. Le site de référence IMDb.com mentionne 114 minutes lors de sa sortie, en 1953. Mais Tati n’a cessé de modifier son film, coupant, ajoutant, refaisant la bande-son, et tournant même une scène supplémentaire qui parodiait Les dents de la mer – ce que j’avais signalé ICI.

Ailleurs, on trouve plusieurs indications contradictoires. Wikipédia, dans son article d’origine, parle de 96 minutes, puis, plus loin, de 88 minutes et 21 secondes. Allociné s’en tient à l’indication d’IMDb. L’université de Clermont avance aussi les 96 minutes de Wikipédia. Le Centre national de la documentation pégadogique s’en tient aux mêmes 96 minutes, en se fondant sur le diffusion du film sur Arte le dimanche 7 octobre 2007 (il commet peut-être une erreur de date). Le site Vodkaster se base sur le Bluray qui vient de sortir et mentionne donc, dans son article récent du 23 février, les 88 minutes et 21 secondes de la version restaurée qu’il contient – sans aucun bonus, mais avec les annonces de début et de fin sur la restauration. Unifrance, plus radical, le raccourcit, avec 83 minutes. Le site Comme au cinéma également n’y a vu que 83 minutes, alors que, pour Première, il dure plutôt 96 minutes. Et la chaîne de télévision Ciné+ Classic a diffusé tout récemment une version qui durait 94 minutes et 46 secondes.

Finalement, on devrait consulter Jacques Tati lui-même. Par table tournante ?

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The grand Budapest hotel

Vendredi 14 mars 2014

Réalisé par Wes Anderson

Sorti en Allemagne (Festival de Berlin) le 6 février 2014

Sorti en France le 26 février 2014

Wes Anderson pratique un cinéma de plus en plus sophistiqué (il semble, comme Peter Greenaway, obsédé par la symétrie), mais je m’obstine à préférer son Moonrise kingdom, qui est tout de même plus facile à suivre ! Ici, non seulement l’histoire est impossible à raconter, mais on peine à la comprendre... C’est celle d’un concierge d’hôtel, Gustave, et de son employé, un jeune Asiatique nommé Zéro Moustafa, qui deviendra son héritier et successeur à la fin. Leurs tribulations donnent le vertige, et c’était sans doute le but recherché, mais le film n’aura pas le succès du précédent.

Précisons que l’hôtel auquel le titre fait allusion existe, et que l’équipe du film en a fait son quartier général pendant le tournage. Cela dit, le jeu peut consister pour le spectateur à reconnaître les multiples vedettes qui sont venues y tenir un petit rôle, parfois fortement grimées. Le film est donc agréable à regarder, mais il n’est pas de ceux qu’on brûle de revoir.

La surprise tient en ce que le format du film n’est pas unique, puisque, selon l’époque, l’image est en 1,37:1 – l’ancien format –, en 1,85:1 pour d’autres scènes, et enfin, en 2,35:1 à l’occasion, mais je doute que les spectateurs le remarquent, en dépit d’une réalisation méticuleuse et très soignée.

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Alamar

Mercredi 18 mars 2014

Réalisé par Pedro Gonzalez-Rubio

Sorti au Canada (Festival de Toronto) le 16 septembre 2009

Sorti en France le 25 mars 2010

D’abord, on ne comprend pas bien pourquoi ce film a été classé dans la catégorie « Drame », car il ne recèle aucune trace de drame : c’est uniquement un faux documentaire écologique, fabriqué pour la publicité d’un atoll corallien, le Banco Chinchorro, que le Mexique voulait promouvoir. Thème : un Mexicain s’est marié à une Italienne, mais tous deux, qui ont eu un fils, Natan, conviennent qu’ensemble, à Rome, ils ne sont pas heureux, et le père repart pour son pays, emmenant son fils pour quelque temps (l’enfant revient en Italie à la fin du film). Faux documentaire, car les personnages sont inventés.

Le scénario se réduit par conséquent à d’innombrables scènes de pêche, et à la tentative de dressage d’un oiseau, qui échoue quand le volatile disparaît sans explication (je plaisante).

Avant de crier au génie, les spectateurs naïfs auraient dû lire le générique de fin. Ils auraient appris que, non seulement le film date de 2009, mais qu’il était déjà sorti en France il y a quatre ans. Ce qui explique sans doute qu’il ne sorte que dans une seule salle, le Latina, et pour une seule séance, aujourd’hui.

La seule curiosité réside en ce que, à l’instar de The grand Budapest hotel (voir ci-dessus), le film a été tourné dans trois formats différents, et que les deux premiers sont défectueux : les sous-titres sont tronqués vers le bas ! Pas de beaucoup, mais le détail trahit la négligence de l’auteur.

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Un week-end à Paris

Jeudi 20 mars 2014

Réalisé par Roger Michell

Titre original : Le week-end

Sorti au Canada (Festival de Toronto) le 7 septembre 2013

Sorti en France le 5 mars 2014

Un couple de professeurs vivant à Birmingham vient à Paris pour fêter ses trente ans de mariage. Le mari a retenu une chambre dans un vieil hôtel de Montmartre où, apparemment, ils se sont connus, mais, déception, elle trouve à présent l’endroit sordide, lugubre et mal décoré (les murs sont beiges, quelle horreur). Ils partent en taxi à travers la ville, et jettent leur dévolu sur le Plaza-Athénée de l’avenue Montaigne, qui est très au-dessus de leurs moyens. Pour ne rien arranger, ils redécorent la suite qu’ils ont exigée, la sabotent complètement, et ne pourront pas payer la note. L’hôtel retient bien sûr leurs passeports.

Par chance, l’époux, Burt, avait retrouvé par hasard dans la rue un vieux camarade d’études, Morgan, un New-Yorkais qui a fait fortune – il habite rue de Rivoli – en écrivant des livres dont il sait toutefois qu’ils ne valent rien, mais qui admire l’intelligence de Burt, ignorant que celui-ci a été renvoyé de son université pour avoir dit à une étudiante noire qu’elle ferait mieux de consacrer autant de temps à ses études qu’au soin de ses cheveux ! Morgan va les accueillir chez lui, et l’on devine qu’il va payer la petite note.

L’essentiel du film est dans les fausses disputes qui opposent les deux époux, lui soupçonnant sa femme de le tromper (c’est faux), elle raillant son vieillissement avancé. On les voit aussi dînant copieusement dans un restaurant et s’arranger pour partir sans payer !

Cette histoire apparemment mince, dû au très estimable Hanif Kureishi (qui avait écrit le scénario de My beautiful laundrette), et le petit film sans prétention qui en résulte, en disent long sur la vie de couple et ce qui la menace à la longue. Mais c’est aussi, peut-être, une leçon d’optimisme, car enfin, on rit beaucoup. Et quel soulagement de ne pas se voir infliger l’éternel thème des cinéastes français, les états d’âme des couples de bobos trentenaires ! Mais ces Anglais, tout de même, ce ne sont pas des gens comme nous. En France, nous sommes beaucoup plus sérieux, c’est évident...

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Wrong cops

Vendredi 21 mars 2014

Réalisé par Quentin Dupieux

Sorti aux États-Unis (Festival de Sundance) le 20 janvier 2013

Sorti en France le 19 mars 2014

Quentin Durieux est un compositeur de musique français, reconverti dans le cinéma, qui tourne presque exclusivement aux États-Unis – si l’on excepte son Réalité, tourné avec des Français mais pas encore sorti –, et qui réalise des films basés sur l’absurde et le loufoque. Son précédent film s’appelait Wrong ; ici, il y a progrès, puisque c’est Wrong cops. On espère que le prochain ne s’intitulera pas « Very wrong cops » !

En tout cas, nous sommes toujours à Los Angeles, la ville la plus moche de la planète – si l’on veut bien laisser à part Le Havre et Saint-Lô. Et tous les personnages sont des policiers dépravés : vendeurs de drogue, obsédés sexuels, maîtres-chanteurs, violents, combinards ou bêtes. En fait, le film est un amalgame de sept sketches prévus pour fabriquer des courts-métrages, mais leur rassemblement est tout à fait crédible, car le thème est le même pour tous.

Les acteurs favoris de Dupieux sont présents, y compris Éric Judor, comique pas drôle quand il se veut auteur, mais, qui, dirigé par un bon scénariste-réalisateur, n’est pas si mauvais que cela. Il y a ausi Marilyn Manson (c’est un homme, il s’appelle en réalité Brian Hugh Warner), méconnaissable, car non maquillé et non déguisé.

Notons que le réalisateur a inséré tout au long sa propre musique, composée sous le pseudonume de « Mr Oizo » ! Surprise, elle n’est pas mauvaise. Il y a en particulier une sorte de marche funèbre tout à fait originale, même si nul ne la remarque. Naturellement, l’histoire n’a ni queue ni tête, mais on s’y attend. Bref, ça se passe à Los Angeles, et... c’est tout sauf hollywoodien !

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Les bruits de Recife

Lundi 24 mars 2014

Réalisé par Kleber Mendonça Filho

Titre original : O som ao redor

Sorti aux Pays-Bas (Festival de Rotterdam) le 1er février 2012

Sorti en France le 26 février 2014

Le titre d’origine signifie « Le bruit autour », et il est parfaitement justifié. Quant à Recife, c’est une ville brésilienne, assez étendue et peuplée, à l’embouchure d’un fleuve, le Rio Capibaribe, et pourvue d’un petit port, comparée abusiment à Venise (mais, en Belgique, on compare bien Bruges à Venise, rions).

Le film lui-même est une tranche de vie, centrée sur les habitants d’un quartier de la classe moyenne, qui s’entendent plus ou moins bien, et craignent la montée de la petite délinquance ; ce pour quoi une société privée, spécialisée dans la surveillance, vient de s’y installer. Notez qu’on échappe au cliché habituel, et qu’elle ne rackette pas du tout les gens, ce n’est pas la mafia. Mais enfin, les deux types qui la dirigent, deux frères, ont quand même des intentions pas très claires, ce qu’on apprend à la toute fin.

Le film, peut-être un peu trop long mais jamais ennuyeux, pas du tout explicatif, est très bien réalisé, et le son direct qu’il utilise est remarquable ; en revanche, il n’y a aucune musique de fosse (musique d’accompagnement n’ayant pas de source directement dans le récit). Il réussit à distiller une atmosphère de crainte indéfinie, à partir d’éléments plutôt terre-à-terre, comme ce chien qui aboie sans cesse et que la voisine cherche à éliminer (avec sa famille, elle y parviendra juste avant le générique de fin !). Le réalisateur a tourné dans sa rue, et jusque dans son propre appartement.

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Le grand cahier

Mardi 25 mars 2014

Réalisé par Janos Szasz

Titre original : A nagy füzet

Sorti en République Tchèque (Festival de Karlovy Vary) le 3 juillet 2013

Sorti en France le 19 mars 2014

Le titre hongrois signifie bien la même chose, et le livre dont il provient a été rédigé en français par l’auteur hongrois Agota Kristof, mais n’est que la première partie d’une trilogie dont les deux jumeaux sont les héros – si l’on peut dire, car ces deux personnages ne sont pas très positifs : envoyés chez leur grand-mère maternelle par leur mère qui veut les soustraire à la guerre, ils y dévelopent, en réaction aux mauvais traitements de ce rustre obèse, une morale bien à eux : on les verra se battre afin de s’aguerrir, assassiner une servante qui a dénoncé leur ami, un cordonnier juif, euthanasier sur sa demande leur grand-mère après une attaque cardiaque, puis faire sauter leur père dans un non man’s land miné protégeant la frontière, afin que l’un puisse la traverser sans risque (en marchant sur son cadavre !). Le paradoxe est que ces deux enfants – aucun personnage n’a de nom – ont un visage angélique, et qu’il est impossible d’avoir pour eux de l’antipathie, tant ils ont traversé d’épreuves. L’autre paradoxe, c’est qu’ils ont affirmé pouvoir tout supporter, sauf leur séparation, mais, à la dernière scène, l’un passe la frontière, et l’autre pas. Sans doute faut-il lire les trois livres pour comprendre tout.

Le film est parfaitement réalisé, et les deux garçons, des amateurs, vrais jumeaux presque identiques, sont parfaits.

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Leçons d’harmonie

Mercredi 26 mars 2014

Réalisé par Emir Baigazin

Titre original : Uroki garmonii

Sorti en Allemagne (Festival de Berlin) le 14 février 2013

Sorti en France le 26 mars 2014

Le titre doit être là par antiphrase, car, en fait d’harmonie, le personnage principal, Aslan, censé avoir treize ans mais qui en a visiblement un peu plus, commence par égorger un mouton (la scène ne semble pas avoir été truquée, elle est montée en temps réel et sans coupure, si j’ose dire), l’écorcher et le dépecer, puis, plus tard, il arrache une patte à un cafard. Heureusement, on n’a pas eu l’hypocrisie traditionnelle consistant à mentionner, au générique de fin, le sempiternel No animals were harmed in the making of his film ! Mais enfin, faire accomplir ces actes par un gosse...

Étrangement, le personnage principal ressemble beaucoup, moralement, aux jumeaux dans Le grand cahier : il y a de ces coïncidences... Lors d’une visite médicale avec son collège, Aslan, intelligent mais peu causant, a été victime d’une blague douteuse montée par ses camarades. Or, contre toute attente, ils le mettent ensuite en quarantaine, sur l’ordre du caïd du collège, Bolat, qui s’est attribué deux fonctions : être le juge de paix local réglant les conflits, et... racketter les plus jeunes pour envoyer de l’argent aux prisonniers, puisqu’il paraît qu’au Kazakhstan, tout le monde finit par aller en prison. Pour tout arranger, il cogne dur les récalcitrants, et n’accorde aucun sursis dans ses entreprises d’extorsion. Mais Aslan va se venger, et prépare longuement sa revanche. Au terme du processus, deux assassinats, et quelques séances de torture par la police, qui le soupçonne mais ne peut rien prouver. Aslan sera libéré après s’être à demi autoégorgé avec un manche de cuillère.

La mise en scène est précise, classique, sans complaisance, au service d’une histoire qui ne flatte pas le spectateur, sans toutefois lui imposer du gore, comme l’aurait fait un gâcheur de pellicule. Le film est dur, mais jamais lugubre, sans musique, et comportant quelques séquences de rêve. C’est un premier film, et le réalisateur est aussi l’auteur du scénario.

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Real

Vendredi 28 mars 2014

Réalisé par Kiyoshi Kurosawa

Titre original : Riaru: Kanzen naru kubinagaryû no hi

Sorti en Allemagne (Festival de Berlin) le 14 février 2013

Sorti en France le 26 mars 2014

Du titre japonais, seul le mot riaru signifie « réel » ; no hi signifie « pas de salut », et il semble que le titre entier dise « Pas de salut pour un plésiosaure », alors que le roman dont il est tiré titrait « Un jour parfait pour un plésiosaure ». Vous allez comprendre... Mais attention, ne vous fiez pas trop à l’avis que je donne au-dessous du texte de cet article, car on a là le genre de film qui nécessiterait deux critiques : une favorable, et une assassine !

Chacun a remarqué, et très justement, que cette histoire s’inspirait à la fois d’Avatar et d’Inception, le premier étant un beau film, et le second une abomination prétentieuse : il s’agit d’aller fouiner dans l’inconscient d’un personnage. Ici, Atsumi, présentée comme une dessinatrice de mangas et qui ne pense qu’à ça, a fait, nous dit-on, une tentative de suicide, se trouve depuis dans le coma, et son compagnon Koichi Fujita (un indice qu’on ne remarque d’abord pas, dans ce patronyme), participe à une expérience scientifique : on le branche sur l’esprit de la fille, et il doit rechercher dans son esprit des indices permettant de savoir pourquoi elle a commis cet acte, et comment la ramener à la vie. Il découvre qu’elle est obsédée par un dessin qu’elle avait fait naguère, celui d’un plésiosaure, et que s’il le retrouve, tout va s’expliquer donc s’arranger. Mais ce que Koichi retrouve est trop abîmé, aussi se résout-il à dessiner lui-même l’animal, ce qu’il fait très bien (à cet instant, le spectateur se souvient que Fujita était un peintre japonais très célèbre).

Vient alors le moment, à mi-parcours, de placer le retournement de situation : en réalité, Koichi est dans le coma, et c’est Atsumi qui tente de fouiller dans son inconscient. On découvre aussi que le garçon ne s’est pas suicidé, il est simplement tombé à l’eau en essayant de récupérer le médaillon qu’Atsumi lui avait donné, et qui consistait en un petit tube transparent contenant un minuscule hippocampe... animal qui ressemble, en beaucoup plus petit, à un plésiosaure (le monstre du Loch Ness serait un plésiosaure... s’il existait). C’était donc Koichi, le dessinateur de mangas ! Mais de quoi son inconscient est-il obsédé ?

Après quelques péripéties qui étirent le film au-delà du raisonnable, il est révélé que Koichi se reproche d’avoir, dans son enfance, causé accidentellement la noyade d’un camarade d’école qui ne l’aimait pas, vu que Koichi « était de Tôkyô » (sic), et que ce camarade, Morio, convoitait le médaillon d’Atsumi. Or Morio réapparaît dans les rêves de Koichi, sous la forme d’un plésiosaure, et veut tuer Atsumi et Koichi si on ne lui donne pas le médaillon. Après une longue scène de castagne entre le monstre et les deux jeunes gens, au cours de laquelle le plésiosaure moleste assez le garçon pour le renvoyer dans le coma, Atsumi donne le médaillon au monstre, qui, satisfait, s’en va. Quand à Koichi, rassurez-vous, l’hôpital va bien le soigner, et la dernière image le montre ouvrant enfin les yeux, exactement comme à la fin d’Avatar !

On a compris que Kurosawa a complètement saboté la dernière partie de son film, pour une raison inexplicable. Ce réalisateur qui, à 59 ans, a déjà 41 films à son actif, a commencé avec une série de films et de téléfilms qui ne sont pas sortis en France, le premier vu chez nous, en 1999, étant The cure. Plus tard, il y avait eu Kairo, en 2001, puis Tôkyô sonata en 2008, et enfin son quintuple téléfilm, Shokuzai, sorti chez nous en deux films, en 2012, et qui lui avait valu les éloges de la critique. Comme quoi, rien n’est acquis, car Real est un pur navet : la réalisation minutieuse et raffinée est au service d’un scénario d’une rare stupidité.

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Closed circuit

Lundi 31 mars 2014

Réalisé par John Crowley

Sorti au Canada, au Japon et aux États-Unis le 14 février 2013

Sorti en France le 26 mars 2014

À Londres, un attentat terroriste tue cent vingt personnes. On arrête un présumé coupable, un Turc nommé Erdogan. Il faut donc le juger, mais comme l’exposé de certains détails dans un procès public risquerait de compromettre la lutte contre le terrorisme, on décide de faire... deux procès : l’un, public ; l’autre, à huis-clos, auquel l’accusé ne peut pas assister, seul endroit où les détails à cacher seront dévoilés. Ainsi, il doit y avoir deux avocats différents, celui du procès public n’ayant pas accès auxdits détails. Il paraît que c’est possible, dans le système judiciaire du Royaume-Uni...

Bien entendu, les deux avocats n’ont pas le droit de communiquer, afin d’éviter les fuites. Or il se trouve que le ministère de la Justice a désigné pour la défense deux anciens amants ! Sans le savoir par avance ? Pas si simple, il y avait anguille sous roche : on désirait pouvoir faire pression sur l’avocat du procès public pour l’obliger, ensuite, à se taire.

On devine que cette histoire truffée de coups tordus va mal finir. Et, en effet, à l’épilogue, les documents gênants ont été mis sous scellés, le terroriste présumé, dont il a été révélé qu’il travaillait en secret pour les services secrets britanniques (il devait s’infiltrer dans un groupe de vrais terroristes), est trouvé « suicidé » dans sa cellule, et l’avocat du procès public, qui a tout appris de façon irrégulière, est invité par le procureur général à oublier tout ça : en échange, le gouvernement de Sa Majesté permettra à la veuve et l’enfant du défunt de rester en Angleterre, plutôt que de les expulser « vers un endroit moins hospitalier ».

Le réalisateur s’était signalé avec l’excellent Boy A, en 2007. Cette fois, sa réalisation, efficace et claire, ne pêche guère que par un excès, au début du film, de scènes en montage alterné montrant les activités simultanées des deux avocats. Ce n’était pas vraiment indispensable, même si cela ne gêne pas trop.

Les Britanniques semblent partager avec les États-Uniens ce goût pour les films traitant de leur justice. Nous n’avons pas cela en France, et nos films sur ce thème se comptent sur les doigts de la main (gauche) du baron Empain.

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Dernière mise à jour de cette page le jeudi 1er janvier 1970.