Œuvres citées (en italique : autres que des films) : Camping à la ferme – Nationale 7 – Vivre me tue – Tartuffe fait ramadan – La guerre des mondes (1953) – War of the Worlds – Les dix commandements – La corde – La machine à remonter le temps – The Doom generation – Pulp fiction – Mysterious skin – La moustache – La classe de neige – L’adversaire – L’emploi du temps – Je préfère qu’on reste amis – Lemming – The kid stays in the picture – Le soleil se lève aussi – Marathon man – Chinatown – Charlie et la chocolaterie (2005) – Charlie and the chocolate factory – La planète des singes (2001) – Psychose (1960) – 2001, l’odyssée de l’espace – La guerre des mondes (2005) – Ed Wood – Layer cake – Xiao Wu, artisan pickpocket – Xiao Wu – Eros – In the mood for love – L’avion – Eyes wide shut – Roberto Succo – E.T. – L’ange exterminateur – La prisonnière du désert – Aviator – Shaun of the dead – Zombie – Don’t stop me now – Mata-Hari, agent H 21 – La mariée était en noir – Mr and Mrs Smith (2005) – La totale ! – True Lies – La guerre des Rose
Personnes citées : Jean-Pierre Sinapi – Samy Naceri – Jamel Debbouze – Paul Smaïl – Jack Alain Léger – Azouz Begag – Jacques Chirac – Roschdi Zem – Byron Haskin – George Pal – Cecil B. DeMille – Steven Spielberg – Cedric Hardwicke – Alfred Hitchcock – Tom Cruise – Gregg Araki – Claude Chabrol – Emmanuel Carrère – Brett Morgen – Nanette Burstein – Claude Miller – Nicole Garcia – Laurent Cantet – Darryl Zanuck – Ava Gardner – Tyrone Power – Ernest Hemingway – Bob Evans – Tim Burton – Mel Stuart – Roald Dahl – Matthew Vaughn – Jia Zhang Ke – Esther Williams – Kar Wai Wong – Steven Soderbergh – Michelangelo Antonioni – Cédric Kahn – Vincent Lindon – Luis Buñuel – Danièle Heymann – Alain Riou – Michel Ciment – George W. Bush – Sean Penn – Susan Sarandon – Tim Robbins – Matt Damon – Leonardo DiCaprio – Michael Moore – John Wayne – John Ford – Martin Scorsese – Howard Hugues – Edgar Wright – George Romero – Queen – Jean-Louis Richard – Jeanne Moreau – François Truffaut – Jean-Louis Trintignant – Michel Bouquet – Doug Liman – Carole Lombard – Robert Montgomery – Miou-Miou – Thierry Lhermitte – James Cameron – Danny DeVito
Réalisé par Jean-Pierre Sinapi
Sorti en France (Festival de Cannes) le 13 mai 2005
Sorti en France le 29 juin 2005
Jean-Pierre Sinapi possède quelques caractéristiques : il fait des films de gauche, il ne donne, jusqu’ici, ni dans le genre policier ni dans la comédie de mœurs, il n’utilise jamais le ton qu’on attendait, et il emploie des acteurs arabes. Des bons, pas Samy Naceri ni Jamel Debbouze. Nationale 7 était très réussi, Vivre me tue assez raté mais pas infamant, sur un scénario d’un auteur bouillant d’originalité qui a pris un pseudo arabe, Paul Smaïl, alors qu’il s’appelle Jack Alain Léger, et qui a sorti un livre que je vous recommande sur le respect qu’on ne doit pas à l’islamisme, Tartuffe fait ramadan.
Ici, non seulement certains acteurs sont arabes, mais le scénariste aussi. C’est même un Arabe devenu ministre, Azouz Begag, de ceux qui servent quelque temps d’alibi, avant de connaître le sort des célèbres « jupettes » du premier septennat de Chirac : en général, on les pourvoit d’un maroquin dépourvu de budget, puis, au bout d’un an, on supprime leur ministère d’un trait de plume, à l’occasion d’un des multiples remaniements causés par un scandale au ministère des Finances – endroit maudit, comme l’on sait. Rendez-vous donc dans quelques mois, lorsque Begag, à l’instar de ses prédécesseurs utilisés ainsi que des mouchoirs jetables, sera renvoyé à ses chères études au bénéfice d’un démagogue qui lorgne beaucoup du côté du Front National et surtout de ses électeurs...
Mais revenons au film. Il n’est pas déshonorant, et Roschdi Zem est épatant, pourtant on comprend très vite que le récit ne traitera les conflits et les incompréhensions entre communautés que par le biais du gag pas très fin : le jeune handicapé mental met dans sa poche les six pré-délinquants qui se sont moqués de lui, en osant faire un saut à l’élastique ; deux petits gars des cités – le mot qui signifie « quartiers pauvres » en politiquement correct – guérissent un paysan de son rhume des foins chronique en le poussant à fumer pétard sur pétard ; la bouchère atteint le nirvana en se faisant sauter par le responsable social dans sa chambre froide... où il attrape un rhume ; la jeune paysanne désargentée aura son gîte rural grâce à l’argent détourné des subventions agricoles européennes (pourtant, nous ne sommes pas en Corse) par l’ancêtre mort très opportunément au volant de son tracteur ; le nostalgique de la guerre d’Algérie sera séduit, on est priés de le croire, par les descendants des « fels », si gentils au fond ; et le jeune Italien converti au mahométantisme et qui, sollicité de travailler dans une église, refuse d’y souiller ses mains « purifiées par l’islam », apprendra comment les protéger (sic)... avec des gants de boxe ! Bref, tout cela est sympathique, mais pas très sérieux. Comme le montre cet épisode où un jeune gars, terrassé par l’air pur de la campagne, feint de tomber dans les pommes, et de revenir à la vie quand ses copains lui font respirer les miasmes issus du tuyau d’échappement de la camionnette ; et comme le confirme l’épilogue, où Léo, le jeune handicapé mental, part en vacances avec ses nouveaux copains vers le paradis convoité : leur cité de banlieue.
Bref, ici, le rire n’incite guère à la réflexion.
Que reste-t-il par conséquent ? La cohérence du propos. Dans Nationale 7, l’éducatrice, Julie, violait la loi pour permettre à un handicapé physique d’avoir une activité sexuelle ; dans Camping à la ferme, l’éducateur, Amar, viole la loi pour permettre à un handicapé mental de rester avec les premiers copains qu’il s’était faits. Autrement dit, au dessus de la loi, il y a la compassion. Cette cohérence dans le propos n’est certainement pas un hasard.
Et dire que le scénariste est ministre !
Réalisé par Byron Haskin
Titre original : The war of the worlds
Sorti aux États-Unis le 29 juillet 1953
Sorti en France le 23 décembre 1953
Il s’agit de la première version, celle de 1953. Réalisée par Byron Haskin, elle était produite par George Pal, grand spécialiste des films de science-fiction et d’anticipation, et, comme producteur exécutif quoique non mentionné au générique, par l’illustrissime Cecil B. DeMille. Film que, sans surprise, on ressort pour profiter de la publicité faite autour du petit dernier de Spielberg, sur les écrans la semaine prochaine.
Inévitablement, on a parlé de « film culte », belle occasion de se gondoler ! Car les indications scientifiques sont risibles, notamment à propos des caractéristiques des planètes, les acteurs jouent mal, les personnages restent inexistants, et les trucages sont assez ringards – ce qui du reste fait tout le charme du film. Quand au dénouement, il est bâclé en une phrase de la voix off (celle du futur sir Cedric Hardwicke, gloire britannique du cinéma, qui, deux ans plus tard, devait être le grand Séti, père de Ramsès II, dans Les dix commandements, joua en 1948 dans La corde d’Hitchcock, et avait interprété Dreyfus en 1931). Signalons au passage que certains forums, ainsi que la télévision, ont prétendu que le film avait été « colorisé », autrement dit, qu’il était à l’origine en noir et blanc. C’est totalement faux, il était bel et bien en Technicolor dès sa sortie. Du reste, jusque aujourd’hui, la technique de coloriage ne permet pas d’obtenir les couleurs qu’on voit sur l’écran, très caractéristiques de ce procédé.
Sa courte durée mise à part, le seul autre aspect positif, et qu’on retrouve dans tous les films produits par George Pal, est l’apparence esthétique et soignée des objets d’anticipation : les véhicules « martiens » sont très jolis. Mais, dans le genre, on reste loin de La machine à remonter le temps, réalisé par le même producteur ! Y compris sur le plan du scénario...
Évidemment, avec Spielberg et Tom Cruise, ce sera sans doute pire. Mais ceci est une autre histoire...
Réalisé par Gregg Araki
Sorti en Espagne le 20 octobre 1995
Sorti en France le 15 novembre 1995
Gregg Araki est un bon fils, il ne manque jamais de remercier son « papa » et sa « maman » (dad et mom, en V.O.) au générique de fin de ses films. Pour The Doom generation, celui du début, lui, annonce « Un film hétérosexuel de Gregg Araki », précision utile, car, à chaque seconde, on s’attend à voir Jordan et Xavier s’embrasser sur la bouche. Ils n’en font rien et se contentent de se partager la fille, Amy, laquelle possède une tête à jouer dans Pulp fiction, ce qui n’est guère incitatif, convenez.
Le film date de 1995, mais il est ressorti à l’occasion du succès de Mysterious skin, déjà traité ici en avril. Le début est assez drôle, malgré deux meurtres, et parsemé de gags, dont le fait que tous les achats effectués par les trois compères se soldent par une addition de 6,66 dollars – 666 étant un nombre diabolique, comme nul ne l’ignore. C’est pourquoi le carnage de la fin détonne, et rappelle que Gregg Araki, à l’instar de Claude Chabrol, rate régulièrement ses dénouements. Ce doit être une sorte de signature.
Réalisé par Emmanuel Carrère
Sorti en France (Festival de Cannes) le 15 mai 1995
Sorti en France et en Belgique le 6 juillet 1995
On est curieux de voir ce que va faire Emmanuel Carrère, ancien critique de cinéma (encore un !), et qui a obtenu en 1995 un grand succès comme romancier avec La classe de neige, porté à l’écran par Claude Miller en 1998. C’était une histoire assez sombre (les cons disent « glauques », faute de savoir que ce mot désigne une nuance de vert, et rien d’autre), montrant un enfant qui découvrait peu à peu que son père était un assassin. Carrère fut aussi le scénariste du film calamiteux de Nicole Garcia, L’adversaire, sur le même sujet – l’imposteur et assassin Romand – que L’emploi du temps de Laurent Cantet, film autrement réussi.
Mais de quoi s’agit-il ici ? Parce que sa femme et ses amis nient lui avoir jamais vu la moustache qu’il vient de raser, Marc se pose des questions existentielles : est-ce que ses proches le regardent et se soucient de lui ? Pourtant, il possède une preuve irréfutable : des photos de vacances à Bali, qui montrent sans ambigüité qu’il a bien porté cet ornement. Mais, au lieu de les mettre sous le nez (!) des sceptiques, Marc se contente de les montrer à la caméra ! S’il avait été plus avisé, on aurait eu un court-métrage de dix minutes pas plus bête qu’un autre. Seulement voilà, Emmanuel Carrère veut faire un long métrage, et comme il ne sait pas comment continuer (et terminer, a fortiori), il décide de passer du psychologique au fantastique, et envoie son film dans le décor. Ainsi, Marc reçoit un coup de téléphone de son père, qui est pourtant mort ; il oublie le numéro de téléphone de sa mère, et même son adresse, et ne parvient pas à retrouver le domicile de celle-ci... parce qu’il pleut ! Pour comble, il se précipite alors dans un avion pour Hong-Kong, ce que vous faites certainement chaque fois que vous avez un désaccord avec votre moitié, j’en suis certain. Dans Je préfère qu’on reste amis, film français sorti en février, déjà, un récit parisien se terminait inexplicablement à New York, restons simples et près du petit peuple.
Pour en revenir à notre visiteur de Hong-Kong, il semble y rester un certain temps, puisqu’on le voit devenir familier avec l’employée qui lui vend les tickets de la navette reliant l’île au continent ; or sa chemise, la seule qu’il possède puisqu’il est parti sans bagages, quoique froissée et chiffonnée (c’est Vincent Lindon qui joue le rôle, tout de même !), reste, sous ce climat tropical, d’une blancheur immaculée. Puis Marc s’embarque sur un cargo pour une autre ville non identifiée, et là, Agnès, qui ignorait pourtant où il était passé, le rejoint. Ils reprennent tous deux la vie qu’ils avaient à Paris, rasage de moustache y compris...
On sait depuis longtemps que les Français ne savent pas faire du fantastique. Souvenez-vous de Lemming.
Réalisé par Brett Morgen et Nanette Burstein
Sorti aux États-Unis (Festival de Sundance) le 18 janvier 2002
Sorti en France (Festival de Cannes) le 18 mai 2002
Sorti en France le 6 juillet 1995
Plus de trois ans entre la présentation du film à Cannes et sa sortie dans les salles. Le festival de Cannes est puissamment utile aux films intéressants...
« Le jeunot reste dans le film », c’est ce qu’a répondu le producteur Darryl Zanuck aux vedettes (Ava Gardner et Tyrone Power) du film Le soleil se lève aussi, qu’il produisait en 1957, ainsi qu’à l’auteur du livre, Ernest Hemingway : aucun ne voulait de Bob Evans, un débutant, dans le rôle d’un torero. Evans a bien joué dans le film, mais il a laissé tomber la carrière d’acteur trois ans plus tard pour devenir producteur à son tour, à la Paramount très précisément. Il y est resté trente-cinq ans, y est toujours, et a notamment produit Marathon man et Chinatown.
Ce film est un montage adroit, fait à partir de photos et de documents filmés, extraits ou non de films connus. Très intéressant, mais il faut connaître un peu Hollywood et les dessous du milieu si l’on veut en profiter vraiment.
Réalisé par Tim Burton
Titre original : Charlie and the chocolate factory
Sorti aux États-Unis le 10 juillet 2005
Sorti en France et en Belgique le 13 juillet 1995
Après La planète des singes, c’est le deuxième remake de Tim Burton. Plus personnel, bien que l’histoire soit la même que dans le film de Mel Stuart, en 1971 (la fin est modifiée, cependant, et l’histoire allongée pour inclure les deux romans de Roald Dahl), et surtout plus réussi. Le but non dissimulé : se moquer de l’arrivisme en général et des horribles enfants produits par la pseudo-civilisation actuelle en particulier, incarnés par quatre sales gosses ayant gagné, via un concours à fort relent publicitaire, le droit de visiter une fabrique de chocolat plutôt bizarre. Le cinquième enfant qui les accompagne, lui, est un gentil intégral, et pas arriviste du tout, puisqu’il refusera de recevoir l’usine en héritage si, pour cela, on doit le séparer de sa famille pauvre. Mais tout s’arrange à la fin, on n’est pas dans le drame social.
Un déluge d’images de synthèse, quelques clins d’œil cinéphiliques, à Psychose, aux films d’Esther Williams, à Dracula (avec Christopher Lee devenu dentiste !), et surtout à 2001, avec le fameux monolithe noir remplacé par une tablette de chocolat géante. Le tout est plutôt sympathique, puisque les sales gosses recevront chacun la leçon qu’il mérite – et l’on regrette que la petite fille de La guerre des mondes n’en fasse pas partie. Mais pas aussi novateur que les déjà lointains premiers films du réalisateur. Ed Wood reste son chef-d’œuvre.
Réalisé par Matthew Vaughn
Sorti au Royaume-Uni le 1er octobre 2004
Sorti en France le 13 juillet 1995
On reconnaîtrait le film britannique même sans voir le générique, à la façon de raconter cette histoire, sèchement, sans fioritures, sans, surtout, cette fascination pour le gangstérisme, de rigueur quand le film vient de France, des États-Unis ou du Japon. Le trafic de drogue est montré sans la moindre sentimentalité, aucune femme n’est là pour jouer les potiches, et les scènes de violence ne prennent pas l’allure de morceaux de bravoure.
Un trafiquant veut prendre sa retraite, mais il se voit contraint, auparavant, de rendre un dernier service à un autre trafiquant plus important que lui. Les coups fourrés se succèdent – et il serait honnête de reconnaître qu’on ne comprend pas toujours l’intégralité des péripéties –, puis le personnage central atteint son but et se retire des affaires... pour se faire abattre à cet instant par un second couteau. Mais l’ironie de la situation ne se traduit pas dans le style, qui reste glacé.
Réalisé par Jia Zhang Ke
Titre original : Xiao Wu
Sorti en Allemagne (Festival de Berlin) le 18 février 1998
Sorti en France le 13 janvier 1999
Le titre « français » est Xiao Wu, artisan pickpocket, mais on ne voit guère au travail ce pickpocket. Il passe la majeure partie de son temps à fumer, tirant une bouffée toutes les cinq secondes, et à échanger des propos dénués d’intérêt avec sa famille, avec une amie prostituée, avec un ancien ami qui ne l’a pas invité à son mariage et qui se livre au trafic de cigarettes. Tout est laid, on s’ennuie énormément, et ce film ne semble avoir été distribué chez nous, puis ressorti tardivement, qu’afin de prouver que l’Asie ne nous envoie pas seulement des chefs-d’œuvre.
Réalisé par Michelangelo Antonioni, Steven Soderbergh et Kar-Wai Wong
Sorti en Italie (Festival de Venise) le 10 septembre 2004
Sorti en France le 6 juillet 2005
Après Trois... extrêmes, sorti en mai, déjà un film en trois sketches mais cent pour cent asiatique, voici Eros, fâcheusement international. Commençons par la fin.
La main est le sketch signé par Kar Wai Wong, cinéaste très prisé par la critique, et qui a connu la gloire avec In the mood for love, film que je m’étais permis de trouver stupide et d’un ennui mortel. Ici, c’est un peu moins barbant, mais les défauts de ce réalisateur demeurent : son goût pour les décors lugubres sous la pluie et les musiques d’accompagnement prétentieuses, aux cordes en général – travers dont on pensait qu’il était l’apanage des Français. L’histoire ? Une pute de luxe désire se faire faire une robe par son tailleur, un jeune apprenti se présente pour prendre ses mesures, et elle le masturbe afin qu’il s’en souvienne et à l’avenir « lui fasse de belles robes » (sic). Plus tard, elle tombe malade, se retrouve dans la dèche, l’ex-apprenti, devenu son tailleur attitré, lui paye son loyer, et elle le masturbe de nouveau, pour le remercier cette fois. C’est pour cela que le film s’intitule La main, on l’aura compris. Son seul intérêt est de montrer l’art des Asiatiques de raconter suavement des histoires que chez nous on jugerait sans doute « choquantes » (ou, avec gravité, des anecdotes qu’on estimerait ridicules, au choix). Mais nous sommes trop sensibles, ce doit être cela.
Équilibre est dû à Steven Soderbergh, et, des trois, c’est le seul qui offre un semblant d’intérêt, d’ailleurs plutôt relatif. Après un court prologue en couleurs dévoilant une fille nue dans sa salle de bains, la partie centrale, en noir et blanc, montre un psychanalyste qui a un petit problème : son patient ne cesse d’arpenter la pièce au lieu de s’allonger sur le divan ; or le psy n’a qu’un désir, qu’il s’allonge et surtout lui tourne le dos, afin que, pendant ce temps, il puisse lorgner par la fenêtre la fille du prologue, de l’autre côté de la rue. C’est d’autant plus rigolo qu’il finit par obtenir satisfaction, voire, à distance et sans prononcer un seul mot, arracher à la fille un rendez-vous ! Dommage, le film se complète d’un épilogue en couleurs destiné à donner un peu de corps au rêve que le patient racontait au psy. C’est inutile, saugrenu, insatisfaisant, le spectateur s’en fout. On a failli avoir un court métrage réussi, on a un moyen métrage... moyen.
Le problème avec Michelangelo Antonioni, âgé de 93 ans, auteur et réalisateur, il y a quatre ans, du premier sketch tourné, Le périlleux enchaînement des choses (titre tout lelouchien dans sa prétention), c’est qu’il ne me lit pas ! Sinon, il aurait compris que le vieillissement frappe davantage les cinéastes et les écrivains que les peintres et les musiciens (voir la critique de Eyes wide shut), et qu’il aurait mieux fait de ne pas renoncer à sa retraite, consécutive à un mauvais état de santé, pour revenir au cinéma avec une histoire totalement vide, où l’on a la pénible impression que le réalisateur n’a d’autre ambition que de se rincer l’œil avec une fille dansant nue sur une plage, bientôt rejointe par sa rivale dans le même appareil. Jusqu’aux images, qui sont laides. On ne retrouve – un peu – l’Antonioni d’autrefois que dans de rares vues du bord de mer, avec le silence en fond sonore, si je puis dire, et c’est vraiment la portion congrue.
Réalisé par Cédric Kahn
Sorti en France et en Belgique le 20 juillet 2005
Cédric Kahn, le réalisateur de Roberto Succo, réussit presque parfaitement ce conte pour enfants adapté d’une bande dessinée. On ne fera que trois réserves, qui retiennent de classer ce film avec ceux qu’on doit voir absolument. D’abord, l’emploi récurrent de Vincent Lindon, présent dans TOUS les films français, ce qui constitue pour le spectateur perplexe une énigme insondable ; ensuite, une certaine baisse d’intérêt après la séquence très E.T. de l’envol du gamin sur son avion à partir de la terrasse du labo (le spectateur éprouve la même euphorie que lors de l’envol des gosses à vélo dans le film de Spielberg) ; enfin, une erreur de conception, lorsque est donnée une tentative de début d’explication, avec l’image du père mort, photographié près d’un gros caillou, avec la légende « Météorite trouvée dans le désert égyptien, faite d’un corps inconnu et qui pourrait servir à construire l’avion le plus léger du monde ». C’est une boulette évidente : dans un film fantastique, un conte, une fable, on ne doit jamais donner ne serait-ce que le plus petit début d’explication. C’est au spectateur d’entrer dans le jeu. Dans L’ange exterminateur, Buñuel ne dit pas pourquoi les bourgeois ne peuvent pas sortir de la maison ; ils ne peuvent pas, c’est suffisant. Et Hitchcock n’explique pas pourquoi ses oiseaux attaquent les gens, ils les attaquent, un point c’est tout.
Sur France Inter, l’émission Le masque et la plume réunit un petit nombre de critiques de cinéma de tendances variées mais généralement compétents : Danièle Heymann, Alain Riou, Michel Ciment et quelques autres. Il est hélas regrettable de constater que si ces honorables sexagénaires ne disent pas trop de bêtises, on ne peut pas en dire autant de leurs confrères plus jeunes, qu’ils viennent des « Inrockuptibles » ou des « Cahiers du Cinéma ». Et chez ceux-ci, le défaut le plus fréquent est de prendre leurs fantasmes pour des réalités. C’est parfois rigolo.
La dernière perle a été proférée à propos de La guerre des mondes, le film de Spielberg récemment sorti. L’un des participants de l’émission, qu’on aura la charité de ne pas nommer ici, y a vu une charge « violemment anti-Bush ». Et, certes, il est connu que le milieu hollywoodien est à quatre-vingt-dix pour cent démocrate, donc opposé au Président actuel. Est-ce à dire que cette vision passe dans les films qui sont réalisés à Los Angeles ? Voire !
Il faut ne rien connaître au cinéma en général et aux mœurs d’Hollywood en particulier pour imaginer que les films tournés là-bas sont des machines militantes visant à éduquer politiquement le peuple ! Certes, quelques acteurs connus ont fait campagne contre Bush, ou simplement « pris position », comme on dit : Sean Penn, Susan Sarandon, Tim Robbins, Matt Damon, Leonardo DiCaprio et deux ou trois autres. C’est sympathique, on leur en sait gré, mais cela implique-t-il que leurs opinions politiques passent dans les films qu’ils interprètent ? On peut en douter (chez les réalisateurs, pas davantage, du reste ; laissons de côté Michael Moore, qui n’est pas dans le système et ne travaille pas à Hollywood).
Pour ne prendre que deux exemples frappants, John Wayne était connu comme très à droite politiquement ; cela ne l’a pas empêché de jouer dans The searchers (en français, La prisonnière du désert), de John Ford, lui-même homme de droite, alors que ce film fut une œuvre célèbre pour son antiracisme. Quant au beau Leo, homme de gauche notoire, ses convictions ne l’ont pas retenu d’interpréter dans Aviator (de Scorsese, censé homme de gauche également) le trop fameux Howard Hugues, ordure raciste et antisémite, que le film exonérait totalement de cette souillure !
Eh oui, ne mélangeons pas le business et les idées. À Hollywood, on ne fait pas de politique, on gagne de l’argent. Il en a toujours été ainsi, et ce n’est pas près de changer.
Réalisé par Edgar Wright
Sorti au Royaume-Uni le 29 mars 2004
Sorti en France le 27 juillet 2005
Le titre est une référence phonétique à Dawn of the dead, le deuxième film de George Romero sur les morts-vivants, mais il n’est pas certain que les spectateurs français perçoivent cet écho, puisque ce film a été distribué chez nous sous le titre passe-partout de Zombie. En tout cas, c’est une idée amusante que de traiter sur le mode comique ce thème classique du cinéma d’horreur, avec des ringards en guise de personnages centraux. Comme on n’entre que très lentement dans le vif du sujet, le spectateur a le temps de se délecter à la progression du récit. En effet, les morts-vivants sont pris d’abord pour des pochards ou des drogués par Shaun et son copain le gros dégueulasse, eux-mêmes pas très frais ! L’histoire culmine durant la bagarre dans le pub entre les vivants et les zombies, sur une chanson de Queen, Don’t stop me now (la meilleure). Ensuite, évidemment, lorsque Shaun est obligé de tirer une balle dans la tête de sa propre mère devenue zombie, on rit un peu moins, et la scène du dépeçage de David est sans doute de trop.
L’épilogue redresse la barre en laissant entendre que les jeux télévisés de l’ère post-zombie sont eux aussi peuplés d’êtres pas beaucoup plus humains que les morts-vivants éliminés par l’Armée. Le film est britannique, bien entendu.
Arte diffuse ce soir Mata-Hari, agent H 21. Le film est réalisé en 1964 par Jean-Louis Richard (premier mari de Jeanne Moreau). Scénario et dialogues de François Truffaut. Extrait du dialogue :
– Je ne sais pas quoi dire, déclare Jean-Louis Trintignant.
– Eh bien ne dites rien, répond Jeanne Moreau.
Quatre ans plus tard, effet d’écho, François Truffaut réalise La mariée était en noir. Scénario et dialogues de Jean-Louis Richard (premier mari de Jeanne Moreau). Extrait du dialogue :
– Je ne sais pas quoi dire, déclare Michel Bouquet.
– Eh bien ne dites rien, répond Jeanne Moreau.
Nous avons les meilleurs dialoguistes du monde.
Réalisé par Doug Liman
Sorti au Koweit et aux États-Unis le 7 juin 2004
Sorti en France le 27 juillet 2005
Après les TALC (Titres À La Con), il va falloir créer les TM (Titres Malencontreux). En effet, celui-ci était déjà pris par une comédie d’Alfred Hitchcock, en 1941, avec Carole Lombard et Robert Montgomery, et par une série de télévision de 1996, mettant également en scène, comme ici, un duo d’espions. Pas nouveau non plus, le sujet : en 1991, La totale !, avec Miou-Miou et Thierry Lhermitte, en ménage d’agents secrets dont chacun ignorait les activités de l’autre, avait ensuite suscité une nouvelle version, True Lies, due à James Cameron. Quant aux scènes de ménage meurtrières, Danny DeVito, avec La guerre des Rose, en 1989, était allé aussi loin que possible, avec une tout autre force.
On a donc, avec la présente production de série – uniquement destinée à profiter de la publicité offerte par un nouveau couple hollywoodien en formation –, un ratage complet. Après un début passable, le film verse dans la castagne et la pyrotechnie, et n’offre plus le moindre intérêt. Le réalisateur semble croire que l’accumulation remplace l’imagination, et, lorsqu’il tient un gag, le répète sans voir que l’effet se trouve éventé. Un exemple : le morceau de bravoure final est un massacre dans un grand magasin, où Brad Pitt et Angelina Jolie flinguent à tout va ; puis ils décident de changer d’étage et prennent un ascenseur. Là, pause, silence et... musique d’ascenseur (The girl from Ipanema), puis le carnage reprend à l’étage au-dessus. Oui, mais, vingt secondes plus tard, on nous refourgue exactement le même gag, sans la plus petite variation. Résultat, si on a ri la première fois, on ne rit plus la seconde fois. C’est de l’amateurisme.
Sites associés : Yves-André Samère a son bloc-notes 122 films racontés
Dernière mise à jour de cette page le mardi 8 septembre 2020.