Œuvres citées (en italiques, autres que des films) : Les briseurs de barrage – L’investigateur – A nyomozó – Jar City – Tu n’aimeras point – Un prophète – The reader – À propos d’Elly – Darbareye Elly – Goodbye Solo – Chop shop – Les tontons flingueurs – Maigret tend un piège – Le train de 16 h 50 – Murder she said – 4.50 from Paddington – Le crime est notre affaire – Singularités d’une jeune fille blonde – Singularidades de uma Rapariga Loura – Ordinary people – District 9 – Transformers – The cove – Humpday – Rien de personnel – Ressources humaines – Victim – Citizen Kane
Personnes citées : Michael Anderson – Attila Galambos – Attila Gigor – Jacques Audiard – Michel Audiard – Tahar Rahim – Asghar Farhadi – Ramin Bahrani – Georges Lautner – Queen – Jean Delannoy – Agatha Christie – Pascal Thomas – Margaret Rutherford – Lino Ventura – Manoel de Oliveira – Claude Debussy – Luc Besson – Steven Spielberg – Vladimir Perišić – Luc Besson – Louie Psihoyos – Lynn Shelton – Roman Polanski – Oscar Wilde – Basil Dearden – Peter McEnery – Dirk Bogarde – Pierre-Ange Le Pogam – Christophe Lambert – Orson Welles – James Cameron
Hier soir, la télévision passait un bon film britannique de Michael Anderson, Les Briseurs de barrage, datant de 1954, et que je n’avais encore vu qu’en version doublée. Cette fois, elle était sous-titrée. Or l’un des personnages avait un chien noir, qu’il avait appelé Nigger, et ce nom revenait une bonne dizaine de fois dans le dialogue, très distinctement. Ce mot signifie « nègre », et il ne choquait personne en 1954.
Or le sous-titrage devait être récent, car le sous-titreur a visiblement renâclé devant l’obstacle. De sorte que, chaque fois qu’un personnage disait « Nigger » sur la bande sonore, on pouvait lire « Trigger » dans les sous-titres !
Ce qui serait passé inaperçu dans le contexte devenait ainsi visible comme le mensonge ruisselant sur la face d’un homme politique.
Réalisé par Attila Galambos
Titre original : A nyomozó
Sorti en Hongrie (Hungarian Film Week) en janvier 2008
Sorti en France le 19 août 2009
Attila Galambos (ou Attila Gigor, il porte les deux noms) n’a que 31 ans, il a comme réalisateur quatre films à son actif, et en a écrit tous les scénarios. Il est aussi acteur. Le présent film conte l’histoire de Malkáv, qui fait des autopsies dans un hôpital – alors que, détail curieux, rien n’indique qu’il soit médecin. Peu liant, pas du tout expansif, il doit faire opérer sa mère agonisante, mais n’a pas d’argent. Or un type bizarre, un borgne qu’il surnomme aussitôt « le Cyclope », lui propose la somme nécessaire pourvu qu’il tue quelqu’un, un inconnu. Il s’exécute, ou plutôt il exécute sa victime, en l’égorgeant avec un de ses instruments de travail. Mais voilà qu’il reçoit une lettre que sa victime, Ferenc, lui avait écrite juste auparavant : c’était son demi-frère, dont il ignorait l’existence (il avait déjà une demi-sœur, qui vit comme eux à Budapest), et qui désirait faire sa connaissance. Malkáv, dès lors, veut savoir pourquoi on lui a demandé de tuer cet homme, et surtout, qui a commandité le crime. Le reste du film constitue son enquête, avec ses errances et ses fausses pistes, jusqu’à la révélation finale : c’est leur demi-sœur qui a tout manigancé pour être seule à toucher l’héritage de leur père.
Le film est comme le personnage, très froid, mais il est ingénieux et précis. L’atmosphère est un peu celle de Jar City, ce film islandais dont il a été question il y a juste un an. On est très loin des films hollywoodiens ou du piètre cinéma français.
Réalisé par Haim Tabakman
Titre original : Einaym Pkuhot ou Eyes wide open
Sorti en France (Festival de Cannes) le 20 mai 2009
Sorti en France le 2 septembre 2009
Aaron, quadragénaire marié, père de famille, rouvre la boucherie de son père mort, et engage bientôt Ezri, un étudiant venu d’ailleurs et qui a trouvé fermée l’école où il désirait s’inscrire. Bientôt, ils tombent amoureux. Mais Ezri a été précédé par sa mauvaise réputation, et tout le quartier presse Aaron de le renvoyer. Comme Aaron est réticent, on lapide sa boutique, puis des jeunes Juifs orthodoxes et très excités tabassent Ezri, qui comprend et s’en va.
C’est un pamphlet contre les préjugés religieux, particulièrement vivaces à Jérusalem, alors que la situation évoluerait sans doute différemment à Tel-Aviv. Film estimable donc, ce qui ne veut pas dire attrayant. D’abord, les deux interprètes ne sont guère attirants, surtout l’aîné ; on peine donc à se mettre à leur place, mais c’est un détail. Et puis, la musique atonale en fait trop pour souligner le côté lugubre du drame, par ailleurs très bien réalisé. Enfin, le dénouement est un cliché : après le départ d’Ezri, Aaron va prendre un bain rituel dans une source, il plonge sous l’eau, et ne reparaît pas. Suicide ? C’est pourtant une abomination, pour un Juif religieux. Cette fin ambigüe ressemble fort au procédé courant qui consiste, pour un réalisateur, à ne pas se prononcer pour donner une fin à son histoire, et à laisser le spectateur choisir le dénouement qu’il veut. Ce refus de se mouiller, de la part des auteurs, flatte les snobs qui n’aiment rien tant que les « fins ouvertes », et il est on ne peut plus agaçant.
Ajoutons que le film est tellement froid que le spectateur n’entre à aucun moment dans cette histoire.
Réalisé par Jacques Audiard
Sorti en France (Festival de Cannes) le 16 mai 2009
Sorti en France le 26 août 2009
– Regarde, Icham, c’est Malik, ton parrain.
Ah bon ? Ils ont des « parrains », les enfants musulmans ? Si j’étais d’une nature moqueuse (mais vous savez que ce n’est pas mon genre), j’écrirais que Jacques Audiard souffre du même défaut que la quasi-totalité des scénaristes français, il ne se documente pas sur les milieux qu’il décrit. Voyez plutôt son mitard de la prison centrale, dans l’avant-dernière séquence : douze mètres carrés, une verrière laissant entrer le jour, plusieurs couvertures et un oreiller pour dormir... Il m’est arrivé d’être incarcéré dans une cellule bien pire que celle-là !
Cela dit, ce cinquième long-métrage du fils de Michel est le meilleur de ceux qu’il a réalisés. Son Malik, jeune Arabe quasi-illettré (un de plus, après The reader. Nouvelle tendance du cinéma ?), est incarné par un interprète inconnu – il n’a joué que dans un téléfilm, et tenu un petit rôle dans un long-métrage resté confidentiel –, mais plus doué que la moyenne des acteurs français, Tahar Rahim, 28 ans, qui est pour beaucoup dans l’intérêt qu’on porte au film. Hélas, cette ascension d’un naïf emprisonné qui, de moins en mois naïf, tente de se hisser au niveau d’un caïd grâce à la protection inattendue du clan corse, avant de le trahir et de passer du côté des musulmans intégristes, souffre de durer au moins trois quarts d’heure de trop, et l’on finit par se lasser devant l’abondance des péripéties, qui d’ailleurs deviennent un peu obscures vers la fin.
Et puis, cet éternel cliché de la « fin ouverte »... Malik sort de prison, mais, sans qu’il s’en aperçoive, trois grosses bagnoles le suivent au pas. On imagine que, depuis sa prison, César Luciani a déjà lancé quelques sbires pour lui faire payer sa trahison. Franchement, ce n’est pas très surprenant. Le scénariste n’a rien trouvé de plus original ?
Réalisé par Asghar Farhadi
Titre original : Darbareye Elly
Sorti en Allemagne (Festival de Berlin) le 7 février 2009
Sorti en France le 9 septembre 2009
Film iranien. Un petit groupe d’amis trentenaires passent trois jours au bord de la Mer Caspienne. L’une des femmes a invité Elly, l’institutrice de sa fille, sans même connaître son nom de famille, avec l’intention de lui faire rencontrer l’un des hommes, qui vient de divorcer de sa femme en Allemagne. Mais, dès le lendemain matin, Elly disparaît. S’est-elle enfuie après avoir été vexée par un mot malheureux, ou s’est-elle noyée ? Sur son téléphone mobile figure le numéro de son frère, qu’on appelle, mais il s’avère qu’Elly avait menti, elle n’a pas de frère et il s’agit de son fiancé, dont elle voulait se séparer – ce pour quoi elle a accepté l’invitation, comportement qui choque beaucoup dans ce pays.
La première demi-heure semble insignifiante, on se croirait dans un film de vacances, jusqu’à ce que survienne cette disparition, dont on saura peu avant la fin qu’elle était bien due à une noyade. Alors commence une enquête, faite par les protagonistes eux-mêmes (il n’y a aucun enquêteur), avec sa moisson d’états d’âme, d’incertitudes, de découvertes, et de mensonges enfin révélés.
On a un peu l’impression d’une pièce de théâtre, qui ferait en même temps office de révélateur à propos des mœurs iraniennes, que souvent l’on comprend mal. Les acteurs sont très bons. Le réalisateur en est à son quatrième film, dont il a écrit tous les scénarios, et ce film subtil lui a valu l’Ours d’Argent au festival de Berlin, ce qui semble bien mérité.
Réalisé par Ramin Bahrani
Sorti en Italie (Festival de Venise) le 31 août 2008
Sorti en France le 9 septembre 2009
Pourquoi ce film, beau et intelligent, sort-il cette semaine dans seulement trois salles à Paris, dont un placard à balais ?
Souleymane, dit Solo, est né à Dakar, mais fait le chauffeur de taxi aux États-Unis, en Caroline du Sud. Il vit avec une Mexicaine qui attend un bébé de lui, et qui supporte mal de le voir travailler la nuit – donc dormir le jour –, et il aime beaucoup la fille de sa compagne, Alex, une petite fille très intelligente. Solo est ouvert et serviable, et ambitionne de devenir stewart, ce pour quoi il prépare activement son entretien d’embauche... auquel il se fera recaler.
Mais voici qu’un vieillard aigri et bourru, William, l’engage comme chauffeur et lui demande, contre forte rétribution, de l’emmener le 20 octobre suivant au sommet d’une montagne, Blowing Rock, où le vent est tel qu’un bâton jeté depuis le sommet grimpe au ciel, dit-on, au lieu de tomber dans le vide. Solo se prend d’amitié pour cet homme mystérieux, qui va souvent dans un certain cinéma et garde la photo du jeune caissier dans son portefeuille : s’agirait-il de son petit-fils, alors que l’homme a prétendu n’avoir jamais eu d’enfant ? Et puis, pourquoi a-t-il quitté son appartement sans presque rien emporter, puis soldé ses comptes à la banque ? William envisage-t-il de se suicider ?
Le film est chaleureux comme son personnage principal, et la fin revêt presque un caractère surnaturel. Son réalisateur, qui a 34 ans, en est à son sixième film, dont il a écrit tous les scénarios, et on avait vu de lui Chop shop il y a deux ans. Il ne filme pas pour ne rien dire.
Ce matin sur France Inter – la radio qui s’applique à ne diffuser que des informations fausses –, un zozo, qui croit faire une émission d’humour parce qu’il s’y chatouille pour se faire rire, nous apprend que ressort en salles un film de Georges Lautner, Les tontons flingueurs, un peu vite qualifié par lui de « chef-d’œuvre » (bof...), et que cette fois le film est projeté « en haute définition ».
C’est la définition de la haute définition par ce clown qui manque de hauteur. Voyons un peu.
La définition d’une image n’a de sens qu’en vidéo, pas sur pellicule. L’enregistrement en vidéo se fait sur des supports magnétiques : bandes, disques ou cartes de mémoire-flash. Là, les points qui composent l’image (les « pixels ») sont tous de même taille et bien alignés, en colonnes et en lignes. C’est le nombre de points par ligne et par colonne qui, euh... définit la définition de l'image.
Dans le format dit « simple définition », abrégé en « SD », utilisé sur les téléviseurs anciens et qui tendent à disparaître, ainsi que sur le DVD ordinaire, on a un maximum de 720 points par ligne et 576 par colonne, donc l’écran entier compte au maximum 414 720 points – mais on peut en avoir moins, le cas échéant. Si le film doit être vu au format 16/9 tellement populaire, le nombre de points n’augmente pas, le téléviseur se contente d’étirer les points en largeur, ils ne sont plus carrés, mais l’œil ne perçoit pas la différence.
Dans le nouveau format dit « haute définition », celui adopté sur le Bluray qu’on visionne sur des téléviseurs « HD », la norme est de 1920 points en largeur sur 1080 points en hauteur, donc un écran entier compte 2 073 600 points, exactement cinq fois plus qu’en simple définition. C’est clair, simple et sans bavure.
Or les films de cinéma antérieurs à ces techniques ont été tournés sur de la pellicule, et la notion de « nombre de points par ligne et par colonne » n’a plus aucun sens, car la taille des points composant l’image est très variable à l’intérieur d’une même image. C’est que, non seulement les détails de l’image sont fonction de la qualité de l’objectif qui a été utilisé lors de la prise de vue, mais aussi, lesdits points, sur la pellicule, sont physiquement constitués par des grains de sels d’argent, dont la taille est due au hasard et à la sensibilité de la pellicule : une pellicule sensible (on dit aussi « rapide ») est celle qui réclame peu de lumière, mais ces grains y sont gros, tandis qu’une pellicule réclamant davantage de lumière, moins sensible (on dit aussi « lente ») possède des grains plus fins. En outre, même au sein d’une émulsion de qualité donnée, la taille des grains n’est pas uniforme, elle est aléatoire car conditionnée par les réactions chimiques. Il est donc impossible de dire combien il y a de grains, c’est-à-dire de pixels, par ligne et par colonne.
Sachant cela, il est tout à fait évident que si l’image peut être dégradée par des retirages successifs ou un traitement chimique médiocre, il est complètement impossible de l’améliorer : comment créer des détails qui n’ont pas été enregistrés par la caméra lors de la prise de vue ?
De sorte que tout film sur pellicule est, par défaut, à sa définition maximale lors de sa sortie en salles, et que jamais on ne pourra obtenir mieux. Si une salle de cinéma annonce qu’elle projette un film en haute définition, il s’agit d’une tromperie : les exploitants, en fait, espèrent que le public confondra la définition en vidéo (soit celle du DVD ordinaire, soit celle du Bluray) et la définition du film lui-même, sur la pellicule.
Comment la chaîne de télévision Arte établit ses programmes, c’est un mystère. Tantôt, c’est le meilleur, par exemple avec la diffusion du concert de Queen au stade de Wembley, tantôt c’est le pire.
Mais avant de parler des programmes, un mot sur la technique.
Avec l’extension du format 16/9 et la quasi-disparition des anciens téléviseurs au format 4/3, beaucoup de chaînes de télé ont adopté un procédé ingénieux : sachant que toutes les émissions ne sont pas au format 16/9 et qu’une infinité de films anciens restent au format 4/3 – et devraient théoriquement y rester si on respecte la propriété artistique –, la technique permet un basculement automatique des téléviseurs vers le bon format, sous réserve qu’on ait choisi le format 16/9 par défaut. Alors, en pratique, sans que le téléspectateur ait à intervenir, si le film est en 4/3, l’écran se met tout seul à ce format ; si le film est en 16/9, le téléviseur zoome automatiquement, et il étire les pixels en largeur (lire la notule précédente). Cela fonctionne très bien, notamment, sur les six chaînes Ciné Cinéma, filiales de Canal Plus.
Mais pas sur Arte !
Ainsi, hier soir, le film de Jean Delannoy Maigret tend un piège, qui date de 1957 et relève par conséquent du format 4/3, a été diffusé en zoomant, c’est-à-dire que l’image a été grossie dans les quatre directions... de sorte que manquait à l’écran les parties haute et basse de l’image ! Pour revenir au format correct, il fallait passer par les réglages par défaut du téléviseur et opter pour le format désuet 4/3. Et cela, pour le temps du film seulement. Si l’on ajoute à cette carence le problèmes des sous-titres dont j’ai déjà parlé, cela démontre la totale incapacité d’Arte à se conformer aux critères d’une diffusion correcte. Déjà, pour ma part, je n’y regardais plus que les films français, qui n’ont pas besoin de sous-titres. Si Arte ne sait pas non plus se tirer d’affaire avec les formats d’image, pourquoi continuer à regarder cette chaîne ?
Passons aux programmes. Ce soir sera diffusé un film de 1961, Le train de 16 h 50, en anglais Murder she said, tiré d’un roman d’Agatha Christie, 4.50 from Paddington. Curieusement, ce roman a également été porté à l’écran cette année par Pascal Thomas, sous un titre et avec des personnages n’ayant rien à voir avec le livre, mais plutôt avec un autre complètement différent, un recueil de nouvelles du même auteur, et intitulé Le crime est notre affaire. J’ai mentionné cette étrangeté quand le film est sorti. Dans Murder she said, qui sera donc diffusé ce soir, l’héroïne est la célèbre miss Marple, qu’on a eu la très mauvaise idée de faire interpréter par Margaret Rutherford, sorte de dragon pulvérisant tout sur son passge, et plus proche de Lino Ventura en rogne que de la vraie miss Marple, charmante vieille dame qui vit dans un village où les préoccupations des habitants tournent autour de la cérémonie du thé à cinq heures et de la kermesse paroissiale, ce qui fait précisément tout le charme de ces romans.
Inutile de dire que, lorsque le film est sorti (on en a fait plusieurs avec la même interprète), Agatha Christie a totalement désavoué ce qu’on avait fait de son œuvre. Arte ne pouvait donc pas choisir plus mal pour illustrer Agatha Christie. Les héros de la romancière ont pourtant eu de bons interprètes, jamais au cinéma, mais à la télévision britannique : Joan Hickson pour miss Marple (elle est malheureusement morte en 1998), et David Suchet pour Hercule Poirot.
Réalisé par Manoel de Oliveira
Titre original : Singularidades de uma Rapariga Loura
Sorti en Allemagne (Festival de Berlin) le 10 février 2009
Sorti en France le 2 septembre 2009
On ne parlerait pas beaucoup de ce film court (1 heure et trois ou quatre minutes) s’il n’était dû à Manoel de Oliveira, qui a eu cent ans le 11 décembre dernier. Autre « singularité » du film, il est sans musique, hormis une pièce de Debussy jouée à la harpe lors d’un bien inutile concert privé. Et puis, sauf erreur, la caméra ne bouge jamais.
Bref, à Lisbonne, Macário, joué par le petit-fils du metteur en scène, est comptable dans le magasin de vêtements dont son oncle, un homme plutôt sévère, est propriétaire. Mais Macário tombe amoureux d’une jeune fille qu’il voit à sa fenêtre depuis son bureau ; elle est blonde et joue avec un éventail garni de plumes bleues. Il parvient à faire sa connaissance, mais, lorsqu’il déclare à son oncle et patron qu’il veut se marier, l’oncle lui donne le choix entre rester célibataire ou quitter son emploi. Macário quitte son emploi, et part au Cap-Vert pour faire fortune. Il revient avec pas mal d’argent, mais se porte garant pour un ami qui a voulu lancer son entreprise et qui, un peu escroc, prend la fuite et le contraint ainsi à la ruine. Macário veut alors repartir au Cap-Vert pour y refaire fortune, mais son oncle, qui a changé d’avis, le presse cette fois de rester et de se marier avec sa belle. Tout va donc au mieux, jusqu’à ce qu’il découvre que sa fiancée est une voleuse. Il rompt aussitôt. Fin du film.
Tout cela est raconté en flashback par Macário, à une inconnue rencontrée dans un train. C’est donc très romanesque, et pourrait sembler ennuyeux aux admirateurs de Luc Besson ou de Spielberg. Mais enfin, le film est reposant, cela ne fait pas de mal de temps à autre. Je n’ai vu aucun autre film signé Oliveira, par conséquent je réserve mon opinion. À son âge, il a le temps d’en faire d’autres !
Réalisé par Vladimir Perišić
Sorti en France (Festival de Cannes) le 15 mai 2009
Sorti en France le 26 août 2009
Six films, dont un téléfilm, portent ce nom ! Pourrait-on se creuser les méninges, chez les distributeurs ? Celui-ci n’est sorti qu’en France et dans des festivals. Pourtant, il est du plus grand intérêt.
Nous sommes en Serbie, pendant la guerre, et nous suivons Dzoni, jeune soldat (il doit avoir 19 ans et il est pourvu d’une bonne tête), qui vient à peine de terminer sa formation. Avec son peloton, on l’envoie dans une maison isolée au milieu des bois, car il y a du travail en vue : fusiller des prisonniers. On leur montre comment faire, puis on leur ordonne d’y aller. « Je peux pas », objecte Dzoni. « Qu’est-ce que tu dis ? », demande le chef, même pas menaçant. Dzoni ne répond rien, et il y va.
Après avoir fusillé son premier prisonnier, Dzoni se détourne, honteux. Le deuxième, il l’abat sans rechigner. Lorsque le troisième ne veut pas prendre la pose du fusillé modèle, à genoux et le dos tourné, il l’assomme de quatre coups de crosse. Le quatrième, il va le chercher lui-même dans le groupe de prisonniers. C’est un enfant. Il le pousse, le bouscule, le conduit dans un champ et le tue sans hésiter.
Au soir, dans le bus militaire qui les ramène à la caserne, il demande à son copain combien il en a tué. « J’en sais rien, répond le copain, autant que les autres ». Sur place, on leur dit qu’il reste des prisonniers dans le centre culturel, mais tous refusent, ils sont fatigués. Alors, on leur donne quartier libre, et Dzoni va prendre un café, seul. Pour la centième fois de la journée, il regarde ses mains.
C’est un film terrible dans son absence de fioriture et sa lenteur, puisqu’il ne mise pas sur l’action. Aucune musique. Il fait très chaud, les hommes boivent de l’eau sans arrêt, ne disent presque rien, ne commentent pas ce qu’ils font. Le thème n’est pas l’obéissance aveugle, comme beaucoup l’ont cru. Le thème, c’est le fait qu’on s’habitue à l’horreur, que la guerre change ceux qui la font, et pas seulement les victimes. On le savait, mais il faut le répéter sans cesse.
Réalisé par Neill Blomkamp
Sorti en Australie, au Kazakhstan, en Malaisie, en Nouvelle Zélande, en Russie, à Singapour et en Ukraine le 13 août 2009
Sorti en France le 16 septembre 2009
Les éloges ont plu sur ce film, parce qu’il est réalisé par un jeune Sud-Africain débutant – c'est son premier long-métrage, mais il a fait quelques courts-métrages – , parce qu’il est produit par Peter Jackson, et pour une foule de raisons aussi bonnes les unes que les autres. Désolé, je ne marche pas.
Pourtant, l’intention était louable : « revisiter » – comme disent les gens qui ont de l’imagination et fuient les clichés – le thème de l’être différent et qui se voit discriminer. Via, cette fois, le film de science-fiction, les discriminés étant des extra-terrestres. Bref, un immense vaisseau spatial tombe en panne au-dessus de la ville de Johannesburg, et les habitants du coin, montés y voir de plus près, trouvent une population dans un état pitoyable : tous les aliens sont malades et vivent entassés (ils sont un million huit cent mille !), si bien qu’on les débarque sur la terre ferme... et qu’on les parque dans des camps, où ils ont le mauvais goût de ne pas rester. Bientôt, les voilà considérés comme des gêneurs, et, au bout de vingt ans (!), on décide de les reléguer un peu plus loin, dans un « District 9 » fait de tentes minuscules, créé à leur intention. Encore faut-il le leur faire savoir et les y contraindre, mission qui échoit à un fonctionnaire médiocre nommé Wikus Van De Merwe. Évidemment, les choses tournent mal, et Wikus va regretter cette promotion... qu’il ne devait qu’au fait d’être marié à la fille du haut personnage qui l’a nommé à ce poste !
Le film mêle le bon et le (très) mauvais. Le bon, c’est ce que je viens de résumer, c’est-à-dire l’idée, la conception de l’histoire. Le mauvais, c’est la lenteur de l’exposition et de la plupart des scènes, qui durent deux fois trop longtemps ; l’extraordinaire laideur des images, des décors et des personnages (les aliens sont proches des crevettes !) ; la musique, qui est une soupe indigeste ; la caméra portée, qui tend à donner au film un caractère de reportage ; et le dernier tiers du film, qui démarque les Transformers et vous inflige une demi-heure de combat entre humains militarisés, aliens et robots, festival d’explosions et de carnage débile, dans un vacarme assourdissant qui donne à penser qu’un autre réalisateur a entre-temps pris le relais.
Quant à la conclusion, elle montre clairement que le scénariste, comme beaucoup de ses compères, ne savait pas de quelle manière finir son histoire : le vaisseau spatial repart, avec à son bord un alien, nommé Christopher Johnson (sic), lequel promet de revenir « dans trois ans » pour réparer la main de Wikus (elle a été transformée en pince), mais Wikus est entièrement devenu crevette, par contagion !
Vu l’affiche du film The cove, qui sortira dans deux semaines. On peut y lire le titre, évidemment, surmonté de la mention, sur deux lignes, « Luc Besson présente ». Admirez-la ici. Oui mais...
La tonalité de l’affiche va du bleu au noir, avec un peu de rouge en haut. Le titre, très gros, est blanc, et le nom de Luc Besson aussi, très visible. En revanche, le mot présente, minuscule et en gris pâle, est quasiment illisible. Je vous invite aussi à chercher le nom du réalisateur, un certain Louie Psihoyos. Pour le trouver, il m’a fallu une loupe puissante et trois minutes de recherches (il est en bas, tout à la fin de la troisième ligne, en bleu sur fond bleu, ce qui facilite évidemment son repérage).
Bref, tout le monde va penser que Luc Besson est l’auteur du film.
Je signale que mes recherches sur Internet démontrent que cette honnête manipulation n’a eu lieu que sur les affiches françaises. À l’étranger, Luc Besson n’est mentionné nulle part, ce qui signifie tout simplement qu’il n’est même pas producteur du film, et qu’il s’est contenté de le distribuer en France.
Luc Besson est aussi modeste qu’Alain Delon.
(NB : Le titre français est La baie de la honte. « De la honte », vous n’avez pas rêvé)
Réalisé par Lynn Shelton
Sorti aux États-Unis (Festival de Sundance) le 16 janvier 2009
Sorti en France (Festival de Cannes) le 15 mai 2009
Sorti en France le 16 septembre 2009
Encore un navet qui se fait encenser dans les journaux.
Mais évacuons, comme on dit sur les sites bien écrits (pas ici, par conséquent), la question des sous-titres français. Ce film est tombé sur un traducteur intoxiqué à l’argot, qui traduit I love you par « Je te kiffe » ou « Tu déchires », What are you talking about? par « Tu déconnes ? », Something amazing par « Un truc de ouf », et ainsi de suite. Tant pis si des personnages qui parlent normalement dans leur langue d’origine se mettent à jargonner en français, il faut bien caresser les djeunz dans le sens du poil. Mais le traitement n’améliore pas le film, déjà bien mal en point.
En effet, la réalisatrice est du genre à tout filmer en caméra portée, de très près (le plan large, connaît pas), et en suivant tous les mouvements des visages, comme à la télé. Ainsi, quand un personnage boit un verre, la caméra suit le trajet du verre, scrupuleusement, de la table à la bouche, puis, lorsqu’il repose le verre, de la bouche à la table, sans louper une milliseconde de la trajectoire. Très intéressant...
Le scénario ? Comme souvent, il est conceptuel, c’est-à-dire qu’on part d’une idée, unique, sans se préoccuper ensuite du traitement, parce qu’on pense avoir fait l’essentiel dès l’origine. Ici, à l’occasion d’un festival de films pornos organisé par un journal, deux copains hétéros décident de se filmer couchant ensemble. C’est de l’Art, ça, coco ! Or, comme, dès la première minute, il est évident qu’ils vont se dégonfler, le reste du film se perd en conversations interminables et insipides, destinées à nous conduire à ce glorieux dénouement.
Le film n’est même pas sauvé par les acteurs, bien peu attrayants. Mais, certain du résultat, je suis allé vérifier : il a obtenu, comme je m’y attendais, le Prix Spécial du Jury au Festival de Sundance, attribué à sa réalisatrice « pour son esprit d’indépendance », sic. Plus une nomination pour le Prix du Grand Jury. Quand on sait que Sundance est la Mecque des fausses audaces et du politiquement correct au cinéma...
Réalisé par Mathias Gokalp
Sorti en France (Festival de Cannes) le 15 mai 2009
Sorti en France le 16 septembre 2009
Le titre est une référence au personnel des entreprises, qu’aujourd’hui on a hypocritement rebaptisé « ressources humaines ». Et c’est au film portant ce titre que celui-là fait penser, car le sujet est très voisin. Seulement voilà...
Cela commence en drame et finit en comédie : le personnel d’une entreprise fabriquant des produits pharmaceutiques a été invité à une soirée, dont le prétexte est pseudo-humaniste : se connaître les uns les autres. En fait, évaluer qui va être renvoyé, car le PDG, Philippe Muller, compte vendre ses parts dans un délai de dix mois, et le repreneur, s’il désire garder le personnel fabricant, entend bien faire des coupes claires chez les cadres. On a donc engagé des acteurs pour piéger, et par conséquent choisir, les futurs licenciés. Quand la soirée se termine, le PDG, qui auparavant chantait du Chabrier pour distraire ses invités (!), a été enfermé accidentellement dans les toilettes et on refuse de le délivrer, et le dossier des licenciements atterrit entre les mains d’un homme que les vigiles ont pris pour le patron – en réalité, un simple employé (polonais) du service d’entretien. Le dossier explosif finira chez le responsable syndical du personnel...
On finit par s’amuser, quand on a compris, mais le début est assez obscur, parce que le réalisateur et sa scénariste ont opté pour une façon plutôt tarabiscotée de raconter cette histoire : quelques scènes clés sont racontées plusieurs fois, donc les retours en arrière abondent, qui fournissent chaque fois les détails qu’on nous a cachés antérieurement. Autrement dit, on fait de la rétention d’information, non parce que c’est nécessaire, mais parce que les deux auteurs trouvent cela plus intéressant. Libre à eux, mais on rappellera que Ressources humaines, via un récit linéaire, exposait très clairement la lente montée d’un drame moral auquel le spectateur participait, ce qui n’est pas le cas ici. Bref, on reste extérieur, et le but, la prise de conscience du spectateur, n’est pas atteint.
Faute d’émotion – surtout, n’y voyez rien de personnel –, demeure néanmoins le divertissement, qui n’est pas négligeable.
Non, il n’y a pas de faute d’orthographe dans le titre ! Il ne s’agit pas d’un coffret contenant quelques films de Polanski, mais de Polanski lui-même, que la police suisse a hier embastillé lors de son arrivée dans ce pays, dont on sait combien les policiers sont brutaux avec les étrangers riches et célèbres.
Polanski devait assister à un festival à Zürich, où l’on passait une rétrospective de ses films. Hélas, il avait oublié que ces sauvages de Suisses extradaient vers les États-Unis les individus recherchés là-bas, sous réserve qu’on le leur demande, ce qui était bien le cas. Et, recherché, il l’était depuis 1978, époque de son viol d’une fille de treize ans qu’il avait droguée... dans la maison de Jack Nicholson (prêtez donc votre maison à un ami).
Par l’intermédiaire de son avocat, il avait bien tenté de négocier pour faire ramener les chefs d’inculpation à des simples relations sexuelles illicites, mais, comme le viol s’est tout de même doublé de sodomie, cette exigence a eu du mal à passer, si je puis dire. Depuis, Polanski évitait les États-Unis, ainsi que la Grande-Bretagne, qui n’a rien à refuser à son ancienne colonie. Il vit donc à Paris, où règne la plus grande indulgence, au point que Frédéric Mitterrand s’est dit « stupéfait par cette arrestation » (on lui pardonnera cette faute de français, après tout, il n’est qu’écrivain et ministre de la Culture).
Il est naïf, Frédo, ou quoi ?
Réalisé par Basil Dearden
Sorti au Royaume-Uni en août 1961
Sorti en France (Festival du Film gay et lesbien) le 9 décembre 1999
Ressorti en France le 23 septembre 2009
En Angleterre, la sodomie resta punie de mort jusqu’en 1861, puis elle fut remplacée par la prison à vie. En 1885, la prison à vie fut remplacée par une peine de deux ans de prison... dont écopera Oscar Wilde dix ans plus tard. L’homosexualité ne sera dépénalisée qu’en 1967 (la Suisse l’avait fait partiellement dès 1942). Le présent film, dû à Basil Dearden, date donc de 1961, et il milite très ouvertement pour l’abolition de la loi, sans toutefois présenter le caractère souvent lourdingue des films militants, car il bénéficie au contraire d’un vrai scénario, très bien écrit.
Un jeune homosexuel, Barett, joué par Peter McEnery (il vit et joue toujours, mais uniquement à la télévision depuis 1996), est arrêté pour vol : il a détourné 2300 livres afin de payer un maître-chanteur inconnu. Mais il ne révèle rien à la police, et se suicide la nuit suivante. Mal détruits par lui, quelques documents conduisent les policiers à interroger un avocat célèbre, Melville Farr, joué par Dirk Bogarde, un acteur qui ne tournait pas n’importe quoi, soit dit en passant. On comprend vite, d’une part, que Farr a été l’amant de Barett, mais l’a quitté pour rester fidèle à sa femme, et d’autre part, que le jeune homme s’est suicidé parce qu’il craignait de trahir le secret de l’avocat – qu’il aimait par conséquent. Rongé par le remords, Farr va consacrer son temps à retrouver les maîtres-chanteurs, bien qu’il sache que sa carrière y sombrera dès que la vérité sera faite.
Le film est réalisé très classiquement et n’en a que plus de force. Rions : le film n’était sorti qu’à Londres, en août 1961, puis au Danemark, le 11 octobre suivant. Mais en France, il a fallu attendre... le 9 décembre 1999, lors du Festival du Film gay et lesbien. On l’a exhumé cette année au Festival de Cannes, et ce quasi-chef d’œuvre n’est visible, dans toute la France, que dans une seule salle du Quartier Latin ! C’est bien, de ménager notre pudeur, nous pourrions être CHOQUÉS...
Mauvais cinéaste, Luc Besson est avant tout un homme d’affaires. Produit par Gaumont au début de sa carrière, il a créé LeeLoo Productions en 1999, avec Pierre-Ange Le Pogam. Cette société a été renommée Europacorp en 2001, et elle emploie aujourd’hui cent dix personnes.
Besson conserve 62 % du capital, au travers de sa société Frontline, et son associé, 8,5 %. Le reste du capital est dans le public.
Europacorp possède un conseil d’administration de dix membres, dont le publicitaire Christophe Lambert – rien à voir avec l’acteur, c’est un homonyme. Lambert est également fondateur, toujours avec Besson, de l’agence Blue, sécialisée dans le placement de produit. Si vous ignorez ce que c’est, il s’agit, pour ce type de commerciaux, de négocier la présence à l’écran de produits dont la marque sera bien visible, forme de publicité non assumée qui se paye assez cher, et dont beaucoup de producteurs sont friands. En clair, si, dans une scène, on voit une famille regarder la télévision et que, soudain, la caméra fait un gros plan sur la marque du téléviseur, Lambert et Besson, ou l’un de leurs émules, sont passés par là ! On imagine très bien Orson Welles casant une poêle Tefal dans Citizen Kane, plutôt qu’une luge baptisée « Rosebud », ou James Cameron installant les rescapés du « Titanic » dans des Zodiac.
En 2008-2009, Luc Besson n’a touché que 1,2 millions d’euros à titre de rémunération, mais, au cours de l’exercice précédent, il avait perçu 4,4 millions, en droits d’auteur et salaire de réalisateur.
Sites associés : Yves-André Samère a son bloc-notes films racontés
Dernière mise à jour de cette page le jeudi 1er janvier 1970.