Kinopoivre, les films critiqués par Jean-Pierre Marquet - Vite !

Vite !

Les critiques et notules de ce site peuvent sembler longues aux lecteurs pressés. Pour eux, ces aperçus en peu de mots. Ils sont classés par pages, en suivant l’ordre alphabétique. Au sommaire de celle-ci, Apparences, Après la vie, Ararat, Au nom d’Anna, À perdre la raison, Avril brisé et Azur et Asmar.

Chiffres A1 A2 A3 B C D E F G H I J K L1 L2 L3 L4 L5 L6 L7 L8 M1 M2 N O P Q R S T U V W

 

Barême :

Classique 4 étoiles

À voir absolument 3 étoiles

À voir 2 étoiles

À voir à la rigueur 1 étoile

Inutile de se déranger 0 étoile

À fuir À fuir

A3

ApparencesÀ fuir
de Robert Zemeckis
avec Harrison Ford, Michelle Pfeiffer

On dirait du Dario Argento, et de la pire époque. Nous assistons aux frayeurs de cette pauvre Michelle Pfeiffer : sous le futile prétexte qu’elle habite une maison hantée, elle ne cesse de sursauter. Un chat entre dans la pièce, elle sursaute ; on ouvre une porte, elle sursaute ; le vent se lève et agite les feuilles des arbres, elle sursaute. Comme le spectateur n’est pas dans les mêmes dispositions d’esprit, on l’aide un peu en lui balançant de grands coups de cymbales dans les tympans chaque fois qu’il serait tenté d’oublier d’avoir peur.

Certains ont prétendu que ce film était puissamment original, PUISQUE, pour la première fois, Harrison Ford joue un méchant. Bon, et alors, ça ne vous est jamais arrivé, d’avoir un arriéré d’impôts à payer ?

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Après la vie2 étoiles
de Lucas Belvaux
avec Ornella Muti, Dominique Blanc, Gilbert Melki, Lucas Belvaux, Catherine Frot, François Morel, Valérie Mairesse

Troisième film d’une excellente trilogie.

De Pascal, le policier joué par Gilbert Melki, les deux premiers films nous ont donné une idée plutôt négative. Le dernier va montrer que tout n’est pas si limpide, et que les idées simples sont souvent des idées fausses. Ce flic nous est apparu dénué de scrupules et quelque peu corrompu, parce qu’il est marié à une droguée, Agnès (Dominique Blanc), et que, par amour, pour lui éviter de souffrir, il lui fournit la morphine dont elle ne peut se passer. Or ses fournisseurs, qui veulent la peau de Bruno, ex-terroriste, refusent de l’approvisionner tant que celui-ci ne sera pas coffré. Pourtant, par le plus grand des hasards, c’est Bruno qui va sauver Agnès d’une agression et l’aider à surmonter les effets d’une dose massive d’héroïne.

Pascal ne quitte presque jamais l’écran, et le dénouement est digne des plus grands mélodrames : Agnès renonce à la drogue, et Pascal, se sentant devenu inutile, veut alors se suicider. Sans même en être consciente, sa femme, in extremis, l’en dissuade, en lui jurant qu’elle a toujours besoin de lui. Triomphe de l’amour. Le double portrait du couple est très réussi, et sans aucun pathos, aucune leçon de morale. Le film conclut sur une note d’espoir cette tragédie de la vie.

Les films sur les drogués constituent un genre périlleux. Le plus souvent, ils sont grotesques, caricaturaux, manquent de crédibilité lorsqu’ils décrivent une guérison. Belvaux, lui, prend le parti de délaisser le trash à la mode, et de traiter le sujet en misant sur la dignité de son personnage : Agnès renonce parce qu’elle a honte d’être dépendante et d’entraîner son mari vers la déchéance.

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Ararat0 étoile
d’Atom Egoyan
avec David Alpay, Charles Aznavour, Christopher Plummer, Eric Bogosian, Brent Carver, Marie-Josée Croze, Bruce Greenwood, Arsinée Khanjian, Elias Koteas

Le peuple arménien a subi en 1915 un génocide de la part des Turcs. Toujours nié par les responsables, ce génocide n’a jamais été le sujet d’aucun film connu. Egoyan pense que c’est une entreprise quasi-impossible, et, pour cela, imagine le tournage de DEUX films à l’intérieur de son propre scénario : une reconstitution « historique » faite en studio loin des lieux du drame, mauvais film, plutôt caricatural, et un documentaire tourné clandestinement sur place par Raffi, un jeune homme qui est le personnage central. Employé sur le tournage du premier film, il va tenter, ce travail terminé, de faire le second, de sa propre initiative, à ses frais, sans en parler à quiconque, en Turquie et sans autorisation.

A-t-il ou n’a-t-il pas, en outre, engagé un caméraman du pays et soudoyé un soldat pour filmer, toujours sans autorisation, d’autres plans sur pellicule, c’est ce qu’il prétendra au retour à Toronto, mais les quatre boîtes de négatifs qu’il rapporte scellées attirent l’attention d’un douanier de l’aéroport, qui va le « cuisiner » une nuit entière : les boîtes ne contiendraient-elles pas plutôt de la drogue ? Les ouvrir ? Si le garçon ne ment pas, elles contiennent de la pellicule exposée mais non développée, que la lumière détruira. Pour en avoir le cœur net, le douanier se fait raconter toute l’histoire du génocide, et c’est sans doute ce procédé de narration extrêmement artificiel qui gêne le plus dans Ararat.

Pour en finir, le douanier ouvre dans l’obscurité une des boîtes de film : elle contenait bien de l’héroïne ! Raffi, dont on a pu constater qu’il mentait souvent au cours de cette nuit à la douane de l’aéroport, le savait-il, ou s’est-il fait rouler par le caméraman qui avait exigé ce transport en paiement de sa collaboration clandestine ? On ne le saura pas davantage.

On le voit, tout cela n’est pas simple. Mais le but est atteint : aucun des deux films, le navet historique ni le documentaire inabouti dont il ne reste que la version sur camescope, ne servira le but poursuivi. On ne peut pas raconter le génocide arménien.

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Au nom d’Anna2 étoiles
d’Edward Norton
avec Ben Stiller, Edward Norton, Jenna Elfman, Anne Bancroft, Eli Wallach, Milos Forman

Excellente comédie, qui n’a que le défaut d’être un peu longuette, et qui ne lésine pas sur la satire, sans toutefois trop malmener les milieux religieux qu’elle décrit. Elle met en scène un sympathique trio : Jake est juif, Brian est irlandais donc catholique, et Anna, leur amie d’enfance, évidemment ravissante, se passe de religion. Mais les deux garçons, répondant à leur vocation religieuse, sont devenus prêtres. Cependant, leur situation est bien différente, car Brian, catholique, est condamné au célibat, alors que tout le monde cherche à marier le jeune rabbin Jake, à commencer par sa mère, bien entendu.

Les deux garçons vont tomber amoureux de leur amie d’enfance, retrouvée après des années d’absence, et devenir rivaux ; mais l’intérêt de l’histoire n’est pas là, puisque c’est archi-prévisible ; il est dans le regard porté sur la situation, marqué par le parti-pris de montrer que tout ça n’est pas un drame. L’épilogue montre la fille épousant celui qu’elle pouvait épouser. Elle l’aime, rassurez-vous. Mais on devine que l’autre, qui a compris enfin la philosophie de l’existence, ne tardera pas trop à trouver un arrangement avec son boulot de « sauveur d’âmes » !

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À perdre la raison3 étoiles
de Joachim Lafosse
avec Niels Arestrup, Tahar Rahim, Émilie Dequenne, Yannick Renier

À l’origine, il y eut ce fait-divers sanglant survenu en Belgique : le 28 février 2007, Geneviève Lhermitte avait tué ses cinq enfants – quatre dans le film. On assiste à la lente mais inexorable dégradation de l’état mental d’une femme, radieuse au début puisqu’elle épouse l’homme qu’elle aime et qui l’aime. Le chiendent, c’est que, d’une part, tous deux ne vont cesser de mettre des enfants au monde (des filles), et que, surtout, ils ne vivent pas chez eux, mais chez le père adoptif du mari – donc ne connaissent guère d’intimité. Murielle n’est pas une perverse, seulement une fille amoureuse d’un garçon qu’elle épouse. L’ennui, c’est que ce garçon est un faible, et dépend totalement de son père adoptif, qui l’héberge, lui offre un travail, paie aux jeunes époux leur voyage de noces (mais le marié insiste pour qu’il les accompagne dans leur voyage !), et prend assez mal le désir de sa belle-fille adoptive d’aller habiter ailleurs. Complètement déboussolée, pas vraiment soutenu par un mari trop faible, elle en vient à la pire des extrémités.

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Avril brisé2 étoiles
de Walter Salles
avec Rodrigo Santoro, José Dumont, Ravi Ramos Lacerda, Rita Assemany, Luiz Carlos Vasconcelos, Flavia Marco Antonio

Le véritable sujet, c’est la vendetta : entre la famille Breves et celle, rivale, des Ferreiro, c’est la guerre, pour une histoire de terre accaparée, puis récupérée, puis volée de nouveau, et qui a entraîné un processus infernal : un jour, un garçon de l’une des deux familles a tué un garçon du camp d’en face. L’honneur impose au clan frappé de se venger, en assassinant le meurtrier, qui, à son tour, sera vengé par l’un des siens, et ainsi de suite. Cette coutume ridicule décime les familles touchées, dans un engrenage sans fin.

Au début du récit, c’est au tour de Tonho, 20 ans, de venger son frère : leur père n’admettrait aucune entorse à la règle sacrée, donc il s’exécute. Tonho sait qu’il mourra ensuite, à la fin de la trève coutumière, dès que le sang de sa victime aura jauni sur la chemise exposée au soleil, et que son petit frère, qui n’a même pas 12 ans, Tacou, devra le venger. Après lui, plus personne, ils n’ont aucun autre frère vivant. La famille disparaîtra.

Tonho et son amie Clara vont s’aimer une seule nuit. Tonho sait qu’il sera tué au matin. Tacou, alors, s’empare de son chapeau et de son brassard, et, profitant du sommeil de son frère, prend sa place. Le subterfuge réussit à la faveur de la lumière indécise de l’aube, et il est bientôt abattu. Suicide sublime d’un gamin qui a tout compris avant les adultes. Sommé par son père de le venger, Tonho, qui a déjà donné, comprend le geste de son frère, refuse et s’enfuit. C’est le déshonneur sur ses parents, désormais seuls, mais la tuerie prend fin, puisque le meurtre de Tacou restera impuni.

Cette histoire, qui en dit long sur le respect qu’on ne doit pas aux traditions imbéciles, est filmée très simplement, en dépit de quelques passagères coquetteries à la caméra, et se concentre sur les visages. Peu de dialogues, aucune complaisance, c’est magnifique.

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Azur et Asmar2 étoiles
de Michel Ocelot
avec les voix de Cyril Mourali, Karim M’Riba, Hiam Abbass, Patrick Timsit, Fatma Ben Khell, Rayan Mahjoub, Abdelsselem Ben Amar, Thissa d’Avila Bensalah, Olivier Claverie

Ce dessin animé, qui raconte la jeunesse de deux enfants élevés ensemble et que tout devrait séparer, est tout simplement le meilleur film français de l’année 2006. Cette œuvre généreuse et intelligente comme ses personnages principaux n’est pas réservée au seul public enfantin. Visuellement magnifique, très inspirée des décors et des images, somptueux, du monde arabo-musulman tel qu’il apparaît dans Les mille et une nuits, elle affiche de plus une vision humaniste tout à fait actuelle.

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Dernière mise à jour de cette page le mardi 8 septembre 2020.