Kinopoivre, les films critiqués par Jean-Pierre Marquet

Second semestre 2004

Six films, Alexandrie... New York, de Youssef Chahine, Fahrenheit 9/11, de Michael Moore, Just a kiss, de Ken Loach, Le village, de M. Night Shyamalan, Aaltra, production grolandaise, et un film français, Les fautes d’orthographe. Plus un téléfilm en six parties, Angels in America, et un petit Entracte 16.

Alexandrie... New York

Réalisateur : Youssef Chahine

Scénario : Youssef Chahine et Khaled Youssef

Interprètes : Mahmoud Hemida (Yehia), Ahmed Yehia (Yehia jeune et Alexander Penn), Yousra (Ginger), Lebleba (Jeannie), Hala Sedki (Bonnie), Magda Al Khattib (Shanewise), Nelly Karim (Carmen), Sanaa Younes (la concierge), Soad Nasr (Zoé), Mahmoud El Lozy (le doyen), Ahmed Fouad Selim (Adib), Maher Salim (Paddy)

Musique : Yehia El Mougy

Durée : 2 heures et 8 minutes

Sortie à Paris : mercredi 7 juillet 2004

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Bonne nouvelle ! On a retrouvé le phare d’Alexandrie. Pas en mille morceaux gisant au fond de la Méditerranée, mais faisant régulièrement le trajet entre Paris et l’Égypte, et, dernier à le faire, continuant d’éclairer de sa lumière le cinéma du tiers monde, sous le nom de Youssef Chahine. La candide immodestie du réalisateur égyptien fait en effet sourire depuis une bonne génération au moins : depuis Alexandrie... pourquoi ?, en 1978, il se met régulièrement en scène, sous le pseudonyme de Yehia, dans des films ouvertement autobiographiques dont celui-ci n’est guère que le cinquième, et ses autres personnages le désignent comme un « grand réalisateur », dont l’œuvre « va de succès en succès » et reçoit des hommages internationaux, y compris, comme ici, aux États-Unis, pays qui l’a longtemps boudé à l’instar de tous les cinéastes étrangers ; pays auquel il administre désormais une volée de bois vert – d’ailleurs à juste titre, et pour de meilleures raisons. Non moins régulièrement, chacun de ses films contient un ou plusieurs extraits de ses œuvres précédentes, dans lesquelles il est parfois interprète, un interprète génial, bien entendu. Malheureusement, ce manque de réserve le pousse à commettre quelquefois de téméraires boulettes ; par exemple, vouloir danser lui-même dans une séquence de comédie musicale (Alexandrie encore et toujours, en 1990), à l’âge de... 64 ans !

Sur le plan de la crédibilité, c’est inénarrable : manifestement, Chahine, parvenu à une période de sa vie où il estime pouvoir se le permettre, se fiche de la vraisemblance comme de sa première bobine de pellicule en noir et blanc. Dans le présent film, les âges des personnages, vus à trois époques différentes, sont incohérents ; les quatre acteurs incarnant Yehia et Ginger à vingt ans d’intervalle n’ont physiquement aucune ressemblance ; Eric et Ginger, présentés comme deux figurants quasiment au chômage, habitent un bel immeuble new-yorkais en pierre de taille ; la plupart des séquences en extérieurs, censées se dérouler en Californie, sont visiblement filmées en Égypte ; tous les personnages du film, y compris les concitoyens de George Bush, sont joués par des acteurs arabes (même Rita Hayworth, rôle tenu par une actrice qui n’a rien de commun avec l’interprète de Gilda), et bien sûr parlent arabe en toutes circonstances ! Le spectateur n’a plus qu’à faire comme si... Certes, on peut mettre ce dédain des mesquineries du réalisme sur le compte d’une forte personnalité, et ce dédain, d’autres l’ont eu avant lui, Guitry, Rohmer, Lars von Trier, Welles lui-même, et tous les expressionnistes allemands du muet ; mais il n’empêche que c’est un peu gênant quand le personnage principal, celui du jeune Alexander, joué par un acteur arabe dont il est question un peu plus loin, est farouchement anti-arabe (mais rassurez-vous, il va revenir à de meilleurs sentiments, après avoir visionné... un film de Youssef Chahine !). Il faut avouer que cette désinvolture, pas uniquement due au manque d’argent, nuit un peu au propos du scénario, d’ailleurs ciselé à coups de barre à mine.

Je rigole, mais on l’aime bien, le vieux Jo, en dépit de ses petites manies qu’on connaît par cœur. Du reste, son film n’est pas inintéressant, et l’on serait tenté de créer, spécialement pour lui, une catégorie spéciale, celle des Mauvais Films Qu’il Faut Voir Quand Même. Cela, pour trois raisons essentielles.

La première raison, c’est évidemment son sujet. Alexandrie... New York entre dans la série des films qui tentent actuellement d’expliquer pourquoi les États-Unis ont perdu la sympathie – c’est peu dire – de tous les pays et de tous les intellectuels, à l’exception de ceux relevant de la droite dure, qui les soutenaient jusqu’à présent, surtout dans le tiers monde. Chahine, autrefois un adorateur ébloui de cette nation qui lui a permis de faire ses études de cinéma, fait partie de ces derniers. Le scénario évoque ce désenchantement via la douloureuse découverte, par Yehia – le double de Chahine, donc – qu’il est doté d’un fils new-yorkais dont il ignorait l’existence, que ce fils a de quoi rendre fier un père (il est danseur vedette du Metropolitan Ballet de New York)... et que la réciproque n’est pas vraie, puisque ledit fils a honte de son père tardivement révélé, PUISQUE c’est un Arabe. Le jeune homme incarne ainsi le parfait Étatsunien, arrogant, ignorant et méprisant, à l’image de qui vous savez. Il en fera tant que son père finit par refuser de le voir davantage. Aucun happy end dans cette histoire, qui ne se termine pas sur une réconciliation : manière de dire qu’entre les Arabes et les États-Unis, tout est bien fini. Au passage, Chahine, se reposant comme toujours sur les dialogues, assène quelques vérités à ce peuple égoïste et dominateur au sujet de sa politique étrangère, vérités qu’il développe aussi dans ses entretiens avec la presse. Citons une de ses interviews : « Jamais je n’aurais cru qu’en soixante ans, l’Amérique aurait pu se transformer à ce point, passer d’un pays exemplaire où tout le monde parlait de “constitution”, de “démocratie”, de “droits de l’homme”, à un pays brutal, impérialiste, avec une majorité d’obèses et de non-fumeurs. Comparez l’élégance de Gene Kelly et Fred Astaire avec la bestialité de Stallone, Bruce Willis et Schwarzeneger, vous aurez une réponse plus rapide ». Autrement dit, la civilisation des États-Unis connaît la même décadence que le cinéma des États-Unis ! Parallèle imparable, auquel on souscrit bien entendu. Hélas, le réalisateur n’oublie pas au passage les griefs personnels et récurrents : c’est qu’on a refusé de le reconnaître, lui, Youssef le Grand ! Et cet égocentrisme est la partie faible de son propos, il faut bien le dire.

La deuxième raison de voir Alexandrie... New York, c’est son acteur principal, l’interprète du fils yankee que le double rajeuni du réalisateur se découvre après vingt ans d’absence, rôle tenu par Ahmed Yehia, lequel joue aussi le rôle du père dans sa jeunesse. Et, à ce propos, soyez attentif, car tout le monde s’appelle Yehia, ici : le porte-parole de Chahine ; l’acteur dont il est question présentement ; et même le musicien auteur de ces chansons sirupeuses qui ponctuent le récit, et dont le spectateur arabe de base ne semble pas pouvoir se passer. Ahmed Yehia est beau garçon – avec de magnifiques yeux en amande –, bon danseur dans le style classique, et bon comédien, notamment en Hamlet, un rôle qui revient souvent dans les films de Chahine. Cet acteur, à lui seul, justifierait le déplacement. Il a également dirigé en 2003 un téléfilm de cinquante minutes, El Banat (titre qui signifie « Les filles », sauf erreur), qu’on verra peut-être un jour si le garçon devient à son tour un Youssef Chahine et insère systématiquement des extraits de ses anciens films dans les nouveaux, c’est la grâce qu’on lui souhaite.

La troisième raison de voir Alexandrie... New York, c’est que Chahine, très amateur de comédie musicale, filme fort bien les scènes de danse, au contraire de certains balourds qu’on ne nommera pas ici pour ne pas faire de publicité à Milos Forman ou à Lars von Trier. Le ballet de Carmen, en particulier, est très réussi. Cela compense un peu la longueur excessive du film.

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Fahrenheit 9/11

Réalisateur : Michael Moore

Scénario : Michael Moore

Interprètes : Michael Moore, George W. Bush, Oussama ben Laden, Saddam Hussein, Al Gore, Bill Clinton, Colin Powell, Donald Rumsfeld, Condoleezza Rice, Dick Cheney, Barbara Bush, George Bush, Laura Bush, Robert De Niro, Ben Affleck, Stevie Wonder, Britney Spears, John Ashcroft, Dan Rather

Musique : Jeff Gibbs

Durée : 2 heures et 2 minutes

Sortie à Paris : mercredi 7 juillet 2004

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Quelle distribution ! Il ne fait pas les choses à demi, Moore.

Cela noté, il est d’assez bon ton de répéter dans la presse que ce film est raté, bâclé, manipulateur, malhonnête, partial, menteur, mal fait, anticinématographique, et je ne sais quoi encore. Bref, pour un peu, et pas uniquement selon les journaux de droite comme « Le Figaro » et « Valeurs actuelles » qui le prennent sans arrêt pour cible, Michael Moore a cassé le vase de Soissons. Bien. Mettons les choses au point.

Fahrenheit 9/11 n’est PAS un documentaire, comme le ressassent bêtement journaux et radio-télés. Moore n’a jamais fait de documentaire. Il n’a pas le tempérament pour ce genre de cinéma. Ses films de cinéma et ses productions télévisées sont des pamphlets. Souvent, des pamphlets très drôles, mettant les rieurs du côté de leur auteur, et c’est l’arme la plus dévastatrice. Un pamphlet ne vise pas à l’objectivité, mais à l’efficacité. Ici, on fait le procès d’un homme, incapable, réactionnaire, sans scrupules, devenu Président des États-Unis à la suite d’une magouille aussi honteuse que voyante, et du régime qu’il représente, affairiste et mesquin (à la famille d’un sergent tué en Irak le 26 mai 2003, on reverse la solde des vingt-six premiers jours du mois seulement : il n’avait qu’à se faire tuer le 31 !). Or, croyez-vous que, dans un procès, le procureur et les avocats courent après l’objectivité, observent une impartialité rigoureuse ? Non. Chacun présente les arguments qui l’arrangent, et passe sous silence les pièces du dossier qui ne lui conviennent pas – sachant que la partie adverse va fatalement s’en charger ! Telle est la logique de la justice aux États-Unis, qui n’est pas celle en vigueur chez nous.

On a donc ici la face accusatrice du procès, un dossier, solide, fort bien constitué, que le film illustre de façon adroite et complète. Naturellement, il est indispensable que le spectateur écoute le texte, savoureux, pugnace, bien construit, qui accompagne les images, et qui mériterait d’être repris en librairie afin d’être relu à tête reposée, car, de plus, il est copieux. C’est même l’un des principaux griefs qu’on puisse faire au film, car un pamphlet s’accommode mal de la longueur : l’idéal serait de frapper fort et vite. Frapper fort ? Le contrat est rempli, à une exception près, dont il est question plus loin. Frapper vite ? C’était mal parti, puisque le film durait quatre heures à l’origine : la première version incluait les six minutes complètes de ce qui a été tourné sur la présence de Bush dans cette école où il est venu lire aux enfants une petite histoire ; elle incluait également l’intégralité de la chanson de John Ashcroft : cinq minutes ! Autrement dit, mal conseillé, Michael Moore aurait tout conservé, et lassé le spectateur. Bien que réduit à sa longueur actuelle, le dernier tiers est peut-être le tiers de trop dans ce film qui ambitionne de tout dire, et ledit spectateur peut se sentir saturé, à la longue ; mais ce dernier tiers a au moins le mérite de nous présenter des images jamais vues à la télévision – et qui ont servi de prétexte bidon, aux États-Unis, pour interdire le film aux moins de 17 ans, dernière étape avant la classification « X » – celles de ces corps de soldats envoyés par Bush en Irak, et qu’on nous montre mutilés, carbonisés, traînés triomphalement puis pendus par la foule de Bagdad : le déclin de l’empire états-unien ?

Un peu trop long, le réquisitoire n’est cependant pas complet, il y manque un élément essentiel ; or cet élément est capital. Plutôt que de s’étendre sur l’imbécillité supposée de George Bush, thème récurrent et facile qui fait les choux gras des médias, mieux eût valu traiter en profondeur le sujet du fanatisme religieux du Président des États-Unis, car ce travers est porteur de dangers bien plus importants et tout à fait avérés, eux. On a soutenu, non sans raison, que l’affrontement entre Bush et Ben Laden était celui de deux extrémistes religieux, deux « fous de Dieu », or le film de Moore fait malheureusement l’impasse là-dessus.

Plutôt que de critiquer ce point précis, on a répété, au passif du film, que la séquence de la mère de famille dont le fils a été tué en Irak donnait un peu démagogiquement dans le genre larmoyant. En fait, je ne crois pas à ce chantage aux sentiments : voyez plutôt la séquence des attentats du World Trade Center : jamais Moore ne montre les deux tours qui s’effondrent, et ce ne sont pourtant pas les images qui manquaient ! Il ne montre que de la poussière et quelques visages recueillis. La présence, à la fin du film, de la séquence incriminée, quoi qu’on en ait dit, n’est pas gratuite, et se justifie par un concours de circonstances peu banal : Moore voulait interviewer une personne qui soit à la fois impliquée dans la guerre en Irak et qui n’y soit pas opposée, et il a choisi à Flint, sa ville natale, une femme, blanche mais mariée à un Noir, croyante, dont la plupart des enfants sont ou ont été dans l’armée des États-Unis. Un véritable cas : cocardière au-delà du vraisemblable, cette femme dévide son discours patriotique, étalant sa fidélité un peu simplette à la bannière étoilée, non moins qu’à son Président. Quelque temps après l’interview, le fils de cette dame est tué en Irak. Informé, Moore tourne alors une seconde séquence, où elle arrache ses œillères et clame son dégoût des mensonges et manipulations du cher locataire de la Maison-Plus-Très-Blanche, qu’elle approuvait auparavant. Comment ne pas insérer ces deux épisodes dans le film, puisque c’est le seul revirement de mentalité qui se soit offert durant le tournage ? C’est ce qu’on appelle le cinéma, et parfois, ça s’improvise.

Est-ce à dire que Michael Moore est sans reproches ? Nul ne le prétend : on peut faire de bons films et adopter un comportement maladroit. Pour avoir, avant l’élection présidentielle de 2000, fait campagne en faveur de Ralph Nader, le candidat écologiste, Moore et ses amis ont sans doute privé Al Gore des voix qui lui ont manqué pour battre Bush sans possibilité de contestation. Qui sait si, en faisant voter « utile », ces gens pourtant bien intentionnés n’auraient pas évité le désastre ? En France, les Verts, Besancenot, Arlette Laguiller, Christine Taubira et Chevènement ont bien fait battre Jospin et nous ont valu cinq années supplémentaires de Chirac. Il y a partout des effets pervers...

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Just a kiss

Titre original : Ae fond kiss

Réalisateur : Ken Loach

Scénario : Paul Laverty

Interprètes : Eva Birthistle (Roisin Hanlon), Atta Yaqub (Casim Khan), Shamshad Akhtar (Sadia Khan), Ghizala Avan (Rukhsana Khan), Shabana Bakhsh (Tahara Khan), Ahmad Riaz (Tariq Khan), Pasha Bocarie (Amar), Gerard Kelly (le curé Parish)

Musique : George Fenton

Durée : 1 heure et 44 minutes

Sortie à Paris : mercredi 14 juillet 2004

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Il y a des jours où tout Français aimerait bien être britannique. Par exemple, lorsqu’un crétin ressasse pour la mille et unième fois la rengaine de « la France qui a inventé les Droits de l’Homme », oubliant que, notamment, la loi sur l’habeas corpus a été votée par le Parlement anglais en 1679, cent dix ans avant la Révolution française, et que, dès 1215, la Grande Charte imposée à Jean Sans Terre limitait les pouvoirs royaux arbitraires... alors que nous allions traîner encore plus de cinq siècles cette magnifique preuve de démocratie qu’était la lettre de cachet, laquelle vous ouvrait toutes grandes les portes de la Bastille, pour peu que vous ayez déplu au représentant de Dieu sur Terre.

Et puis, il y a des jours où tout Français frémirait à l’idée de vivre dans un pays, le Royaume-Uni, qui, seul ou presque en Europe, n’a pas su résister à la tentation de ce communautarisme calqué sur celui des États-Unis, modèle de société produisant les effets bien connus : repli sur soi, maintien de coutumes absurdes, racisme ordinaire et non assumé, persécution des faibles et en premier lieu des femmes, et, bien entendu, omniprésence de la religion.

Si, comme on l’a dit non sans motif, Just a kiss est un film mineur, comparé à ce que sait faire habituellement Ken Loach, c’est, selon moi, pour deux raisons.

La première raison est ce happy end peu crédible : Casim, le jeune homme d’origine pakistanaise, dont la faiblesse de caractère (relative, ne l’accablons pas) est démontrée d’un bout à l’autre du film, finit par envoyer promener son encombrante, inconsciente et tyrannique famille, pour vivre enfin avec la femme qu’il aime, et dont tout le sépare, prétendent les siens, puisqu’elle est d’origine irlandaise, et non musulmane, surtout. Mieux, sa jeune sœur Shabana l’imite et décide d’aller étudier le journalisme à Édimbourg, et non de rester à Glasgow, où vit la famille, pour y faire les études de médecine que ses parents ont prévues à sa place. On peut faire semblant d’y croire, et se demander combien de temps s’écoulera, avant que le clan remette la main sur les deux rebelles.

La seconde raison est cette volonté un peu trop visible de renvoyer dos à dos les deux religions qui s’affrontent dans cette histoire, en décrivant sous les traits d’un horrible bonhomme, fanatique et borné, un peu maître-chanteur aussi, le prêtre catholique chargé de délivrer à Roisin un certificat de bonne conduite – document qui lui est indispensable pour continuer à enseigner la musique dans une école privée. Privée mais subventionnée par l’État... Certes, on comprend qu’après avoir mis l’accent sur les préjugés, qu’on est bien forcé de qualifier de « raciaux », sans cesse affichés par les membres de la communauté décrite ici, ce qui ne les empêche pas de se plaindre (à juste titre) d’être eux-mêmes victimes du racisme, Ken Loach ait pu ressentir le besoin d’équilibrer un peu son discours. Moyennant quoi, il caricature, en bon militant, et il faut reconnaître que le spectateur s’y attend depuis un moment.

Toujours est-il que le sujet du communautarisme est important, pour un cinéaste de ce pays, et qu’il est traité avec un certain courage ; en effet, il reste politiquement incorrect, sinon risqué, en Grande-Bretagne comme ailleurs, de montrer des musulmans obtus et bornés, traitant les autres comme ils se plaignent d’être eux-mêmes traités. Un exemple suffit : voulant défendre les siens, Casim fait observer à son amie Roisin : « On nous qualifie sans arrêt d’“étrangers”, ce n’est pas juste ! ». Mais lui-même, à deux reprises, alors qu’il roule en voiture avec Roisin à ses côtés, la prie de se cacher sous le tableau de bord (!) parce qu’on passe devant le magasin d’un cousin, et qu’il ne veut pas être vu « avec une étrangère » ! Rappelons qu’ils sont britanniques tous les deux...

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Le village

Titre original : The village

Réalisateur : M. Night Shyamalan

Scénario : M. Night Shyamalan

Interprètes : Bryce Dallas Howard (Ivy Walker), Joaquin Phoenix (Lucius Hunt), Adrien Brody (Noah Percy), William Hurt (Edward Walker), Sigourney Weaver (Alice Hunt), Brendan Gleeson (August Nicholson), Cherry Jones (Mrs. Clack), Celia Weston (Vivian Percy), John Christopher Jones (Robert Percy), Frank Collison (Victor), Jayne Atkinson (Tabitha Walker), Judy Greer (Kitty Walker), Fran Kranz (Christop Crane), Michael Pitt (Finton Coin), Jesse Eisenberg (Jamison), M. Night Shyamalan (le chef des gardes)

Durée : 1 heure et 48 minutes

Sortie à Paris : mercredi 18 août 2004

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Lorsque, à l’instar de votre serviteur, on n’est pas rétribué pour faire un travail, on a le droit légitime de se payer sur la bête, et de tirer de cette activité peu lucrative l’occasion de s’amuser un brin. Cela ne signifie pas qu’on doive saloper la tâche, mais la façon de l’accomplir peut être divertissante. Pas question, par exemple, de tourner ici en dérision les bons réalisateurs ni les bons films. Mais, avec les tâcherons et les charlatans, pourquoi se gêner ?

Depuis Le sixième sens, je tiens Shyamalan pour un de ces mauvais réalisateurs. Je ne nie pas que, de temps à autre, il soit capable de réussir une scène d’atmosphère, mais c’est l’un des pires scénaristes que je connaisse, et je n’avais pas du tout marché à ce film. Pour l’avoir dit, pour avoir prétendu que j’avais tout compris dès la deuxième séquence en voyant Bruce Willis vivant alors qu’en toute logique il ne pouvait qu’être mort, impression largement confortée par les scènes suivantes, j’ai provoqué quelques doutes : j’aurais pu bidonner, prédire le passé, en quelque sorte, et mes allégations étaient de toute façon invérifiables.

La sortie du dernier film de Shyamalan, Le village, m’a fourni l’occasion (les cons disent « l’opportunité ») de démontrer que les scénarios qu’il s’obstine à écrire ne tenaient pas la route, qu’ils étaient archi-prévisibles, si bien qu’avant de voir ce film, je me suis amusé à rédiger ce que j’ai appelé une « avant-critique », à lire ci-dessous. Étant bien entendu que, d’une part, j’ai ensuite pris mon temps et traîné les pieds pour visionner ce chef-d’œuvre de l’art cinématographique (le texte en question date du 29 août, et je n’ai vu le film que le 28 septembre, soit un mois après), et, d’autre part, que je n’ai rien vu ni lu au préalable, pour rédiger ce texte, qui ait pu me fournir le moindre indice sur la fameuse fin « qu’on ne doit surtout pas raconter ». Bref, je démontre qu’on pouvait tout comprendre sans voir la fin... ni même le film !

Lisez ce petit texte, auquel je n’ai pas changé une virgule, je vous reprends tout de suite après.

*

Sans avoir encore vu The village, je vais me risquer ici à un petit exercice inédit : écrire une « avant-critique ». Risqué ! Si je me trompe, je serai ridicule... Qui a crié « Ce ne sera pas la première fois ! » ?

Depuis le début de son succès, je tiens Shyamalan pour un charlatan maladroit et peu rigoureux (les failles gigantesques du récit dans Le sixième sens), pour un farfelu inculte (les confusions sur la religion dans Signes, les rituels grotesques auxquels se livrent les assiégés), et pour un cinéaste extrêmement lourd, qui vous explique en cinq minutes ce que vous aviez compris en trois secondes (Incassable dans son intégralité). Je ne prétends pas qu’il est incapable d’avoir une idée, comme dans le premier et le troisième des films cités (il n’y avait aucune idée dans Signes, banal film sur une invasion de la Terre par des extraterrestres, et qui allait jusqu’à plagier le dénouement de La guerre des mondes), mais, faute de s’offrir les services d’un scénariste compétent, ses projets restent au stade de la conception et ne débouchent que sur des histoires qui ne tiennent pas debout, mais en revanche bourrées d’effets tape-à-l’œil.

Je n’ai donc pas vu The village, mais j’ai vu Le sixième sens, et, à lire les réactions publiées ici et là, il semble que ce roublard naïf de Shyamalan est de nouveau tombé dans le travers qui m’avait tant irrité avec ce film : dissimuler un élément capital du récit, sans aucun motif logique, à seule fin de le mettre en réserve pour la dernière scène. Les spectateurs, qui n’y voient pas malice, estiment alors que le coup de théâtre est « génial », et que le réalisateur est un grand maître. Mais ce truc, car c’en est un et rien d’autre, est aussi gratuit que si, dans Les trois mousquetaires, on omettait de préciser que Milady était un espion de Richelieu, ou, dans Drôle de drame, qu’Irwin Molyneux n’a pas tué sa femme Margaret et qu’elle est bien vivante. On objectera peut-être ceci : dans Psychose, Hitchcock, contrairement à Marcel Carné, a tout fait pour dissimuler que la mère de Norman était morte. Mais il était tout à fait logique, cette fois, que le spectateur l’ignore, puisque l’histoire est racontée selon le point de vue de personnages venus de l’extérieur, étrangers à la famille Bates, Marion d’abord (la fille qui se fait assassiner sous la douche), son petit ami et sa sœur ensuite. Personnages qui ne pouvaient donc pas savoir la vérité. Les deux derniers l’apprennent peu avant le dénouement, avec le spectateur qui les a suivis dans leur enquête, et c’est la conduite normale d’un récit où l’auteur ne triche pas.

Comme la presse n’a rien révélé du coup de théâtre qui termine The Village, en vertu du sacro-saint principe (si cher à Jérôme Garcin) Il-ne-faut-surtout-pas-raconter-la-fin, mais qu’elle a néanmoins mentionné que tout se passe dans un village « du dix-neuvième siècle », où vit une petite communauté isolée, persuadée que des « créatures mythiques » menaçantes peuplent la forêt voisine, tabou par conséquent, je prends le pari que la surprise finale est là, que l’histoire ne se passe pas à cette époque, et qu’elle est contemporaine.

Peut-être ce village du passé est-il peuplé de morts (le Purgatoire ?), Le sixième sens sur une échelle plus grande ! En m’avançant beaucoup, preuve que je ne bidonne pas, j’imagine un plan final montrant un villageois du cru qui découvre la vérité, en l’occurrence le monde moderne, alors qu’il se croyait au temps de la lampe à huile et de la marine à voile, ou quelque chose dans ce genre...

Sur la légitimité (soyons aimables, et ne parlons pas d’honnêteté) du procédé faisant du réalisateur un deus ex machina qui décide ce que doit savoir et ce que doit ignorer le spectateur, tout cela en vue de ménager un effet qu’on désire asséner à la fin, j’ai déjà écrit dans une autre page ce que j’en pensais, à propos de Swimming pool.

*

Si vous avez vu le film, vous constaterez que je ne suis pas tombé loin ! Ma seule hypothèse non vérifiée réside en une phrase : « Peut-être ce village du passé est-il peuplé de morts (le Purgatoire ?), Le sixième sens sur une échelle plus grande ! ». En outre, la villageoise qui tombe sur le monde moderne ne le « découvre » pas vraiment, puisqu’elle est aveugle.

Si vous n’avez pas vu le film, je résume : tout se passe bien à l’époque actuelle. Le fameux village est peuplé de reclus volontaires, les Anciens, et de leurs enfants, qui ne sont pas au courant du fin mot de l’histoire. Ces Anciens, dégoûtés des mœurs de la société du vingtième siècle finissant, s’étaient groupés sous l’autorité de Walker, un professeur de l’université de Philadelphie, et avaient acquis une vaste propriété englobant un village (on ne nous dit pas s’il existait ou s’ils l’ont fait construire), village entouré de bois épais – détail important. Cette propriété est cernée d’un mur d’enceinte gardé jour et nuit par des vigiles d’une certaine société Walker, sans doute appartenant au chef du village, et ses résidents n’en sortent jamais. Ils sont ainsi protégés, et leurs enfants avec, de la violence, de la drogue, de la délinquance, et de tout ce que vous imaginez. Une sorte de retour à la terre, et si Shyamalan avait un atome de culture, il aurait dédié son film au regretté maréchal Pétain ! Quant aux jeunes nés dans le village, pour les empêcher d’aller voir ailleurs, on leur raconte des histoires terrifiantes sur des monstres qui peupleraient les bois et n’attendent que leurs visites éventuelles pour les tuer afin de les manger ! Comme on voit, ce scénario est d’une subtilité exemplaire...

Cela dure jusqu’au jour où Lucius, le fils du chef, est poignardé par l’idiot du village. Il va mourir, on n’a pas de médicaments, et l’on se résoud à envoyer sa cousine et fiancée en expédition à l’extérieur, vers « les villes », comme ils disent, pour s’en procurer. Quoi ! Mais elle va tout comprendre en voyant la civilisation du vingt-et-unième siècle ? Non, car la jeune fille est opportunément aveugle (toujours la subtilité). Malgré sa cécité, elle traverse les bois, tuant au passage l’idiot du village qui a tenté de l’agresser (il se prend pour l’un des monstres imaginaires), franchit le mur d’enceinte, rencontre un jeune vigile qui lui fournit les médicaments nécessaires mais ne lui explique rien, et elle rentre au bercail. Belle série d’exploits pour une aveugle ! Hélas, Lucius est mort, mais la légende ne sera pas démentie, elle s’en trouve même confortée par le récit de la jeune fille. Chacun restera chez soi et les vaches seront bien gardées.

La faiblesse de cette histoire éclate si on se pose quelques questions. Par exemple : est-il possible qu’un professeur d’université ignore qu’une communauté n’est pas viable si elle comporte un aussi petit nombre de membres ? D’où viennent les sommes colossales qu’il a fallu débourser pour édifier cette principauté hors-la-loi, puis la faire surveiller – à raison, c’est dit en toutes lettres, d’un vigile tous les seize kilomètres, détail qui donne une idée de la taille du village ? Comment fait-on pour qu’aucun avion ne survole la région, mettant la puce à l’oreille des jeunes villageois ? Ces gens n’ont pas l’électricité et s’éclairent à la lampe à pétrole, mais d’où vient le carburant ? Et ainsi de suite...

La mise en scène est à peine meilleure. Comme dans ses films précédents, Shyamalan filme un peu n’importe quoi. Ainsi, lorsque Lucius Walker avoue son amour à la jeune aveugle Ivy Walker, la caméra se détourne au moment où ils vont s’embrasser, pour cadrer... un fauteuil à bascule ! Pourquoi un fauteuil à bascule, plutôt qu’un moulin à légumes, une charrue, un battoir à linge, un raton-laveur ? Un peu plus tard, le même siège est montré, sans raison, abandonné au milieu d’un pré. Allez comprendre la problématique du fauteuil à bascule !

Comme dans Signes, le réalisateur s’est réservé un rôle minuscule, celui du gardien-chef, le patron des vigiles. On ne le voit qu’en reflet dans la vitre d’une armoire à pharmacie, lisant son journal, « The Philadelphia Inquirer », tandis que le jeune vigile, Kevin, vole les médicaments, mais c’est lui qui donne l’explication du grrrrand mystère, sous la forme d’une mise en garde que je reproduis in extenso d’après la traduction des sous-titres espagnols, seule source que j’ai réussi à me procurer ultérieurement : « Je peux te donner un conseil ? Pas de bavardages. Commence à parler, et tu dérangeras celui qui te paye pour tout ça. On ne permet à personne d’entrer dans la réserve animale. C’est très facile d’éveiller l’intérêt des gens, Kevin. Maintenir et protéger la frontière, c’est tout. Il y a quelques années, on a lu dans les journaux que des types du gouvernement avaient payé pour survoler cet endroit. Ça a été une période très stressante pour moi. Ne me cause pas de problèmes. Ne bavarde pas ».

Heureusement, moi non plus, je ne bavarde pas.

En bref : inutile de se déranger.Haut de la page

[Entracte 16]

Plus d’illusion à se faire, les patrons de complexes dits « multisalles » se fichent bien du cinéma. Ces commerçants n’ont d’autre souci que le tiroir-caisse, et comptent davantage, pour le remplir, sur la vente des confiseries que sur la projection des films. La preuve en est qu’à présent, avec votre ticket, on vous refile à la caisse un menu des diverses saloperies sucrées qui vous permettront de tenir tout au long du film. Il ne faudrait surtout pas oublier de suivre la mode venue d’outre-Atlantique, car, sans votre baril de popcorn et votre gallon de Coca-Cola, vous auriez l’air d’un plouc.

Outre ces ingrédients et mixtures saccharosés qui lui causeront bien un jour un diabète carabiné, assorti à son obésité programmée, le spectateur ne DOIT pas échapper à la publicité. Pour cela, tous les moyens sont bons, et le premier consiste à supprimer toute information sur les horaires des films. Vous ne me croyez pas ? Voici pourtant comment la situation a évolué, au fil des mois, dans un complexe typique de Paris, celui de l’UGC des Halles.

Naguère, le spectateur avait à sa disposition des afficheurs généraux, disposés dans les trois halls du complexe. Ces afficheurs récapitulaient la totalité des programmes pour les dix-neuf salles, avec pour chacun l’horaire du début de la séance ; un peu comme les afficheurs pour les trains, dans les grandes gares. Puis, à l’entrée de chaque salle, un afficheur individuel donnait le nom du film, l’heure, l’état de la séance (Début de la séance, Début du film, Prochaine séance à telle heure) et le temps restant avant le début de la séance suivante. Outre les afficheurs, à chacun des trois étages, une horloge donnait l’heure. Enfin, à chaque étage également, une batterie de moniteurs vidéo fournissait une vue de la salle, l’heure, l’état de la séance (publicité ou film) avec une barre de progression et le temps restant avant le film. C’était pratique, quoique approximatif parfois, et le spectateur qui refusait les publicités pouvait entrer lorsqu’elles étaient terminées, afin de ne voir que le film.

Intolérable ! En étalant les opérations sur plusieurs mois pour les rendre moins voyantes, la direction du complexe UGC des Halles a commencé par supprimer l’information des afficheurs individuels, ceux placés à l’entrée de chaque salle. Déjà, on « oubliait » de les mettre à jour le mercredi, jour des changements de programmes. Aujourd’hui, ils n’indiquent plus que le titre du film, tout autre indication a disparu. Ensuite, on a fait disparaître les horloges, une par une. La dernière, située à l’étage inférieur, a été démontée le mercredi 15 septembre 2004. Les afficheurs généraux ont été supprimés et remplacés par... des affiches de films. Enfin, les moniteurs vidéo ne sont plus allumés (signalons en passant que rien ne vous empêche de les allumer vous-même, discrètement, comme il m’arrive de le faire quand les employés ont « oublié »). Le spectateur qui n’a pas de montre ou ne se fie pas à l’exactitude des projectionnistes n’a plus d’autre ressource que de se hâter d’entrer dans la salle où passe le film qu’il veut voir. Même l’horaire de ce film lui est refusé, il doit le chercher sur son ticket, à condition de savoir que ce renseignement y figure.

Ce procédé est-il employé ailleurs ? Je vous invite à vérifier.

Vous protestez auprès d’un employé (les responsables ne sont jamais visibles) ? On vous répond que les horloges sont tombées en panne et qu’on a dû les démonter pour les réparer (mais elles ne sont jamais revenues de chez l’horloger, sans doute décédé entre-temps), ou qu’il n’y « avait pas assez de place sur les afficheurs » pour indiquer tous ces renseignements, preuve évidente qu’ils ont rétréci au lavage, puisqu’il y « avait la place » auparavant. Bref, les patrons d’UGC ne prennent pas pour un idiot le spectateur qui les fait vivre...

Ces gens détestent le cinéma. S’ils pouvaient supprimer aussi le film, ils le feraient. Patience, ils trouveront bien un moyen.

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Aaltra

Réalisateur : Benoît Delépine

Scénario : Benoît Delépine et Gustave de Kervern

Interprètes : Benoît Delépine (l’employé), Gustave de Kervern (l’ouvrier agricole), Jan Bucquoy (l’amant), Pierre Carles (le médecin optimiste), Isabelle Delépine (l’épouse), Jason Flemyng (le pilote de motocross), Noël Godin (le clochard volubile), Aki Kaurismäki (le patron d’Aaltra), Bouli Lanners (le chanteur finlandais), Vincent Patar (le guichetier têtu), Benoît Poelvoorde (l’amateur de moto-cross), Christophe Salengro (le bon Samaritain), Vincent Tavier, Michel de Gavre, Robert de Houx, Christine Grulois

Durée : 1 heure et 32 minutes

Sortie à Paris : mercredi 13 octobre 2004

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Aaltra, c’est la marque finlandaise – et imaginaire – du tracteur qui a causé l’accident dont l’ouvrier agricole et l’employé, que le scénario ne nomme pas, ont été victimes. Désormais condamnés au fauteuil roulant, ils surmontent leur antipathie réciproque afin de se rendre en Finlande réclamer qu’on leur rende leurs jambes, et, à défaut, un million d’euros pour chacun, à titre d’indemnité. Parvenus à destination, ils découvrent que l’usine de fabrication du tracteur n’est qu’un minable petit atelier, qui n’emploie que... des handicapés. Faute de million, le patron leur offre une embauche, mais, au vu du climat local, ils ne sont pas très chauds non plus. C’est tout.

Saluons ce film sur les handicapés méchants, tourné en noir et blanc, sans trop de frais apparents, par deux rigolos de la télé, car, pour une fois, deux transfuges de Canal Plus tournent le dos au genre habituel et font un vrai film de cinéma, avec un propos et une originalité évidente. C’est donc la première réussite de ce milieu spécial, si souvent agaçant.

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Les fautes d’orthographe

Réalisateur : Jean-Jacques Zilbermann

Scénario : Philippe Lasry et Jean-Jacques Zilbermann

Interprètes : Damien Jouillerot (Daniel Massu), Olivier Gourmet (Pierre Massu), Carole Bouquet (Geneviève Massu), Raphaël Goldman (Richard Zygelman), Franck Bruneau (Jean-Claude Griset), Anthony Decadi (René Boury), Khalid Maadour (Marcel Marazelle), Arnaud Giovaninetti (Gianni), Deborah Grall (Mercedes Suza-Lobo), Noémie Develay (Isabelle Cizar), Stéphane Höhn (M. Monteil), Jean Lescot (M. Lévi, le professeur de français), Sylvie Huguel (Mme Beyer), Victor Carril (le premier jumeau Deloge), Alexandre Carril (le second jumeau Deloge), Marie Bunel (la secrétaire), Manuel Bonnet (le prof de gym), Yvon Martin (M. Sinclair), Annie Savarin (l’infirmière)

Durée : 1 heure et 30 minutes

Sortie à Paris : mercredi 3 novembre 2004

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Enfin un bon film français, un projet politique dans le bon sens du mot, et qui évite donc à la fois le polar, la comédie ou l’étude de mœurs ! Même « Le Figaro » rend hommage à ce film ouvertement communiste, c’est dire... Il est vrai que ce journal encense surtout le principal interprète, Damien Jouillerot, qu’on voit assez souvent au cinéma, dans des rôles faisant davantage appel à son physique un peu ingrat qu’à son talent, révélé ici, et à son apparence juvénile (en fait, il a 19 ans et se prépare à réaliser son premier film). Or le véritable intérêt du film n’est pas dans son interprétation, mais dans son sujet, la genèse d’une rebellion, le refus de la délation et l’éloge de la solidarité.

Ledit sujet de la rebellion en milieu scolaire a déjà été abordé, mais il faut remonter assez loin : en France, avec Zéro de conduite, le fameux film de Jean Vigo, à vrai dire une courte et simple ébauche, en dépit de sa réputation, et qui date de 1933 ! Plus près de nous, en Grande-Bretagne et en 1969, ce fut If..., de Lindsay Anderson, audacieux, onirique et violent, et dont on peut s’étonner que nul n’ait songé à le rééditer en DVD. Comme ces films, Les fautes d’orthographe a pour cadre un internat, un collège privé aussi peu reluisant que celui de Topaze, aux environs de 1968 – au moment où la mixité commence à entrer dans les mœurs scolaires. Mais, par chance, rien à voir avec Les choristes, film outrageusement surestimé. Ici, on n’améliore pas son sort en chantant des bluettes sur la nature, le ciel bleu et les petits oiseaux, mais en se révoltant contre l’oppresseur, le directeur du collège en l’occurrence, puisqu’il ne saurait y avoir d’autre oppresseur dans un tel cadre ; soit dit en passant, un directeur, joué par Olivier Gourmet, beaucoup plus cohérent et beaucoup moins caricatural que le ridicule portrait qu’en avait fait François Berléand. La révolte contre l’autorité débute par une action pratique, la constitution d’une coopérative, destinée à pallier les manques d’une nourriture infecte servie au réfectoire, initiative à but non lucratif que bien sûr le couple directorial tentera d’interdire. Alors commence le cycle des punitions collectives, avec l’inévitable appel à la délation, comportement bourbeux que tant de gens trouvent si naturel qu’ils ne craignent pas de s’en déclarer partisans, cherchez autour de vous... Pourtant, le pouvoir devra céder devant la solidarité de masse des élèves... et des professeurs : que faire d’un collège dont TOUS les élèves auraient été exclus ? La question, en outre, possède son côté absurde, et chacun sait que l’humour, les dictateurs n’aiment pas.

Le scénario est bien construit, solide, avec quelques îlots de mystère non élucidé (pourquoi la directrice ne veut-elle pas réintégrer l’élève juif exclu ? Pourquoi le couple directorial ne partage-t-il plus le même lit ? Pourquoi avoir choisi de baptiser cette famille du nom trop connoté de « Massu » ?). Tout au plus peut-on estimer que certains élèves ont des interprètes trop âgés pour le rôle, notamment du côté des élèves de sixième. Mais c’est peu de choses.

Cela peut sembler futile, mais la fin fait penser à un épisode qui s’est déroulé en septembre 2004 à la Star Academy, cette émission nauséeuse de Télé-Poubelle : le producteur de l’émission, Gérard Louvin, avait menacé de jeter à la porte l’un des candidats, qui s’était plaint d’on ne sait plus trop quoi. Et la totalité des jeunes, la queue basse, s’était soumise face aux aboiements du cerbère. On se prend à rêver d’une autre conclusion, la communauté des jeunes menaçant Louvin de démissionner tous en chœur, et TF1 se retrouvant avec des dizaines d’heures vacantes, sans programme de remplacement : des millions perdus ! S’ils avaient eu cette audace et fait preuve de solidarité, on leur aurait offert la Lune sur un plateau d’argent rien que pour éviter le désastre. Mais voilà : la réalité dépassant la fiction... c’est de la fiction !

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Angels in America

Réalisateur : Mike Nichols

Scénario : Tony Kushner, d’après sa pièce

Interprètes : Al Pacino (Roy Cohn), Meryl Streep (le rabbin, Hannah Pitt, Ethel Rosenberg, l’ange d’Australie), Emma Thompson (l’ange d’Amérique, l’infirmière Emily, la femme SDF), Justin Kirk (Prior Walter, l’homme dans le parc), Ben Shenkman (Louis Ironson, l’ange d’Europe), Mary-Louise Parker (Harper Pitt), Jeffrey Wright (Belize, Mr. Lies, l’ange de l’Antarctique), Patrick Wilson (Joe Pitt), James Cromwell (Henry), Michael Gambon (un ancêtre de Prior Walter), Simon Callow (un ancêtre de Prior Walter), Brian Markinson (Martin Heller), Robin Weigert (la mère mormon), Kevin « Flotilla DeBarge » Joseph (un chanteur dans l’église), Florence Kastriner (la mère de Louis), Howard Pinhasik (le père de Louis), David Zayas (Super), Sterling Brown (Orderly), Lisa LeGuillou (une infirmière), Melissa Wilder (la sœur de Louis), Shawn Bartels, Serafina Martino, Elizabeth Clancy, Steven Edward Moore, Brian Dougherty, Christopher Schuman, Mary Esbjornson, Reldalee Wagner, Barbara Fusco, Matthew Yohn (les membres du chœur mormon), Fatima Da Silva (la cousine Doris), et, absents du générique : Jeff Aaron (le patron du parc), Ames Adamson (l’ange d’Asie), James Babbin (l’employé de l’hôtel Plaza), Francesca Barone (l’ange clérical), Brayden Cahill (l’ange d’Afrique), Tony Kushner (le rabbin sur le premier banc), Pete Macnamara (le patron de l’Oak Room), Doug Olear (le cousin), Ted Rusoff (l’ange rabbin), Maurice Sendak (le rabbin du deuxième banc), Akram Tillawi (l’ange rabbin), Paul Burton Wilson (le patron du bar)

Musique : Thomas Newman

Durée : 5 heures et 52 minutes

Sortie à Paris : dimanche 21 novembre 2004, en avant-première, séance unique à l’Auditorium des Halles (Festival des Films gays et lesbiens de Paris), puis sur Canal Plus les jeudis 25 novembre, 2 et 9 décembre 2004

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Les productions destinées en priorité à la télévision ne sont pas commentées ici, mais Angels in America mérite un traitement de faveur, tout comme l’aurait mérité ce chef-d’œuvre de la télévision italienne qu’était Nos meilleures années. C’est une autre étrangeté de notre temps, que certaines chaînes de télé, mais surtout pas les françaises, se montrent aujourd’hui plus créatives que les studios de cinéma ; HBO, par exemple, qui, outre les feuilletons télévisés Six feet under, The Sopranos, Sex and the city et Bands of brothers, a produit Angels in America (et qui avait produit Elephant pour le cinéma, de moindre importance, mais c’est une autre histoire).

Angels in America fut d’abord une pièce de théâtre en deux parties, jouée en France en 1998, et dont on a tiré un opéra qui s’est donné à Paris, au Châtelet, en même temps que le téléfilm était diffusé sur Canal Plus. L’auteur de la pièce, Tony Kushner, a aussi écrit le scénario, et la structure de son œuvre est respectée dans le film. Sa pièce a suscité un grand respect partout où elle a été jouée, et les trois vedettes du présent film ont accepté de n’être payées qu’au tarif syndical, une rareté à Hollywood.

La première partie s’intitule Le millénaire approche, et la seconde, Perestroika. Le tout se déroule à New York en 1985-1986, Ronald Reagan étant au pouvoir, avec un épilogue en 1990. Cinq hommes, tous homosexuels, dont deux atteints du sida, en sont les protagonistes, et sont tous des archétypes. Comme le moteur de l’action n’est autre que leur comportement propre, et ne doit rien à des événements créés par la seule volonté de l’auteur, il n’est peut-être pas mauvais de les décrire succinctement.

Roy Cohn, joué par Al Pacino, est le seul personnage réel, d’ailleurs historique : avocat, protégé du fameux sénateur Joseph McCarthy, le sinistre artisan de la chasse aux sorcières de l’après-guerre, qui a décimé les milieux du cinéma notamment, et entravé quelques carrières d’artistes célèbres soupçonnés de sympathie pour la gauche, Cohn fut procureur adjoint au procès d’Ethel et Julius Rosenberg – deux scientifiques poursuivis par la Justice pour avoir fourni aux Soviétiques les secrets de la bombe atomique, et qui, condamnés, finirent sur la chaise électrique. Dans son Autobiographie, publiée en 1988, donc après sa mort, Roy Cohn a reconnu qu’il avait exercé des « pressions illicites » sur le juge Kaufman, lequel lui avait promis, avant même l’ouverture du procès, qu’il condamnerait à mort Julius Rosenberg ; histoire de bien parachever le processus d’élimination des communistes, qu’il haïssait en bloc, Cohn avait insisté pour qu’Ethel soit elle aussi condamnée à la peine capitale. Ce qui fut fait. Cynique et vulgaire, Roy Cohn n’était pas sans posséder quelques points communs avec J. Edgar Hoover, patron inamovible du FBI de 1924 (à 29 ans !) jusqu’à 1972, date de sa mort, et que tentèrent vainement de démettre de son poste quelques présidents des États-Unis, car il en savait trop sur tout le monde et sut faire chanter les Kennedy eux-mêmes (on le surnomma « le plus grand ripou des États-Unis », à juste titre). Entre autres points communs, Hoover et Cohn étaient à la fois des homosexuels cachés et des homophobes acharnés, spécimens plus répandus qu’on le croit. Pour Roy Cohn aussi bien que pour Hoover, seul comptait le résultat, et la loi n’était pas faite pour ceux qui la concevaient. Évidemment, tous deux étaient du Parti Républicain. Dans la pièce, Cohn tente de favoriser la carrière d’un jeune avocat reaganien, beau garçon naïf qu’évidemment il convoite, mais en vain, alors qu’il vient de se voir confirmer que lui-même a le sida. Cohn est à la fois un homme public et un homme de l’ombre, et il exerce son pouvoir, qui est grand, grâce à ses relations (il se vante de pouvoir obtenir au téléphone, non seulement le Président, mais surtout sa femme !), et au trafic d’influence, comme on s’en doute. Hospitalisé, Cohn, dont il est superflu de mentionner que les scrupules ne l’étouffent pas, use de son pouvoir pour se faire livrer un énorme stock d’AZT, médicament alors rarissime et très coûteux. Ce qui ne le sauvera pas : il meurt, ses précieux flacons sont subtilisés par l’infirmier Belize... et sauveront la vie d’un autre personnage de la pièce, Prior Walter.

Prior est un WASP (white anglo-saxon protestant, descendant des premiers immigrants). Il vit en couple avec Louis, qui, trop faible pour supporter l’épreuve de l’agonie à venir, le quitte lorsque Prior est atteint du sida. Ils renoueront néanmoins lorsque la liaison que Louis a entamée avec un autre garçon prendra fin. Bien que n’éprouvant plus désormais que du mépris son égard, Prior n’a pas réussi à le chasser de son esprit, et fait donc taire ses griefs. Prior n’est pas un homo honteux, il a d’autres priorités, et sa maladie passe avant tout. Depuis son enfance, il est hanté par un rêve, se voyant en Jacob qui lutte contre l’Ange ; et ce rêve, il va le vivre deux fois, au cours de deux fantasmes spectaculaires, en luttant d’abord contre l’Ange blanc, ce qui se conclut par une copulation aérienne et littéralement flamboyante (l’ange est une femme pourvue de... huit vagins !), puis contre l’ange noir, ce qui se conclut par une ascension vers le Paradis, via une échelle de Jacob en flammes elle aussi. Parvenu au royaume des élus, bizarrement peuplé d’employés de bureau et de cadres représentant chacun un continent, il tiendra un discours très peu politiquement correct aux États-Unis : si Dieu revient, faites un procès à ce Salaud, Il nous a laissé tomber, il faut qu’Il paye. Prior ne mourra pas de son sida, notamment grâce à l’AZT dérobé par Belize à Roy Cohn, et il est l’un des quatre personnages de l’épilogue.

Belize est un infirmier noir, ami de Prior et de Louis, doublement discriminé en raison de sa couleur de peau et de son homosexualité assez voyante. Il n’a donc aucune illusion sur l’espèce humaine. C’est peut-être le personnage le plus lucide de la pièce. Il est chargé, à l’hôpital, de donner des soins à Cohn, qu’il hait pour son comportement méprisant et ses opinions politiques. Pourtant, il lui donne un conseil judicieux : se soustraire aux tests en double aveugle sur l’AZT – car il court un risque sur deux qu’on lui administre en fait un placebo –, et tenter de se procurer le véritable médicament. Un coup de téléphone suffit à Cohn pour s’en faire livrer une quantité phénoménale, qu’il va stocker dans un frigo cadenassé. Néanmoins, le rapport de force entre les deux hommes est si bizarre qu’il acceptera d’en donner dix flacons à Belize. Après sa mort, c’est tout le stock que l’infirmier embarque avec l’aide de Louis !

Louis est juif, un Juif laïque, et sa famille ne voit pas ses goûts amoureux avec enthousiasme. C’est aussi un faible, et il ne peut supporter la maladie de son ami, de sorte qu’il va voir ailleurs, en l’occurrence, un jeune cadre de son entreprise, Joe, jeune, beau, marié... et mormon. Louis parvient à le décoincer un peu, ils auront une liaison, qui n’ira pas bien loin, les deux amants rivalisant de faiblesse. Bien que son ex-ami désormais le méprise et le haïsse, tout en continuant de l’aimer malgré tout, Louis entreprend de renouer avec Prior, dont la maladie connaît une rémission. Louis est un intellectuel, dans le style éternel étudiant, mais surtout pas un homme d’action.

Joe, très propre sur lui, élevé dans la rigueur des Mormons, lutte depuis l’enfance contre son homosexualité. Il est allé jusqu’à épouser Harper, une jeune femme qu’il ne désire pas. Il compense ce déséquilibre en travaillant, tandis qu’elle se réfugie dans la prise compulsive de tranquillisants. Républicain, reaganien, Joe attire l’attention de Roy Cohn, qui le prend en affection et veut accélérer sa carrière en le faisant nommer au ministère de la Justice, à Washington. Une affection pas tout à fait désintéressée, mais Joe ne voit pas l’évidence, même quand Roy se met à le caresser en public. Naïf jusqu’au bout, Joe refuse la promotion pour ne pas contrarier sa femme qui veut rester à New York, et parce que Cohn lui a demandé de participer à une magouille dont sa conscience encore pure s’offusque. Il va jusqu’à lui avouer son homosexualité cachée, fatale erreur, puisque Cohn, furieux, le chasse ! Comble de la déchéance, Harper, sa femme, le quitte en emportant sa carte de crédit. Joe, le plus innocent, disparaît de l’histoire. Mais reste Hannah, sa mère !

Hannah connaîtra le parcours le plus surprenant. Mère mormone vivant dans l’Utah, elle débarque à New York pour voir son fils et faire du bénévolat au centre mormon. Elle ignore bien entendu les goûts amoureux de son rejeton, et l’homosexualité la heurte. La révélation décisive que Joe lui en fait par téléphone la laisse interdite, et elle refuse d’y croire. Mais le hasard fait qu’elle porte secours à Prior, le conduit à l’hôpital, le même hôpital où travaille Belize, et devient leur amie, révisant ses valeurs par la même occasion. Son parcours intellectuel, du rigorisme religieux au militantisme gay, est le plus surprenant de l’histoire. Avec Belize, Louis, et Prior qui a survécu, elle fait partie de l’épilogue de 1990, qui est un message d’espoir (nous sommes alors sous Clinton).

 

 

 

Loin de ne traiter que de l’homosexualité, perspective qui rebute encore certains spectateurs, Angels in America est un fleuve qui brasse une foule de thèmes concernant tout le monde : la politique des États-Unis, l’omniprésence des religions, le bien et le mal, la corruption et l’abus de pouvoir, le mensonge et la vérité, et bien sûr le sida. Spectateur, on est surpris de ne pas trouver le temps long, aurait-on, comme votre serviteur, visionné les six épisodes d’une seule traite.

Et puis, la qualité du film surprendra ceux qui connaissent le réalisateur, Mike Nichols. Ce vétéran (il est né en 1931), très coté, connu du public, n’est pas pour autant un grand réalisateur ; mais sa filmographie commence par Qui a peur de Virginia Woolf ?, déjà une adaptation du théâtre, avec le couple mythique Taylor-Burton, et se poursuit avec Le lauréat, daté de 1967, encore dans toutes les mémoires grâce à la fameuse chanson de Simon et Garfunkel Mrs Robinson. Ce bon faiseur a su insérer dans son film le souffle puissant que nécessitait l’histoire. Si Nichols laisse un nom dans l’histoire du cinéma, ce sera certainement pour un film de télévision !

Il est probable que le film sortira en salle, peut-être dans une version courte. Le DVD, qui existe aux États-Unis au format d’écran 16/9, contient l’intégrale, bien entendu. Dans ce cas, sur les deux, préférez la version longue.

En bref : à voir absolument.Haut de la page

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Dernière mise à jour de cette page le samedi 27 novembre 2021.