Le premier épisode, vu le 21 mars 2005 (voir la Notule correspondante), était simple dans sa conception, qualité appréciable, car les films d’horreur le sont rarement. Simple, mais pas exempt de défauts. Ainsi, le mystérieux tueur dévoilé à la fin se révélait être un personnage à peine entrevu auparavant, de manière si furtive que cela contrevenait à toutes les lois du whodunit (film où l’on doit deviner qui est le méchant). Ce tueur revient dans ce deuxième opus, mais il a changé de mobile : il ne veut plus se venger du corps médical, puisque c’était fait dans le premier épisode, il prétend vouloir étudier la nature humaine confrontée avec le pire de l’existence.
Ce personnage, en réalité, est le seul intéressant de l’histoire, mais on ne le verra plus, puisque le scénariste lui a donné un successeur, une femme en l’occurrence, d’ailleurs moins charismatique, et de loin ! Qui veut se venger d’une incarcération imméritée, dit-elle. Par conséquent, on sait d’avance que le méchant de Saw 3 sera une méchante !...
Le film commence, comme les Indiana Jones, par un prologue de dix minutes, particulièrement horrifique : la victime porte autour du cou un masque hérissé de pointes, qui lui transperceront le visage si, dans un court délai, la clé qui déverrouille le mécanisme n’est pas trouvée à temps. Or le tueur l’a dissimulée, sous anesthésie, derrière l’œil droit de son cobaye... qui doit donc s’arracher l’œil s’il veut s’en tirer. Inutile de dire que le malheureux n’y parvient pas et y laisse la vie.
Après cette mise en bouche, on craint de tomber dans la banalité des films d’outre-Atlantique : le policier qui va mener l’enquête ultérieurement est divorcé, et il a des ennuis avec son fils – comme neuf fois sur dix au cinéma et à la télévision. Mais cette fois, ce n’est pas entièrement gratuit, puisque ce fils, qui a environ dix-sept ans, va être enlevé par le tueur, avec une demi-douzaine d’autres quidams, hommes et femmes, qui ont tous quelque chose à se reprocher. Puis le tueur se fait volontairement arrêter par la police, afin de mieux observer les affres de l’angoisse sur le visage du flic dont le rejeton est ainsi en danger de mort. C’est très pervers, évidemment.
Hélas, ce point de départ excellent donne lieu à un scénario trop tarabiscoté, et l’intérêt s’éparpille avec la multiplicité des décors et des anecdotes personnelles, puisque, cette fois, on n’a pas misé sur le huis-clos qui faisait toute la valeur du film précédent.
La réalisation ne s’est pas non plus améliorée, en dépit du changement de réalisateur : toujours plus sanglante, toujours plus sordide, et une image qui semble provenir d’une caméra super-8.
Fin ouverte : le flic est capturé, enfermé, enchaîné par un pied, et crie sa haine à la tueuse héritière. On connaîtra la suite courant 2006 !
Très honorable film en noir et blanc de et avec George Clooney, qui a co-écrit le scénario. Entièrement filmé en intérieurs, dans les locaux de la chaîne CBS, il retrace l’affrontement entre un journaliste de télévision, Edward Murrow, titulaire de See it now, un magazine à succès, journaliste qui a réellement existé, honnête et qui voulait faire son métier sans céder aux pressions, et le sénateur Joseph McCarthy, de sinistre mémoire : entre 1950 et 1954, la vie politique des États-Unis était empoisonnée par la « chasse aux sorcières » qu’avait lancée cet ami de Richard Nixon et d’Edgar J. Hoover, tout-puissant patron du FBI et « plus grand ripou d’Amérique » – selon le titre d’un documentaire qui lui fut consacré après sa mort. McCarthy comptait aussi parmi ses amis l’avocat Roy Cohn, le personnage central d’Angels in America, dont il a été question dans ces pages. Bref, un petit groupe d’excités de l’ultra-droite (et ce n’est pas rien, aux États-Unis !) faisait la pluie et le beau temps, reléguant le Président au rôle de potiche. Leur but : trouver et chasser de leur emploi les sympathisants communistes ou supposés tels, dans l’Armée, dans l’administration, dans les milieux artistiques, partout où McCarthy le jugeait bon. La commission des activités anti-américaines (sic) avait non seulement le pouvoir de convoquer qui elle voulait, mais aussi d’exiger des dénonciations ; faute de quoi, la personnalité interrogée se voyait mise sur la liste noire, perdait son travail et tout espoir d’en retouver un autre.
Le film noue son intrigue autour du cas d’un lieutenant de l’Armée de l’Air, qui est d’ailleurs conseiller technique de la production, Milo Radulovich : en 1953, on prétendit le chasser de l’Armée sous le prétexte qu’il présentait un risque pour la sécurité du pays, cela, parce que son père lisait des livres en langue serbe ! Convoqué par la commission de McCarthy, il fut déclaré coupable sans le moindre procès, et on exigea de lui des dénonciations, ce qu’il refusa de faire. À la suite de la campagne que mena Murrow avec son équipe, Radulovich fut réintégré dans l’Armée. Ce fut l’une des plus modestes victimes de cette psychose collective, qui en fit d’autres plus célèbres, notamment dans les milieux du cinéma, Charles Chaplin et Joseph Losey restant les plus souvent cités. McCarthy obtint en quatre ans plus de 11 500 révocations et 12 000 démissions, avant de devoir renoncer à son action et de recevoir un blâme de la part du Sénat.
Naturellement, et le film de Clooney le montre bien, l’engagement de Murrow ne plut pas à tout le monde, et son patron, à la CBS, confronté à des retraits de budget de la part des annonceurs publicitaires de la chaîne, dut le mettre au placard... bien que Murrow ait pris à sa charge les pertes en publicité causées par son émission !
L’intérêt du film est de montrer le bon côté de la télévision, si peu souvent mis en avant. En opposition à la télé-poubelle qui n’a pas fini de faire ses ravages, il y aura toujours des hommes qui lui feront honneur. Murrow, modestement, ne voulait pas « changer la vie », mais informer le public, à sa façon : non pas en « vendant » de l’information, mais en incitant le public à réfléchir. Oui, bien sûr, ce point de vue est dépassé...
Formellement, le film est classique, peut-être un peu trop. Ainsi, comme souvent, il commence par la fin, pour un hommage de la profession rendu à Murrow, du type « soirée des Oscars », avec discours très moraux. Mais enfin, quelques vérités y sont énoncées, ce qui n’est pas inutile.