Kinopoivre, les films critiqués par Jean-Pierre Marquet

Avril-mai 2001

Seulement sept films, De l’amour, de Jean-François Richet, Oui mais..., d’Yves Lavandier, Manipulations, de Rod Lurie, La chambre du fils, de Nanni Moretti, Coup de peigne, de Paddy Breathnach, Kaïro, de Kiyoshi Kurosawa, Le tailleur de Panama, de John Boorman, et Un aller simple, de Laurent Heynemann. Avril et mai seraient-ils des mois aussi creux que la boîte crânienne d’un rappeur ?

De l’amour

Réalisateur : Jean-François Richet

Interprètes : Virginie Ledoyen, Stomy Bugsy, Mar Sodupe, Yazid Aït, Jean-François Stévenin, Bruno Putzulu, Jean-Marc Thibault

Durée : 1 heure et 25 mn

Sortie à Paris : mercredi 11 avril 2001

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Commentaire sur ce film, publié dans un journal de droite financé par la famille Dassault, ces gens si généreux avec le RPR : « Spécialiste du film de banlieue, Jean-François Richet reproduit avec une tranquille bonne conscience tous les clichés sur les “gentils” jeunes opprimés par des flics au front bas, violents, obsédés et racistes ». Nul n’ignore qu’il n’y a ni débiles, ni racistes, ni violents dans la police française.

En fait, De l’amour, par son titre d’abord, s’affirme comme l’antithèse de ces films qui attisent la haine, tel précisément celui de Mathieu Kassovitz qui porte justement ce titre. Ici, pas de violence démagogiquement exploitée, pas de manichéisme, pas de misérabilisme. Au travers de cette histoire toute simple d’une jeune fille qui a fait une bêtise (un vol banal dans un supermarché), qui va passer une nuit en garde à vue et s’y faire violer par un policier, on a justement le contraire de ce qu’un tâcheron nous aurait conté si la situation était mise à profit pour faire un « film de banlieue » à la mode du moment. Et la vengeance envers le flic, attendue – et redoutée –, n’a pas lieu. Il faut prendre ce film comme une mise en garde contre les idées simples, qui sont invariablement des idées fausses.

Le film n’en dit pas plus, mais il le dit bien. Je le recommande fortement.

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Oui, mais...

Réalisateur : Yves Lavandier

Scénario : Yves Lavandier

Interprètes : Gérard Jugnot, Cyrille Thouvenin, Émilie Dequenne, Alix de Konopka, Vanessa Jarry, Patrick Bonnel

Durée : 1 heure et 44 mn

Sortie à Paris : mercredi 18 avril 2001

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Au risque d’exciter encore l’ire de ceux qui béent d’admiration devant le cinéma américain et m’écrivent pour me traiter de « chauvin », je vais dire du bien d’un film français, et je ne m’en excuse pas.

La mode de la psychanalyse a sévi naguère à l’écran, principalement à Hollywood, et il faut bien reconnaître que le genre est casse-gueule, car les plus grands réalisateurs s’y sont ramassé de fastueuses gamelles. Je pense notamment à sir Alfred, qui s’est fourvoyé sur ce terrain glissant à maintes reprises. Et si ses films Spellbound (en français, La maison du docteur Edwardes) et Marnie ne sont pas des navets, c’est pour de tout autres raisons que leur scénario défaillant et qui flattait le goût du public yankee pour la psychanalyse, fausse science inventée par un charlatan, Sigmund Freud, encore trop pris au sérieux aujourd’hui, principalement en raison des tarifs réclamés par ses disciples, qui en imposent forcément : ce qui coûte cher ne peut pas être de la camelote, n’est-ce pas ? En général, dans ces films, le personnage central est un malade mental, et nous assistons à sa guérison, toujours traitée de façon schématique et bien sûr ultra-rapide. Ainsi, dans Marnie, les nombreuses scènes du roman initial dans lesquelles Mark Rutland tentait de percer le secret de sa femme, frigide, kleptomane, et qu’il avait contraint au mariage en la faisant chanter, sont réduites à une seule scène dans la chambre à coucher – passablement grotesque d’ailleurs. Et la « guérison » de Marnie, qui recouvrait la mémoire de son traumatisme enfantin lors de la confrontation avec sa mère, tenait du délire naïf.

Dans Oui, mais..., Yves Lavandier, connu dans le milieu du cinéma et de la télévision comme un spécialiste du scénario, et qui signe ici sa première réalisation, ne craint pas de montrer sur la longueur une thérapie dite « brève », et ne cache pas les échecs successifs de son thérapeute, incarné de manière inattendue par Gérard Jugnot, au demeurant excellent dans ce contre-emploi. En fait, le film montre son originalité dès son prologue, qui rappelle étrangement la méthode d’Alain Resnais dans Mon oncle d’Amérique : un spécialiste, face à la caméra, s’adresse directement au spectateur afin de commenter les divers comportements humains auxquels il se voit confronté dans la pratique de son métier, et nous donne ainsi une leçon de psychologie plutôt roborative et non dénuée de bon sens – je dis bien « psychologie », et non « psychanalyse ». Une fois présentés les personnages et leur façon de se comporter, l’histoire peut commencer, et c’est celle d’une jeune fille qui se sent « mal dans sa peau », comme disent les amateurs de clichés vaseux, qui croit que seule sa mère en est la cause, et qui s’en sortira dès qu’elle aura compris que tous ses tourments viennent de ce qu’elle est elle-même, en fait, une  pimbêche – une « chichiteuse », dit plutôt son petit ami, le très beau et très sain Cyrille Thouvenin. Personnage qui se montre donc aussi avisé que le praticien, rions sous cape.

Voilà, c’est tout, et on ne s’ennuie pas une seule seconde. Laissez-vous aller, en dépit du sujet. C’est une comédie, savez-vous ? Tout comme la psychanalyse !

 

P.-S. : sur la foi d’un écho paru dans la presse, j’avais d’abord mentionné ici qu’Yves Lavandier filmait un scénario écrit par son épouse. Il m’a écrit pour me faire savoir qu’elle n’écrivait pas de scénario, et qu’il était bien l’auteur de l’histoire. Comme quoi, si c’est marqué dans le journal, c’est certainement vrai, dirait Claude Villers.

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Manipulations

Réalisateur : Rod Lurie

Titre original : The contender

Interprètes : Gary Oldman, Jeff Bridges, Christian Slater, Joan Allen, Mariel Hemingway

Durée : 2 heures et 6 mn

Sortie à Paris : mercredi 2 mai 2001

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Afin de remplacer le vice-président décédé, le Président des États-Unis (Jeff Bridges) choisit une femme, Laine Hanson. Elle doit passer devant la commission d’approbation, présidée par un ennemi intime du Président (Gary Oldman, excellent), rétrograde et plutôt du genre chafouin, comme l’était le procureur Starr qui voulait la peau de Clinton, et ce n’est pas un hasard. Aussitôt, son opposition – républicaine – sort sur la candidate une vieille histoire de partouze estudiantine. Elle n’a rien à y voir et se trouve en mesure de le prouver, mais, par principe, elle refuse de se justifier. Habile manœuvrier, le Président confondra publiquement le méchant et maintiendra son choix.

Mal réalisé (trop de gros plans) mais bien interprété, le film bénéficie surtout d’un très bon scénario, ouvertement inspiré par les affaires de cul de Bill Clinton, malgré une fin qui n’échappe pas à la tradition américaine du discours moralisateur et patriotique en guise d’apothéose. On pourra aussi rigoler sous cape devant les multiples allusions malveillantes à la politique française : il y est affirmé, non sans raisons, qu’avoir trompé sa femme est plutôt un argument positif pour se faire élire chez nous, et le ridicule slogan « responsable mais pas coupable » de la sinistre Georgina Dufoix, mouillée jusqu’au cou dans l’affaire du sang contaminé – et donc innocentée par un tribunal bidon – y revient comme un leitmotiv. À quand le même culot chez les cinéastes français ? Les sujets ne manquent pas...

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La chambre du fils

Réalisateur : Nanni Moretti

Titre original : La stanza del figlio

Interprètes : Nanni Moretti, Laura Morante, Jasmine Trinca, Giuseppe Sanfelice, Silvio Orlando, Claudia Della Seta, Stefano Accorsi

Durée : 1 heure et 35 minutes

Sortie à Paris : vendredi 18 mai 2001

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Un film sans trucages numériques, sans bande sonore fracassante, sans cascades, sans poursuite de voiture dans les rues de Marseille ou de San Francisco, sans karaté, sans vaisseau spatial, sans discours patriotique, sans explosions, sans héros invincible chargé de sauver le monde, sans cannibalisme, sans scènes de cul, sans séquence gore avec projection de cervelle ou de viscères sanguinolentes à la figure du spectateur. Mais qu’est-ce qui lui prend, à cet Italien, il est cinglé, ou quoi ? Encore un qui cultive le bide, comme Jacques Ramade ?

Mais avant de parler de cet excellent film, un mot du cinéma italien. Il y a un quart de siècle, vigoureux et personnel, c’était l’un des meilleurs cinémas mondiaux. Il était représenté par quelques cinéastes majeurs, Visconti, Fellini, Pasolini, Scola, et quelques bons artisans comme Bolognini et Risi ; plus une poignée d’acteurs très populaires, tous masculins : Gassman, Mastroianni, Tognazzi, Stoppa, Manfredi. Et tous francophones, ce qui renforçait à la fois leur popularité et leur notoriété, puisqu’ils faisaient aussi carrière chez nous. Aujourd’hui, la plupart de ces artistes sont décédés, les autres ne travaillent plus guère, balayés par la télévision poubelle, dont le propriétaire en Italie est un certain Silvio Berlusconi. Cet homme, le plus riche du pays, possesseur de trois chaînes de télé (et comme si cela ne suffisait pas, l’honnête Mitterrand lui avait confié La Cinq, celle qui avait été créée, comme d’ailleurs Canal Plus, en vue de faciliter sa réélection), cet homme, disais-je, s’est déjà fait élire Président du Conseil italien voici quelques années, avec l’aide de ses alliés néo-fascistes, et n’était resté au pouvoir que sept ou huit mois. Renversé, le voilà réélu quelques années plus tard, encore plus riche, encore plus fort, encore plus dénué de scrupules, et contrôlant désormais la télé d’État. Ce n’est donc pas demain que le cinéma italien va ressusciter.

Heureusement, il reste quelques cinéastes indépendants, comme Nanni Moretti. Celui-ci nous avait régalés de son Journal intime (Caro diario) en 1993. Comme son titre l’indiquait, ce film était ouvertement autobiographique : le réalisateur Moretti mettait en scène l’acteur Moretti interprétant le rôle de Moretti dans des aventures vécues auparavant par Moretti. Rien de narcissique cependant, et le film, qui fut un succès, était un sommet de fraîcheur et de fantaisie. Il avait eu une suite, Aprile, quatre ans plus tard, beaucoup moins bien accueillie. La chambre du fils rompt avec cette veine et n’est pas autobiographique, bien que dégageant une forte impression de vécu.

Ici, le personnage central, jamais nommé, encore joué par le réalisateur, est un psychanalyste, marié à une femme belle et intelligente. Le ménage a deux enfants lycéens, un garçon et une fille, équilibrés et sportifs. Ils vivent heureux. Mais le garçon, Andrea, se noie accidentellement. La suite décrit le deuil vécu par la famille, filmé de près, à hauteur d’homme. Et on n’a jamais mieux montré une période de cette intensité dramatique. Comment ils vont, tous les trois, reprendre le dessus, les deux femmes plus rapidement que le père, c’est ce qui nous est relaté. À cela s’ajoute le bouleversement de cet homme dont le métier est de soigner les gens, et qui ne peut plus exercer sa profession, parce qu’il a perdu l’équilibre nécessaire, et parce qu’il rend l’un de ses patients responsable de la mort de son fils.

Il est bon de préciser que ce sujet rien moins que follichon n’engendre cependant pas la sinistrose : évitant le piège du genre, le réalisateur ne tente jamais de nous apitoyer, comme l’auraient fait certains. Si donc vous versez quelques larmes au début, vous serez pris ensuite par le cahotique cheminement moral de notre psy. Pudeur, délicatesse, sensibilité, humour discret, on n’avait pas vu cela depuis assez longtemps. Je ne ferai de réserve que sur l’épisode final, un peu plaqué sur l’histoire, me semble-t-il : une lettre arrive après la mort du garçon, écrite par une jeune fille apparemment fort amoureuse, qu’il avait rencontrée l’espace d’une journée. La famille désire la connaître, la fille refuse au début, puis se pointe... accompagnée d’un autre garçon. Par chance, ce dernier est sympathique, et tout le monde, reculant inconsciemment le moment de se séparer sans doute à jamais, fait une petite virée jusqu’à la frontière française. Un quart d’heure de trop !

Cela mis à part, il serait étonnant que La chambre du fils ne remporte pas la Palme d’Or au Festival de Cannes 2001. Le film, d’ailleurs, sort en salle un vendredi, exceptionnellement, pour permettre la veille sa présentation au Festival.

*

Dimanche 20 mai 2001, 19 h 52 : gagné ! Il a eu la Palme d’Or ! Ayons le triomphe modeste.

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Coup de peigne

Réalisateur : Paddy Breathnach

Titre original : Blow dry

Scénario : Simon Beaufoy

Interprètes : Alan Rickman, Natasha Richardson, Josh Hartnett, Rachael Leigh Cook

Durée : 1 heure et 30 minutes

Sortie à Paris : mercredi 9 mai 2001

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Quand passe un film britannique, on aurait tort de le manquer. Ici, le scénariste de Full monty a concocté une histoire de concours de coiffure dans une petite ville, qui, sous des dehors futiles, raconte la recomposition d’une famille détruite : les Allen, père, mère et fils, ont un salon de coiffure à Keighley, mais Phil, le père, ancien champion de l’art capillaire, n’a plus d’ambition depuis que sa femme Shelley a quitté le foyer dix ans plus tôt pour aller vivre avec Sandra, leur ancien modèle. Pour ne rien arranger, Shelley s’est découvert un cancer qui va la tuer mais qui, en attendant, lui a fait perdre ses cheveux. Un concours de coiffure qui a lieu dans leur ville sera l’occasion pour Phil de se remettre sérieusement à son art, pour le fils (le très beau Josh Hartnett, que vous verrez bientôt dans Pearl Harbor) de rencontrer l’amour en la personne de la ravissante fille du méchant rival – tricheur de surcroît – de son ex-champion de père, et pour les époux séparés de se réconcilier... en intégrant Sandra, l’intruse, dans leur couple qui de ce fait devient un trio. Une fin parfaitement immorale, donc.

C’est un petit film, mais assez réjouissant, bourré de péripéties burlesques (ah ! les peignes qui fondent sous l’action de la chaleur dégagée par les séchoirs !...), et rondement mené. Et cela nous change des effets spéciaux numériques, dont on commence à avoir marre.

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Kaïro

Réalisateur : Kiyoshi Kurosawa

Scénario : Kiyoshi Kurosawa

Interprètes : Haruhiko Kato, Kumiko Aso, Koyuki, Kurume Arisaka

Durée : 1 heure et 57 minutes

Sortie à Paris : mercredi 23 mai 2001

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Le cinéma japonais a eu ses belles années, au temps d’Ozu, de Mizoguchi et d’Akira Kurosawa. Elles sont derrière lui, de toute évidence, même si les intellos ne jurent à présent que par Takeshi Kitano, un cinéaste qui n’a pas ma clientèle, car il se complaît dans les histoires de yakuza, auxquelles on peut légitimement être allergique, et qui ne réussit pas mieux dans la comédie (Le voyage de Kikujiro). Oui mais voilà, Kitano a une particularité : il se dédouble ! Ce rigolo de la télé fait également une carrière de réalisateur au cinéma, sa spécialité étant le film noir. Un peu comme si Ruquier, à ses heures, se métamorphosait en Mathieu Kassovitz. Passons.

Et puis, il y a Kiyoshi Kurosawa – rien à voir avec son homonyme Akira Kurosawa. De lui, j’avais vu The cure (titre japonais : Kyua, film de 1997), un film policier et d’atmosphère curieusement inspiré du dernier roman publié d’Agatha Christie, Curtain (en français, Poirot quitte la scène) : un fou est capable de pousser les autres à commettre des crimes par le seul pouvoir de sa parole. Un homme aussi persuasif devrait embrasser la carrière d’avocat et proposer ses services à Charles Pasqua. Ici, ce ne sont pas des crimes, mais des suicides en série, et l’inspirateur, si l’on peut dire, est un fantôme qui hante Internet.

La vision est très noire, et l’atmosphère en conséquence, créée par des images souvent surprenantes. J’en retiendrai le suicide le plus réaliste qu’on ait jamais vu au cinéma : une femme se jette du haut d’une cheminée d’usine. La scène est filmée par une caméra immobile, de loin et en un seul plan, du saut jusqu’à l’écrasement final, c’est-à-dire sans aucun trucage décelable. On n’a encore jamais vu ça.

Inutile de dire que rien ne sera expliqué, et c’est plutôt un point positif. L’ennui est que le réalisateur, n’ayant rien à nous révéler, ne sait pas comment terminer son histoire. Il case donc ça et là des incendies mystérieux, et même un avion qui s’écrase sur Tôkyô. Un plan final de la ville sous un ciel d’orage conclut le tout.

Je n’ai pas l’impression de vous avoir donné envie de voir ce film. Il vaut pourtant le déplacement. Mais, si vous y allez et que vous habitez Paris, évitez le MK2 Beaubourg : l’image y est constamment floue. J’ai bien protesté, mais le projectionniste n’a jamais réussi à faire le point, le pauvre...

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Le tailleur de Panama

Réalisateur : John Boorman

Titre original : The tailor of Panama

Scénario : John Le Carré et Andrew Davies

Interprètes : Pierce Brosnan, Geoffrey Rush, Jamie Lee Curtis, Leonor Varela, Brendan Gleeson, Catherine McCormack, Daniel Radcliffe

Durée : 1 heure et 49 minutes

Sortie à Paris : mercredi 30 mai 2001

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Écrit et produit par John Le Carré, ce film se déroule dans les milieux proches du Pentagone et décrit les exploits d’un agent des services parallèles et autres cercles fréquentés par les espions. Le récit n’est pas dans la ligne des James Bond, bien qu’il ne manque pas de hauteur. Au centre de l’histoire, un tailleur à l’âme droite et qui possède une certaine surface, mais dont les activités médianes se limitent au périmètre de Panama, ce qui place le film au rayon des productions de série Z. Si encore on avait pensé à y inclure un triangle amoureux, le critique aurait pu le considérer sous un angle plus favorable, au lieu de prendre la tangente. Un point, c’est tout.

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Un aller simple

Réalisateur : Laurent Heynemann

Scénario : Laurent Heynemahn, Didier van Cauvelaert, Albert Algoud

Interprètes : Jacques Villeret, Barbara Schulz, Lorant Deutsch, Eva Ionesco, Nathalie Krebs, Christophe Odent, Wilfried Brosch, Jean Benguigui

Durée : 1 heure et 30 minutes

Sortie à Paris : mercredi 30 mai 2001

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– Arrête de rêver !, crie Aziz à son ami Jean-Pierre (quel beau prénom !).

– Jamais !, rétorque Jean-Pierre.

Ce court dialogue, qui conclut le film, le résume avec maestria. Il faut dire que Jean-Pierre Schneider (excellent Jacques Villeret), employé au Ministère des Affaires Étrangères comme « attaché humanitaire » (sic), n’a jamais été dupe de la mission qu’il avait sollicitée, davantage pour quitter Paris et son ménage en perdition que pour tenter de « réinsérer » dans son pays d’origine un jeune clandestin que le Quai d’Orsay, en mal de pub, croit marocain parce qu’il se fait appeler Aziz. Notre homme va donc vivre ce que des critiques plus distingués que moi qualifieraient sans doute de « parcours initiatique », puisque la révélation de son existence gâchée et de la possibilité d’en vivre une autre lui viennent dans le Haut-Atlas, région grandiose mais peu hospitalière où Aziz, au hasard d’un interrogatoire farfelu, avait situé son prétendu village d’origine. Entre ce pseudo-Marocain né à Marseille et qui n’aspire qu’à y revenir, et une jeune Française née à Casablanca et bien décidée à y rester, il ne sait plus très bien ce qu’il veut, notre fonctionnaire, mais il sait ce qu’il ne veut plus ; ce pour quoi il démissionne du ministère et décide de partir pour le Caucase, où il s’avérerait que vivent les parents d’Aziz, aussi marocain par conséquent que Bruce Willis.

Comment ça, vous ne comprenez rien ? Bon, je vous le fais façon Monique Pantel pour lecteurs de « France-Soir », ça vous va ? Non plus ? Bien, alors, façon normale.

Pour une fois qu’il paie ce qu’il achète, ce petit voyou marseillais d’Aziz, plutôt spécialiste de la revente des auto-radios piquées dans les bagnoles, voilà-t-il pas que son honnêteté passagère le conduit droit chez les flics ? La bague de fiançailles destinée à la fille qu’il aime et qu’il a réglée cash à son dénonciateur, bijoutier pour la couverture, pourvoyeur de faux papiers pour le gagne-pain et indic pour la tranquillité, va lui valoir une expulsion en règle. Heureusement, le ministre des Affaires Étrangères cherche justement à redorer le blason de ses services, dont on ne dira jamais à quel point ils excellent à se couvrir de gloire partout dans le monde. Et quoi de mieux qu’une belle opération de « communication » dans le style humanitaire ? Reste plus qu’à trouver les deux pigeons : l’expulsé et l’accompagnateur. L’expulsé, ce sera donc Aziz ; l’accompagnateur, un obscur fonctionnaire qui accepte toutes les sales corvées parce qu’il s’en fout, vu que sa femme le trompe avec son propre chef de service et que c’est un raté authentique.

Ah ! certes, Aziz, tout comme son homonyme du Loft, n’a pas inventé l’eau tiède, et quand on lui demande si son village, Irguiz (un nom qu’il a sorti comme ça, pour dire quelque chose), se trouve dans l’Atlas, avec une majuscule, il répond que, oui, oui, il est dans l’atlas – avec une minuscule, et vous aviez compris l’astuce. De quiproquos en mensonges, Jean-Pierre et Aziz se retrouvent à Casablanca d’abord, Agadir ensuite, et cherchent à rejoindre Irguiz, dont je vous rappelle qu’il n’existe pas, et auquel Jean-Pierre, pas si naïf mais c’est l’État qui paye la balade, feint de croire. Une jolie Française, guide de métier donc peu tourmentée par les scrupules, s’offre à les y conduire. Après bien des tribulations, ces trois-là vont devenir amis, et l’obscur fonctionnaire français va se décider à tout larguer, un tout auquel il ne tenait guère, et on le comprend.

Le film est stimulant, et l’histoire a bien de la générosité. On la doit au réalisateur Laurent Heynemann, à l’auteur du roman, le talentueux Didier van Cauwelaert, et à l’excellent Albert Algoud, tintinophile, ex-prof, ex-complice de Karl Zéro et producteur sur France Inter d’une émission quotidienne d’actualité culturelle, La partie continue. La seule faiblesse du film me paraît se situer précisément dans cette séquence de la révélation en montagne, une peu longuette à mon goût – d’autant plus qu’on pressentait le dénouement dès le départ. Peu importe puisque, comme chacun sait, ce n’est pas la fin qui compte, mais la manière d’y parvenir. Le film aura peu de publicité, je le crains, mais il est très au-dessus de la dernière production de monsieur Jeunet. Ne le laissez pas passer.

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Dernière mise à jour de cette page le mardi 8 septembre 2020.